Ce décret est avant tout destiné à permettre l’indemnisation des victimes, de ce que l’on peut considérer comme un scandale environnemental et sanitaire aux Antilles.
Le chlordécone a en effet été autorisé entre 1972 et 1993 dans les bananeraies des Antilles alors même qu'on en connaissait la dangerosité. A l'époque, les planteurs, appuyés en cela par les parlementaires, avaient demandé à l'Etat une dérogation pour continuer de l'utiliser. C'était en effet le seul moyen connu pour éliminer les charassons, véritables fléaux pour les bananes qui, marquées par eux, devenaient inexportables.
La quête d'un tel standard aura donc eu un coût, un coût humain puisque, les travailleurs de la banane ont été directement exposés à ce dangereux pesticide et beaucoup en ont développé des maladies dont le cancer de la prostate. Les scientifiques ont en effet mis en évidence le rapport direct entre les cancers de la protate et l'exposition au chlordécone.
Mais plus généralement, avec une pollution durable des sols (plus de 600 ans avant une éventuelle décontamination), c'est plus de 90% de la population de la Guadeloupe et de la Martinique qui seraient empoisonnés au chlordécone. Les Guadeloupéens et les Martiniquais présentent aujourd'hui un taux d'incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.
Pourtant, aujourd'hui, le décret ne prévoit qu'un cadre de maladie professionnelle : Les agriculteurs et leurs employés atteints d'un cancer de la prostate après avoir été exposés plus de dix ans à des pesticides pourront désormais être indemnisés. De fait, tous les exploitants ou salariés agricoles pourront demander ce statut à deux conditions :
1 . qu’ils aient travaillé pendant au moins dix ans au contact du chlordécone,
2. que moins de quarante ans se soient écoulés entre leur dernière exposition et le diagnostic de cancer de la prostate.
On ne sait donc pas encore combien de personnes seront vraiment concernées par cette indemnisation..
Des réactions sur l'échiquier politique et syndical
Il avait été l'un des premiers à s'approprier pénalement le dossier. A la tête de son parti écologiste, l'avocat Harry Durimel, aujourd'hui maire de Pointe-à-Pître avait porté plainte contre l'Etat pour empoisonnement. Ce décret est un premier résultat obtenu mais il est loin d'être une fin en soi.
Harry Durimel, maire de Pointe-à-Pître
S'il n'était pas allé jusqu'en justice, le syndicat CGTG avec sa section très implantée dans le secteur de la banane, n'a eu de cesse d'attirer l'attention sur la situation sanitaire des travailleurs de la banane. Pour le secrétaire général de la CGTG, Jean-Marie Nomertin, ce décret ne règle rien et le combat doit donc continuer
Jean-Marie Nomertin CGTG
Enfin pour Olivier Serva, député de la majorité présidentielle et président de la délégation Outre-mer à l'Assemblée nationale, le président de la République Emmanuel Macron a
"été le premier à reconnaître la responsabilité de l'Etat dans ce scandale, en septembre 2018".
Pour autant, il reconnait qu'e ce n'est là qu'une "petite avancée, mais insatisfaisante", au regard des dispositions nécessaires pour bénéficier de l'indemnisation, qui entretiennent "le flou" sur les personnes éligibles et concernent un "spectre réduit".