Pêche : un secteur professionnel à nécessairement faire évoluer

Port de pêche de Pointe-Noire
Le bureau de recherche et d’études en économie et l’environnement "VertigoLab" a été mandaté par les acteurs publics, pour produire un diagnostic socio-économique des entreprises de pêche professionnelle guadeloupéenne. Il s’avère que des mesures sont à prendre, notamment pour que la jeunesse se tourne vers ce secteur qui prend l’eau, progressivement, depuis plusieurs années.

Une enquête sur la pêche en Guadeloupe, menée il y a un an (mars 2022) et publiée en octobre dernier, fruit d’une collaboration entre le secrétariat d’Etat chargé de la mer, la préfecture, la direction de la mer, l’IFREMER, les douanes, la Région et l’INSEE, est lourde d’enseignements. Ce "diagnostic socio-économique des entreprises de pêche professionnelle guadeloupéennes" permet de jauger comment se portent ce secteur d’activité, localement.
Dans ce cadre, 30 pêcheurs de Guadeloupe, des Saintes, de Marie-Galante et de La Désirade, 13 acteurs de la filière aval (les mareyeurs, poissonniers-traiteurs, grossistes…) et 14 acteurs des services support (experts comptables, fournisseurs de matériel…) ont été consultés.

Il en ressort que de nombreux indicateurs sont à la baisse : du nombre de pêcheurs, aux navires, en passant par la production elle-même.

Pêche en Guadeloupe : le diagnostic

Le secteur de la pêche mobilisait 500 navires, en Guadeloupe, en 2021 ;  le secteur a perdu plus de 300 bateaux et 850 pêcheurs embarqués, en l’espace de 13 ans.

Nombre de navires actifs par catégorie de longueur

Et la flotte vieillit ; les navires ont 17 ans en moyenne. Cette flotte se renouvelle de plus en plus lentement. Quand on construisait 60 bateaux par an au début des années 2000, seulement une douzaine sort des chantiers navals désormais. Des embarcations plus longues, plus puissantes, plus rentables (chaque navire réalise de bonnes performances en moyenne), mais aussi beaucoup plus chers qu’il y a 20 ans.
En 2022, un navire coûte en moyenne 90.000€ hors véhicule de tractage, hors remorque et hors engins de pêche ; ce coût a presque doublé en 5 ans.

Inévitablement, l’activité pâtit de cette inflation : les pêcheurs passent moins de jours en mer, notamment pour réduire les dépenses de carburant ; ils ramènent ainsi moins de marchandises d’année en année.

Le diagnostic révèle aussi qu’en 2016, la Guadeloupe importait deux fois plus de produits de la mer qu’elle n’en produisait.

Caractérisation des importations.

Mais la grosse inquiétude du secteur concerne l’âge moyen des pêcheurs. Un tiers de ces professionnels ont entre 50 et 54 ans, dans un contexte où le métier n’attire pas, ou quasiment plus, les jeunes marins armateurs.

Age des marins

 

Quelles évolutions possibles ?

Cette enquête suggère deux pistes d’actions, principalement pour relancer la pêche en Guadeloupe.

Il est d’abord question de la mise en place d’une interprofession, qui rassemble les différents acteurs de la filière, car il y a un besoin de structuration.
En amont, la production est dispersée. Selon le constat qui est fait, il y a des pics de surproductions saisonnières de dorade ou de thon, par exemple. A contrario, les enquêteurs parlent d’un manque de production locale de poissons rouges, de crustacés et de lambis frais.
Ensuite, il y a un manque de traçabilité des produits.
Enfin, en aval, il y a une forte demande de production locale, surtout pour des produits élaborés à forte valeur ajoutée, comme des steaks de thon, de thon fumé ou de rillettes.

La deuxième piste de réflexion porte sur la professionnalisation du métier de pêcheur.
Selon l’enquête, il manque encore trop d’informations dans les obligations déclaratives (elles ne sont pas cohérentes avec les obligations fiscales), la comptabilité des entreprises est mal tenue, les déclarations sociales sont aussi incomplètes, les fiches de paie sont encore trop souvent inexistantes.

En conclusion, des mesures correctives s’imposent, pour relancer la filière et la rendre à nouveau attractive, auprès des jeunes marins.