Pauline, esclave devenue religieuse qui a impacté l'histoire juridique de France

L’abolition de l’esclavage proclamé à la Convention
Pauline Villeneuve, jeune esclave guadeloupéenne née en 1697, a marqué l'histoire en luttant avec succès pour sa liberté à Nantes au XVIIIe siècle. Un combat qui a suscité des débats juridiques majeurs concernant le statut des esclaves dans le royaume de France.

Pauline, connue sous le nom de Pauline Villeneuve, naît esclave en Guadeloupe, en 1697. De son enfance, de son temps passé sur l'île, peu d'informations sont connues. Toutefois, le combat qu'elle a mené pour son émancipation et sa liberté font d'elle un personnage historique important, ouvrant des débats juridiques sur la condition des esclaves en France. 
En 2021, Krystel Gualdé, directrice scientifique du musée d'Histoire de Nantes et spécialiste de la traite et de l'esclavage colonial français, lui consacre un ouvrage "1716. Pauline, une esclave au couvent". 

Un départ de la Guadeloupe qui va tout changer 

C'est en janvier 1714 que le destin de Pauline prend une tournure inattendue. À peine âgée de 18 ans, elle est embarquée sur un bateau, le navire "Le Généreux", par sa propriétaire Madame Villeneuve, en direction de Nantes.
Elle découvre le froid de l'hiver, un autre mode de vie éloigné de ce qu'elle a connu jusqu'alors. La jeune esclave est placée en pension, au couvent des Bénédictines de Notre-Dame du Calvaire. Un choix fait par sa "maîtresse" qui aura de nombreuses conséquences. D'ordinaire, les esclaves restaient au service domestique de leurs "propriétaires" ou étant placés chez des maîtres d'apprentissage. 

Pauline découvre alors un monde qui lui plaît et une vocation spirituelle. Elle exprime alors le désir d'être religieuse.
Un an plus tard, en janvier 1715, soutenue par sa congrégation et un bienfaiteur influent, René Darquistade armateur et homme politique (il fut quelques années après, maire de Nantes), elle refuse de retourner auprès de Mme Villeneuve qui la réclame.

Un litige judiciaire qui crée un précédent

Pauline est reçue au noviciat, temps probatoire à l'engagement dans la vie religieuse, après lequel on est admis à prononcer les vœux de religion.

L'acte de réception au noviciat de Pauline, daté du 26 janvier 1715, ne mentionne pas son statut d'esclave, et chose surprenante pour l'époque, Madame Villeneuve y est désignée comme "famille" et non propriétaire.

Cette dernière refuse de perdre celle qu'elle considère comme son bien. Elle engage un procès pour récupérer Pauline, en s'appuyant sur le Code Noir, qui régit l'esclavage dans les colonies françaises.
Cependant, le tribunal de Nantes statue en faveur de la jeune femme, affirmant son indépendance. Cette décision est basée sur le fait que Madame Villeneuve n'avait pas l'intention de ramener Pauline aux colonies, un point essentiel pour le jugement.

Les contradictions du droit français de l'époque

Cette décision met en lumière les contradictions entre le principe du "sol libre" en France continentale et le Code Noir en vigueur dans les colonies, à l'instar de la Guadeloupe.
Selon l'Édit de 1315 de Louis X le Hutin, toute personne esclave devenait libre en arrivant en France continentale. Il est stipulé dans cet acte, que selon "le droit de nature, chacun doit naître franc" et que "par tout notre royaume les serviteurs seront amenés à franchise". D'où le dicton "nul n'est esclave en France".

Le Code Noir de 1685, qui régit l'esclavage dans les colonies, ne s'y applique donc pas.

Alerté par les implications du jugement en faveur de Pauline, Gérard Mellier, futur maire de Nantes, demande une extension du Code Noir au continent. Un édit royal est publié le 25 octobre 1716, permettant aux propriétaires d'y amener leurs esclaves sous certaines conditions - que les maîtres obtiennent une permission et que leur séjour soit limité à trois ans. Le texte est rejeté par le Parlement de Paris mais acceptés par les parlements de Bretagne et d'Aquitaine, où les intérêts coloniaux sont plus importants.

Un personnage emblématique

En 1716, Pauline, âgée de 20 ans, prononce ses vœux religieux et adopte le nom de sœur Pauline Rose de Sainte Thérèse.
Durant plus de 50 ans, sa vie au couvent est dédiée à la prière, aux travaux manuels, aux études et aux offices religieux. Elle devient "Vénérable Mère". Un titre qui souligne son intégration et son respect de la congrégation.

Pauline décède le 3 novembre 1765, à l'âge de 69 ans.

La vie de Pauline comporte des zones d'ombre. Peu de documents parlent d'elle et de son combat. Sur certains, une mention rappelle simplement une petite partie de son histoire : "Elle était native de la Guadeloupe de l’Amérique".

Le livre de Krystel Gualdé lui a redonné vie et a présenté son impact sur l'histoire juridique de France. Pauline restera une figure emblématique du XVIIIe siècle, comme celle qui a contribué à la lutte pour la liberté des esclaves en France.