Les Sages de la rue de Montpensier avaient été saisis par le gouvernement et trois groupes parlementaires après l'adoption du texte par députés et sénateurs le 25 juillet au terme de six jours de débats houleux et plusieurs inflexions.
L'obligation du pass sanitaire jusqu'au 15 novembre
Le Conseil constitutionnel a censuré jeudi les dispositions de la loi sanitaire prévoyant qu'un CDD ou contrat d'intérim puisse être rompu "avant son terme" par l'employeur faute de pass sanitaire, validant en revanche la procédure de suspension du contrat de travail sans rémunération.
"En prévoyant que le défaut de présentation d'un pass sanitaire constitue une cause de rupture anticipée des seuls contrats à durée déterminée ou de mission, le législateur a institué une différence de traitement entre les salariés selon la nature de leurs contrats de travail qui est sans lien avec l'objectif poursuivi", indique le Conseil constitutionnel.
Les Sages soulignent que le législateur "a entendu exclure" que le défaut de pass "puisse constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement d'un salarié en contrat à durée indéterminée", disposition un temps prévue par le gouvernement mais supprimée lors du parcours législatif.
Ils jugent que la procédure de suspension du contrat de travail sans rémunération pour les salariés concernés par l'obligation de pass sanitaire n'est pas contraire à la Constitution.
Une décision saluée par le ministère du Travail
Ils observent notamment que la mesure est temporaire, l'obligation du pass ne courant que jusqu'au 15 novembre, que la suspension prend fin lorsque le salarié produit "les justificatifs requis" ou encore qu'un salarié peut se voir proposer un autre poste au sein de l'entreprise.
"Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des exigences constitutionnelles précitées doivent être écartés", souligne le Conseil.
Le ministère du Travail a salué auprès de l'AFP la validation par les Sages des mesures prévues "pour inciter les salariés à se faire vacciner et faciliter la mise en oeuvre des nouvelles obligations" pour lutter contre l'épidémie.
"Ainsi de nombreuses solutions s'offrent aux employeurs et aux salariés : autorisation d'absence pour aller se faire vacciner, entretien entre l'employeur et le salarié, utilisation de jours de congés ou de RTT, affectation temporaire sur un autre poste, recours au télétravail, suspension du contrat de travail le temps que le salarié se conforme à ses obligations", a-t-on souligné de même source.
Les Sges censurent la rupture anticipée d'un CDD ou intérim
"Le texte adopté par le Parlement prévoyait cependant une différence de traitement entre le CDD et le CDI que le Conseil Constitutionnel n'a pas jugé justifiée. La suspension pourra s'appliquer mais le CDD ne pourra pas être interrompu avant son terme", a poursuivi le ministère.
La décision des Sages ne change toutefois pas le fait que le droit commun du Code du travail peut s'appliquer en matière de licenciement, estiment certains juristes, à l'instar de Déborah David, avocate spécialisée en droit du travail.
Le seul défaut de pass sanitaire "n'est pas une cause réelle et sérieuse de licenciement", mais d'autres motifs peuvent être valables, même si les employeurs ne devront licencier qu'en cas "d'extrême nécessité" et "extrêmement bien motiver la décision", a-t-elle indiqué à l'AFP.
Mais pour Christophe Noël, avocat spécialisé en droit du travail, il n'est "pas sûr du tout que le droit commun s'applique", ce qui créé "une insécurité juridique terrible".
"En principe, le droit commun autorise un employeur à licencier un salarié dont le contrat est suspendu trop longtemps ou si cela cause un trouble caractérisé dans l'entreprise", mais il n'est pas certain que l'on puisse licencier des salariés sur ces motifs, dit-il, ajoutant être convaincu que "les décisions seront disparates parce que la loi est mal foutue".
Pass santaire validé dans les cafés, restaurants et certains centres commerciaux
Le pass sanitaire pourra être exigé dans les cafés et les restaurants dès lundi, y compris en terrasse, après la validation jeudi par le Conseil constitutionnel de l'essentiel de la loi adoptée fin juillet au Parlement.
Les Sages ont estimé que son instauration pour les activités de loisirs et de restauration commerciale, et pour les débits de boisson, était justifiée, au nom d'une "conciliation équilibrée" entre les exigences de protection de la santé et des libertés individuelles. Le pass s'appliquera également dans certains centres commerciaux et grands magasins, selon une liste qui reste à définir par les préfets.
Le Conseil constitutionnel a validé jeudi l'extension du pass sanitaire à certains centres commerciaux "au-delà d'un certain seuil défini par décret" et si "la gravité des risques de contamination" à l'échelle d'un département le justifie.
L'autorité préfectorale pourra ainsi mettre en place le pass sanitaire dans les grands magasins et centres commerciaux tout en garantissant "l'accès des personnes aux biens et services de première nécessité ainsi qu'aux moyens de transport accessibles dans l'enceinte de ces magasins et centres", selon la loi adoptée le 25 juillet par le Parlement et validée par le Conseil Constitutionnel.
Le gouvernement avait annoncé mi-juillet que seuls les centres commerciaux d'une superficie supérieure à 20 000 mètres carrés devraient être concernés.
C'est le seuil qui avait été choisi en février, quand le gouvernement avait fermé les centres commerciaux non alimentaires de plus de 20 000 mètres carrés, soit de l'ordre de 400 centres en France.
La liste des centres concernés doit encore être précisée par les préfets.
L'obligation de vaccination pour les soignants validée également
La loi instaurant le pass sanitaire et la vaccination obligatoire des soignants a été validée jeudi par le Conseil constitutionnel, qui a en revanche censuré les dispositions relatives à l'isolement obligatoire des personnes diagnostiquées positives au Covid-19.
"Le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé", notent les Sages à propos du pass et de la vaccination des soignants. Les juges constitutionnels ont toutefois estimé que l'isolement obligatoire des malades de 10 jours n'était ni "nécessaire, adapté et proportionné" en ce qu'il constitue une mesure privative de liberté "sans décision individuelle fondée sur une appréciation de l'autorité administrative ou judiciaire".