Pas d’éloge post-mortem à l’égard de Jean-Marie Le Pen en Guadeloupe

Jean-Marie Le Pen
Entre indifférence et satisfaction à peine dissimulée, les réactions sont glaciales, en Guadeloupe, suite au décès de Jean-Marie Le Pen. Le fait est que son histoire avec l’archipel n’est pas heureuse : des manifestants l’avaient empêché de poser le pied sur le sol de l’aérogare du Raizet, en 1987 et ses idées n’ont jamais eu la percée qu’il aurait souhaitée, durant sa carrière politique.

Le père du Front national (FN), pilier de l’extrême Droite française, s’en est allé à l’âge de 96 ans, mardi 7 janvier 2025.
Son histoire avec la Guadeloupe a été tumultueuse. De l’archipel, il n’a pu avoir qu’une vision depuis le ciel, puisque des manifestants l’avaient empêché de mettre pied à terre.
Aujourd’hui, les réactions, à l’annonce de sa mort, témoignent du désamour entre ce monstre politique et le territoire.

Une politique lepéniste qui ne passait pas

Contrairement à sa fille Marine, Jean-Marie Le Pen n’a jamais réussi à séduire aux Antilles.
À l’instar de la Martinique, il n’a pas réussi à fouler le sol de la Guadeloupe. Son avion, dérouté de Fort-de-France, a enregistré les mêmes affres que dans l’île voisine, le 6 décembre 1987. Il était alors député européen, en campagne pour la présidentielle de 1988.
Dans l’esprit de beaucoup, cet homme politique était le symbole du racisme, notamment. Si bien qu’il n’a jamais vraiment réussi à franchir la barre des 10% de suffrages en sa faveur, dans l’archipel.
L’image d’extrême droite française décomplexée, incarnée par l’ancien parachutiste, qui a exercé ses "compétences" en Algérie, ainsi qu’en Indochine, n’a pas réussi à remporter l’adhésion de la population locale.

En 1988, à l’occasion de sa deuxième candidature à la présidentielle, il va recueillir 1,68% des suffrages exprimés au premier tour, en Guadeloupe.

Lors de sa quatrième tentative d'accéder à l'Elysée, symbole de séisme politique au premier tour, il progresse et arrive en quatrième position au premier tour localement, avec 2,94% des suffrages exprimés. Au second tour, alors qu’il était face à Jacques Chirac, quand pour la première fois des voix se sont élevées pour appeler à "faire barrage" au national, il va totaliser 8.889 voix et 8,72% des résultats en Guadeloupe.

En 2007, 5 ans plus tard, il va chuter, même s’il restera quatrième à l’échelle locale, avec cette fois 3,18% des suffrages exprimés.

Si Jean-Marie Le Pen est resté persona non grata en Guadeloupe, il va s’appuyer sur des personnalités locales, pour véhiculer ses idées. Huguette Fatna, originaire de Martinique, sera, durant de longues années, sa figure locale. Marc Guille sera le premier à réussir à implanter une section locale.

À VOIR AUSSI/ Le reportage de Laid Derritane sur les relations de Jean-Marie Le Pen avec l’Outre-mer.

Décès Jean-Marie LE PEN : Ses relations avec l'Outre-Mer ©Outre-mer la 1ère

Georges Calixte analyse les causes du désamour persistant, entre les Outre-mer et le fondateur du FN. 

Le Front national a bâti son idéologie autour de ce que l’on appelle la "nostalgie coloniale" (...).

Georges Calixte, politologue

Georges Calixte, politologue ©Rémi Defrance - Guadeloupe La 1ère

 

Un décès qui laisse de marbre

Le décès de Jean-Marie Le Pen suscite peu de réactions en Guadeloupe.
Nous n’avons pas obtenu de déclaration des personnalités locales du Rassemblement national.

En revanche, le fondateur du Comité International des Peuples Noirs (CIPN) et membre du collectif "Fos Pou Konstrui Nasyon Gwadloup" (FKNG), Luc Reinette, nous a fait part de son indifférence, se souvenant du passé obscur de l’homme ; référence, entre autres, au rôle qu’il a joué au sein de l’armée française, dans les guerres en Algérie et en Indochine.

Sa disparition me laisse de marbre. Je ne me réjouis pas de sa disparition, mais je ne m’en désole pas non plus (...). C’était un ennemi politique (...). Il a donné la mort à un certain nombre de personnes (...).

Luc Reinette, fondateur du CIPN, membre du FKNG

Luc Reinette, fondateur du CIPN, membre du FKNG ©Rémi Defrance - Guadeloupe La 1ère

Nous avons promené notre micro en Guadeloupe, pour connaître le sentiment de la population locale. Parmi les personnes qui ont répondu, certaines ont à peine masqué leur satisfaction, d’autres n’en ont que faire. 

Qu’est-ce qu’on peut dire ? Chacun a le droit d’avoir ses idées. Il y a des gens qui pensent comme ça. Libre à eux. C’est une perte pour ceux qui croyaient en ses idées. Pour le bien de l’être humain, en général, je pense que c’est quelque chose de bien !

Résidant guadeloupéen

Bon, il est mort. Il avait combien ? 96 ans. Je crois qu’il a bien vécu. On ne va pas dire du mal des morts, mais c’est vrai qu’il ne va pas nous manquer... et puis il y a de la succession, hein ! Donc ses idées vont perdurer, malheureusement.

Résidante guadeloupéenne

Ben... 96 ans ! Qu’est-ce que vous en pensez ? C’est une figure de la politique, qu’on soit pour ou contre, il a été un grand opposant à tout ce monde politique...

Résidante guadeloupéenne

Il est mort ! Ah bon ! J’suis choquée ! On ne m’a pas appelée, on ne m’a rien dit !

Résidante guadeloupéenne

De la tristesse parce que, du coup, ça reste un être humain ! Mais, par rapport à tout ce qu’il a pu dire et faire... c’est un soulagement ! C’est honteux de dire ça, je sais, c’est un être humain. Mais je n’ai aucun sentiment par rapport à la perte de Jean-Marie Le Pen.

Résidante guadeloupéenne

Je pense qu’il faut toujours des opposants, pour faire grandir la politique. Je pense qu’en tant que personne, il a dû faire des choses qui n’étaient pas toujours droites. Mais, je pense qu’il fallait sa voix pour faire évoluer la France. Je pense que c’est une perte.

Résidante guadeloupéenne

L’année commence bien ! J’aime bien cette information. Voilà, pas de pitié pour les racistes, pour les nazis, pour les homophobes, pour les sexistes... qu’il repose, pas en paix, mais qu’il repose.

Deux résidants guadeloupéens