Les autorités soutiennent qu'une loi en la matière est inutile car les lois fédérales et locales interdisent déjà une telle discrimination.
Mais des militants portoricains ont déclaré mardi (23 janvier 2024) lors d’une audience, que la communauté afro-caribéenne de l’île est toujours confrontée à cette discrimination et a besoin d’une protection particulière quand il s'agit de rapports avec les services publics, de travail, d’éducation et de logement.
Une population diverse et riche qui souhaite que son identité soit respectée
"J'ai 23 ans et j'en ai assez de ce problème", a reconnu Julia Llanos Bultrón, une enseignante qui porte des tresses. "Je suis très déçue d’un système qui nous pousse à changer nos cheveux naturels, ceux avec lesquels nous sommes venus au monde".
La jeune femme a raconté qu'une école de la ville de Fajardo, dans le nord-est du pays, lui avait proposé un emploi, l'année dernière, à condition qu'elle se coupe les cheveux, car ils n'autorisaient pas les locks. Elle avait refusé.
Des incidents similaires ont été rapportés par d’autres personnes qui ont pris la parole lors d’une audience publique bondée, tenue au Capitole à San Juan, soulignant que les coiffures en question sont culturellement importantes et ont une signification historique.
Selon le recensement américain, plus de 1,6 million de personnes sur un territoire comptant 3,2 millions d'habitants s'identifient comme appartenant à deux races ou plus, tandis que près de 230 000 s'identifient uniquement comme noirs.
Lorraine León Ramírez, mère de deux fils qui portent leurs cheveux en afro, a déclaré que son plus jeune s'était vu refuser dans deux écoles différentes jusqu'à ce qu'il se coupe les cheveux.
"Ce fut l’une des pires expériences que nous ayons vécues en famille", a-t-elle déclaré. "La grande question est la suivante : est-il juste que nos enfants doivent grandir avec des réglementations qui portent atteinte à leur identité ? La réponse est non", a-t-elle affirmé. "Il est temps de briser ces stigmates."
Le Texas est aux prises avec un problème similaire. Alors même après que l'État a adopté une loi, entrée en vigueur en septembre, interdisant la discrimination capillaire fondée sur la race.
La famille d'un lycéen noir de Belvieu, au Texas, affirme que sa suspension, depuis août, constitue une violation de la nouvelle loi. L’école affirme que la longueur des cheveux de Darryl George, tombant sous ses sourcils et ses lobes d’oreille, viole le code vestimentaire de l’école.
À Porto Rico, les responsables gouvernementaux ont noté que les lois et la constitution de l’île, ainsi que le titre VII de la loi sur les droits civils, protègent contre la discrimination. Mais un précédent a été créé en 2016 lorsqu’une cour d’appel américaine a rejeté une action en justice pour discrimination après avoir conclu que la politique sans locks d’un employeur en Alabama ne violait pas ce titre VII.
Un plaidoyer contre le racisme systémique
Lors de l’audience de mardi, la coauteure du projet de loi, la sénatrice portoricaine Ana Irma Rivera Lassén, a déclaré qu’elle ne comprenait pas la position du gouvernement. "Quel est le problème avec l'ajout d'une protection explicite ?" s'est-elle interrogée.
Elle était soutenue par Alanis Ruiz Guevara, étudiante universitaire portoricaine, qui a déclaré qu'elle faisait pression pour la création du projet de loi parce que certaines coiffures, notamment les tresses, les locks et les "bantu knots (kaka kabri ou petits choux), ne sont pas couvertes par certaines lois.
Parmi les autres partisans du projet de loi, la célèbre auteure portoricaine Mayra Santos-Febres. "Ce travail juridique est très important car il crée un protocole qui est nécessaire maintenant", a-t-elle déclaré. "Nous avons besoin d’outils pour nous défendre contre le racisme systémique."
Le débat sur le projet de loi devrait se poursuivre dans les semaines à venir.
Aux États-Unis, le Texas et au moins 23 autres États ont mis en œuvre une version de la CROWN Act, qui signifie "Créer un monde respectueux et ouvert pour les cheveux naturels". Il interdit la discrimination en matière de coiffure dans les lieux d'emploi, de logement, d'éducation et d'hébergement public.
La Chambre des représentants des États-Unis en a approuvé une version fédérale en 2022, mais elle a échoué au Sénat.
Certains responsables gouvernementaux de territoires des Caraïbes ont également fait pression pour assouplir les codes capillaires dans les écoles, les lieux de travail et les bureaux gouvernementaux.