Un exploitant agricole sur deux en Guadeloupe avait plus de 55 ans en 2020 et plus d’un tiers (34%) était âgé de 60 ans ou plus, contre 23% en 2010, alors que la part des moins de 40 ans baisse de 6 points en dix ans. Les chiffres du dernier recensement décennal montrent un vieillissement marqué de la population des agriculteurs, dont l’âge moyen est passé de 51 à 55 ans entre 2010 et 2020. Et cela pose la question du devenir des exploitations. Dans 60% des cas, la transmission se fait encore dans le cadre familial. La reprise par un tiers est souvent plus délicate.
Trouver un repreneur de confiance
Françoise et Philippe Rousseau, âgés aujourd’hui de 67 ans, ont créé en 1994 la pépinière "Le Verger", installée sur un terrain communal à Pointe-Noire, dans la zone artisanale de la Route des Plaines. Spécialisée dans la production de plants d’arbres fruitiers, la petite exploitation de 2500 m2 s’est construit une belle réputation et une fidèle clientèle, composée essentiellement de particuliers et de jardineries. Pendant trente ans, Philippe et François Rousseau ont ainsi vécu de leur métier.
À l’approche de la retraite, les exploitants ont tenu à assurer un avenir à la pépinière, la seule en Côte-Sous-le-Vent. Le couple a donc pris le temps de préparer sa cessation d’activité et la cession de l’entreprise individuelle. Il fallait trouver un repreneur de confiance, pour pouvoir partir en toute sérénité.
Nous nous étions déjà préparés psychologiquement à envisager notre retraite. Et en octobre 2022, nous nous sommes fixé la date du 1er janvier 2024. Cela nous laissait donc 15 mois pour connaître les démarches administratives et trouver une personne qui pouvait être la valeur sûre pour reprendre la pépinière.
Françoise Rousseau, co-fondatrice de la pépinière "Le Verger"
Un jeune agriculteur très dynamique
Les cédants ont annoncé la mise en vente de la pépinière, via les réseaux sociaux du syndicat Les Jeunes Agriculteurs. Les premières candidatures sont restées sans suite.
Un beau jour est arrivé Thomas. Il correspondait exactement au profil que nous recherchions : un jeune, plein d’élan, volontaire, et en plus Pointe-Noirien !
Françoise Rousseau
Thomas Biabiany, un jeune agriculteur de 29 ans, était justement en pleine installation. Après l’obtention, fin 2022, du Brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole (BPREA), il accède, mi 2023, à un terrain de 3 hectares, section Mahault. Un terrain loué à la commune. Il y réalise le chemin d’accès et y plante des cacaoyers, qui ne produiront pas avant trois ou quatre ans. Le jeune Pointe-Noirien était donc en quête de foncier supplémentaire, pour installer des cultures à cycle court, qui puissent lui fournir des revenus plus immédiats.
Et c’est par hasard qu’il tombe sur l’annonce concernant la pépinière. Une exploitation dont il se souvient vaguement, car elle est située juste à côté du terrain de football, sur lequel il venait pratiquer les cours de sport, lorsqu’il était collégien. Quand il vient visiter l’entreprise en vente, il est immédiatement charmé.
J’ai tout de suite été séduit par l’architecture du site et le potentiel de la pépinière. Et le courant est très bien passé avec M. et Mme Rousseau, eux-mêmes séduits par mon peps, mon savoir-faire et mon savoir-être.
Thomas Biabiany, propriétaire de la pépinière "Le Verger"
Une belle rencontre humaine
L’offre est en phase avec les attentes du jeune agriculteur : une entreprise économiquement viable, avec un marché bien installé, donc des recettes a priori garanties. La rencontre professionnelle et humaine entre le couple d’exploitants et leur successeur a été un véritable coup de cœur réciproque. Après les démarches respectives (obtention d’un prêt pour le repreneur, procédure de cessation d’activité et de vente pour les futurs retraités…), Thomas Biabiany est devenu, le 1er janvier 2024, le nouveau propriétaire de la pépinière "Le Verger", dont il a racheté le fonds commercial, en reprenant, pour le terrain, le bail avec la commune.
Une transmission réussie
La passation s’est faite en douceur et avec bienveillance. Les cédants ont su accompagner le nouveau pépiniériste, notamment sur le plan technique. Durant les mois précédant la relève, Thomas venait sur place pour se faire la main aux méthodes de bouturage, greffage et marcottage. Il allait livrer certaines commandes, afin de rencontrer les clients et comprendre leurs attentes.
Et une fois la reprise actée, les jeunes retraités sont venus à leur tour aider le nouveau patron, pour les travaux de désherbage notamment, et pour lui apporter un soutien moral très apprécié. Leurs visites, d’abord hebdomadaires, puis toutes les deux semaines, se font aujourd’hui à la demande du pépiniériste. Et les échanges par téléphone ou messages sont réguliers : en cas de doute sur la fertilisation de telle plante ou la lutte contre tels ravageurs, le pépiniériste sait où trouver les bons conseils…
J’ai vraiment été gâté de les avoir connus. Une transmission totalement réussie. Que du positif !
Thomas Biabiany
Des projets plein la tête
Thomas Biabiany, qui compte notamment sur les fonds à venir de la Dotation Jeune Agriculteur (DJA), n’a pas attendu pour investir : élagage des grands arbres entourant la pépinière, installation d’une ombrière… En neuf mois, le jeune homme a déjà imprimé sa marque sur la pépinière, dont il a voulu garder le nom, mais en lui créant par exemple un logo. Les premiers travaux ont permis aussi d’offrir au site un aspect visuel plus attrayant. Et les projets du nouveau propriétaire ne manquent pas, notamment installer l’irrigation, ou encore adosser un QR code à chaque plante, afin de fournir aux acheteurs les conseils techniques appropriés. Thomas veut, dit-il, "ajouter un peu de jeunesse" à l’exploitation. Pour la plus grande joie de Françoise Rousseau, qui estime avoir accompli sa mission.
Il est plein d’allant pour créer quelque chose de nouveau. C’est ça aussi la passation !
Françoise Rousseau, retraitée
Les témoignages de ce bel exemple de transmission agricole sont à écouter en podcast, en cliquant ici ; un épisode de la collection "Kamannyòk".