Des moyens supplémentaires seront déployés, afin de développer une recherche transversale dont la finalité est de réduire l’exposition des populations à la Chlordécone, en Guadeloupe et en Martinique, ainsi que de déployer des mesures d’accompagnement adaptées.
Dans ce but, l’Agence nationale de la recherche (ANR), la Région Guadeloupe et la Collectivité territoriale de Martinique avaient conjointement lancé un appel à projets, le 10 mars dernier et mobilisé 5,53 millions d’euros. Les lauréats sont connus depuis hier (jeudi 8 décembre 2022). Les six projets retenus, sur les quatorze présentés, font désormais partie intégrante du IVème plan stratégique de lutte contre la pollution par la Chlordécone (2021-2027).
Unir les forces
Les institutions se réjouissent de la large mobilisation des chercheuses et chercheurs d’Outre-mer et de l’Hexagone, pour répondre aux enjeux encore pleinement d’actualité.
Thierry Damerval, président-directeur général de l’ANR, mise sur une meilleure connaissance des impacts de la Chlordécone et sur le développement de solutions, pour la dépollution et la résilience des écosystèmes impactés.
L’approche interdisciplinaire renforcée, associant sciences humaines et sociales et sciences expérimentales, des six projets lauréats sélectionnés a également vocation à mieux appréhender les conditions d’appropriation de ces travaux de recherche au sein de la société.
Thierry Damerval, président-directeur général de l’ANR
Serge Letchimy, président du conseil exécutif de Martinique, rappelle, comme à son habitude, la somme des dégâts provoqués par la Chlordécone.
La pollution des terres et des eaux martiniquaises à la Chlordécone constitue l’une des plus grandes catastrophes sanitaires et environnementale de notre époque. Aujourd’hui, nous devons vivre en faisant le constat que plus de 50% de la surface agricole utile martiniquaise est contaminée et avec la certitude que les populations de Martinique et de Guadeloupe présentent des taux d'incidence du cancer de la prostate et d’autres pathologies graves, parmi les plus élevés au monde. Pour sortir de cette réalité et pour bâtir une ère post-Chlordécone, nous sommes résolument engagés à permettre l’émergence de nouveaux procédés de détection et d’élimination de cette molécule de notre écosystème, de notre alimentation et in fine de notre organisme.
Serge Letchimy, président du conseil exécutif de Martinique
Sylvie Gustave Dit Duflo, 4ème vice-présidente de la Région Guadeloupe, se réjouit du fait que, pour la première fois, les chercheurs s’interrogent sur l’impact de l’exposition à la Chlordécone, perturbateur endocrinien, sur la fertilité. Car "le cycle ovarien de la femme est éminemment endocrinien et, donc, on va enfin avoir des réponses".
La présidente de la commission environnement souligne aussi que les recherches des six projets retenus s’appuieront sur l’expertise de 45 laboratoires à travers le monde, y compris en Guadeloupe.
Les projets lauréats
Les porteurs et porteuses des six projets lauréats présenteront leurs travaux de recherche lors du colloque scientifique « Connaître pour agir », qui se tiendra en Guadeloupe du 12 au 14 décembre, dans le cadre des Rencontres Chlordécone 2022.
Les projets retenus sont :
- CHLOR2NOU - Chlordécone et ses produits de transformation : nouveaux outils et connaissances ;
- DéMETer : déployer une méthode efficiente, acceptable et opérationnelle de traitement des sols pour réduire l’exposition vis-à-vis de la Chlordécone et ses produits de dégradation ;
- KARU-FERTIL : exposition à la Chlordécone et fertilité féminine ;
- LiCOCO – Vivre avec la Chlordécone : une co-construction fondée sur les opportunités ;
- MetHalo : criblage métagénomique des déhalogénases, nouveaux outils pour la dépollution de la chlordécone ;
- REMED-CHlOR : recherche d’un procédé de remédiation des sols contaminés par la Chlordécone, étude en laboratoire et à l’échelle pilote, application in-situ et approche socio-politique.
Chlordécone : plus de 20 ans de pollution
Pour rappel, la Chlordécone est un insecticide largement répandu dans les champs de bananes, en Guadeloupe et en Martinique, entre 1972 et 1993, pour lutter contre un insecte ravageur, le charançon du bananier. Interdite depuis (bien plus tard dans les Antilles françaises que dans l’Hexagone et aux Etats-Unis, très tôt informés du caractère dangereux de ce produit), cette molécule (et ses métabolites) a entraîné une contamination diffuse et généralisée des eaux, des sols et des écosystèmes, sans compter les conséquences délétères pour la santé des populations des îles impactées.