Près d'1 euro de plus pour une bouteille d'un litre de blanc agricole à 50°... Les prix des rhums des départements d'outre-mer vendus sur le marché local ont augmenté depuis le 1er janvier 2020. Et ce n'est que le premier acte d'une hausse qui va se poursuivre jusqu'en 2025. "Ce que le Guadeloupéen doit savoir, c'est que d'ici six ans, le rhum va coûter 13 à 14 €, uniquement par le mécanisme des taxes, sans que le distillateur n'ait rien gagné en plus !", commente, sur les réseaux sociaux, Hervé Damoiseau, PDG des Rhums Damoiseau, et président du Syndicat des Rhumiers Indépendants de Guadeloupe (SRIG).
Cette augmentation est en effet le résultat de la réévaluation de la "vignettte Sécurité Sociale", l'une des trois taxes appliquées sur les spiritueux (avec la TVA et le "droit d'accises"). La cotisation de Sécurité Sociale est apposée sur toules les boissons alcoolisées "en raison des risques que comporte l'usage immodéré de ces produits pour la santé". Jusqu'alors, les rhums des DOM bénéficiaient d'un taux réduit sur le montant de cette taxe, pour les ventes sur le marché local : la vignette Sécurité Sociale était de 40 € par hectolitre d'alcool pur (HAP), contre 559 € sur les rhums vendus dans l'Hexagone. Cet avantage avait été mis en place pour protéger la production ultra-marine, où la filière canne-sucre-rhum est soumise à des contraintes économiques spécifiques, qui la rendent moins compétitive que celle des pays ACP (dont les pays voisins de la Caraïbe), à cause des surcoûts de fabrication (prix de la canne et des intrants, coût de la main d'oeuvre).
Pour lutter contre l'alcoolisme...
Mais depuis plusieurs années, dans le but de lutter contre l'alcoolisme (comme le fait le gouvernement contre le tabagisme), certains élus (en particulier de la Réunion) souhaitaient faire aligner la taxation des rhums des DOM sur celle de l'Hexagone. L'initiative, pourtant controversée (à travers plusieurs amendements, notamment de parlementaires des Antilles), a débouché finalement sur un article de la loi de financement de la Sécurité Sociale 2019, qui instaure un alignement de la fiscalité des spiritueux en outre-mer sur celle de l'Hexagone. Ainsi, "le montant de la cotisation de Sécurité Sociale pesant sur les rhums et alcools de cru produits et consommés dans les DOM augmentera progressivement sur une durée de six ans, pour finalement atteindre le taux métropolitain". D'ici 2025, cette taxe passera donc bien de 40 € à 559 €/HAP (multiplication par 14). Dans six ans, le rhum devrait ainsi coûter quasiment aussi cher dans les DOM que dans l'Hexagone.
Danger pour les petites distilleries
Les producteurs de rhum des Antilles estiment que cette mesure aura un impact économique conséquent et menace à terme la survie des petites distilleries. L'exemple de Longeteau à Capesterre-Belle-Eau, qui réalise environ les trois quarts de ses ventes sur le marché local, avec une clientèle composée essentiellement de touristes.
On écoute François Longueteau, PDG de la Distillerie Longueteau :
François Longueteau, PDG Distillerie Longueteau
On écoute Edouard Schwartz, responsable développement à la Distillerie Montebello :
Edouard Schwartz, responsable développement à la Distillerie Montebello
Avec la hausse de la vignette Sécurité Sociale, les producteurs locaux craignent aussi à terme une concurrence accrue des rhums venus d'autres îles de la Caraïbe.
De plus en plus, on trouve dans les bars de Guadeloupe, des cocktails à base de rhum cubain ou jamaïcain
François Longueteau :
F. Longueteau