Prise en charge des patients Covid et non-Covid : coopération compliquée entre CHU des Antilles-Guyane

Une chambre de réanimation, en zone Covid

En mode anticipation, en ces temps de pandémie, le CHUG s'interroge sur la possibilité de faire jouer la coopération interrégionale. Mais le fait est que la Martinique est particulièrement impactée par la Covid-19. Quant à la réserve sanitaire, elle est sollicitée sur tout le territoire national.

Le nombre de nouveaux cas de Covid-19 ne cesse d'augmenter, en Martinique ; 724 personnes ont été diagnostiquées positives au virus, en semaine 13, sur place. Six personnes ont succombé à leurs symptômes, la semaine dernière. Les hôpitaux de l'île se préparent au pire.

En Guyane, la situation est moins tendue, mais la domination du variant brésilien inquiète.

La Guadeloupe, quant à elle, sera fixée dans l'après-midi de ce mercredi 07 avril 2021, concernant l'évolution de l'épidémie, lors du point presse hebdomadaire orchestré par la préfecture.
Mais déjà, dans l'archipel, se pose la question de la coopération entre les territoires français du bassin Atlantique et de l'appui de la réserve sanitaire. Si la nécessité se présentait, pourront-ils jouer ?

CHU sous tension en Guadeloupe ?

La Guadeloupe doit-elle craindre l’effondrement de la capacité de ses hôpitaux, à prendre en charge les patients Covid ?
Cette question est d’autant plus sensible pour les cas relevant de la réanimation.

Pour l’heure, la situation est tendue, mais les autorités sanitaires disposent encore d’une faible marge de manœuvre. Nous sommes en effet, au niveau 4 du plan Orsan (Organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles), qui en compte 6. 

Selon les derniers chiffres connus, 13 patients Covid+ sont hospitalisés en réanimation, sur les 18 lits alloués au virus.
18 autres patients non-Covid sont pris en charge en réanimation, sur les 20 lits ouverts.

Mais paradoxalement, les passages aux urgences sont encore plutôt peu nombreux : 5 à 10 par jour, qui débouchent sur 3 hospitalisations en moyenne, selon le directeur du CHU, Gérard Cotellon, qui dresse l’état des lieux, au micro de Julien Babel :

Gérard Cotellon : "Notre stratégie, au CHU, est toujours d'anticiper cette montée de 3ème vague"

 

Quelle disponibilité des renforts de la réserve sanitaire ?

Une saturation globale conduirait au terrible dilemme, où les soignants devraient choisir qui a le droit de vivre.

Pour l’éviter, il faut des bras ! Le recours aux réservistes sanitaires est donc nécessaire, mais elle dépend de diverses situations, sur l’ensemble du territoire national. En d’autres termes, si la situation s’aggrave, dans l’immédiat, les secours pourraient bien être contraints.
Tout de même, depuis le 29 avril dernier, 17 réservistes sont mobilisés en Guadeloupe, précise Gérard Cotellon, qui rappelle que la complexité n'est pas seulement liée à la capacité d'accueil, mais aussi à la disponibilité du personnel compétent. Le directeur du CHUG répond à Julien Babel :

Gérard Cotellon : "On peut toujours ouvrir des lits de réanimation, si on n'a pas le personnel, ça ne tourne pas."


Coopération interrégionale compliquée par les situations individuelles

En cas d’urgence, il semble difficile, à l’heure actuelle, d’envisager le soutien de la Martinique, asphyxiée par la progression du virus.
De même, l'habituelle coopération avec la Guyane pourrait pâtir d’un mauvais bilan Covid.
C'est ce qu'a dit Gérard Cotellon à Julien Babel :

Gérard Cotellon : "Si les 3 territoires du bassin sont concernés par cette 3ème vague à un niveau élevé, la coopération interrégionale devient plus compliquée"

L’ECMO évoqué par le directeur du CHU de la Guadeloupe est une technique d’assistance à l’oxygénation extracorporelle, utilisée en dernier recours dans les formes les plus sévères du syndrome de détresse respiratoire aigüe.

Les hôpitaux de Martinique se préparent au pire

La situation est plus que préoccupante, au sein du CHU de la Martinique. L'établissement hospitalier n'a jamais reçu autant de patients Covid qu'actuellement. Le taux de positivité a dépassé le seuil d'alerte, dans l'île ; ce qui implique des déprogrammations. L'orgnaisation du CHUM, qui a très peu de marge, a été bouleversée. 113 lits de médecine ont été ouverts. Benjamin Garel, directeur du Centre hospitalier universitaire de la Martinique, craint le pire ; il l'a dit à Corinne Jean-Joseph de Martinique la 1ère :

Actuellement, on a dégradé certaines de nos prises en charge, sur les pathologies non Covid. On a d'ailleurs fermé 50% de nos blocs opératoires.

On soigne encore les pathologies de types cancérologiques, les pathologies chroniques graves et puis les patients très âgés qu'on va arriver à prendre en charge, mais parfois avec des délais un petit peu plus élevés que d'habitude.

Benjamin Garel, directeur du CHU de Martinique

Le professeur André Cabié, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHUM est, lui, encore plus alarmiste. Il estime que l'hôpital ne pourra pas soigner correctement tout le monde.

On ne sera plus en capacité de soigner tout le monde. Ça veut dire qu'on va avoir de plus en plus de décès de personnes atteintes de Covid - ce sera probablement 1/4 des personnes admises en réanimation - mais des décès aussi de personnes victimes d'accidents de la route qu'on ne pourra pas prendre en charge suffisamment vite.

C'est pas une question de choix ! Ce sera simplement d'être en capacité de les amener à l'hôpital, de les prendre en charge au bloc opératoire et ainsi de suite...

André Cabié, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHUM