"Notre identité est plurielle et c'est ce qui fait notre force", martèle Samora Curier. Le Guadeloupéen a lancé son podcast en octobre 2018. Le nom "Mwakast" est une contraction de podcast et de "mwaka" un terme péjoratif utilisé dans l'Hexagone pour définir les Antillais. Installé en région parisienne depuis une dizaine d'années, le trentenaire reçoit ses invités dans son appartement aménagé en studio d'enregistrement. En cinq ans, de nombreuses personnalités ont défilé à son micro. Des créateurs de contenus, des chercheurs, des historiens ou encore des artistes, tous ont parlé de leurs travaux et surtout de leur identité antillo-guyanaise. Car, c'est le sujet en toile fond du Mwakast, répondre à cette question : "Qui sommes-nous ?".
Parce que nous sommes des peuples en construction, multiples de différentes origines. Et même si, cette identité a des ancrages forts, elle est encore en pleine mutation avec les enjeux de ce siècle.
Samora Curier
Originaire de Trois-Rivières, où il a grandi dans les années 90, Samora a été bercé par le militantisme. D'ailleurs, son défunt père, Ferdinand Curier était le fondateur et premier secrétaire de l'UTS-UGTG, l'Union des Travailleurs de la Santé. C'est en quittant sa terre natale, il y a une dizaine d'années pour s'installer à Paris, que Samora a pris conscience de la singularité d'être Guadeloupéen. Aujourd'hui, il confirme que son identité s'est renforcée avec l'éloignement : "C'est comme une relation amoureuse. Parfois quand on est avec une personne depuis longtemps, on ne se rend pas compte de l'importance qu'elle peut avoir dans notre vie. Avec la Guadeloupe, ça a été un peu ça".
Quand je reviens, je vois mon île avec un regard nouveau et plus de passion qu'avant.
Samora Curier
Après avoir interrogé une multitude de personnalités, Samora Curier a réussi à trouver des réponses à sa question et dresse aujourd'hui une définition plurielle de l'identité antillo-guyanaise : "Ce n'est pas une tare d'être un peuple aussi divers et multiples. On a un ancrage très fort sur notre passé, comme un terreau qui nous aide à grandir. Et puis, il y a une génération qui est en train d'arriver, elle a envie d'apporter quelque chose de neuf, un autre souffle, elle est prête à faire entrer nos cultures et nos territoires dans l'avenir".
Etre un peuple qui se base beaucoup sur son passé, ça peut être vu comme négatif, on pourrait penser que ça nous empêche d'avancer. Mais on en fait aussi une force.
Samora Curier
Eau Secours, le jeu vidéo
"Tout le monde à l'air de s'en fiche complètement qu'à Trois-Rivières, pendant quinze jours, des gens n'aient pas d'accès à l'eau potable", s'insurge Samora. C'est donc tout naturellement que lors d'une discussion sur ses réseaux sociaux avec des membres de sa communauté, que le webdesigner, passionné de médias et de technologies s'interroge : "On a beau en parler, faire des documentaires, il ne se passe rien. Il faudrait trouver un autre moyen pour parler de la question de l'eau". Samora s'est donné pour mission de rendre visible ce qu'il appelle "une catastrophe humaine" en trouvant un média différent pour renouveler cet appel à l'aide. Actuellement, le trentenaire travaille avec un développeur et un artiste sur la réalisation de "Eau Secours". Un nom tout trouvé pour son jeu vidéo, où les joueurs seront plongés dans la quête de Toupit, missionné par la déesse Manman Dlo pour rétablir le réseau de distribution d'eau potable sur l'île. Le challenge sera de reconnecter le réseau à travers des puzzles tout évitant les obstacles posés par les adversaires maléfiques.
Dans le jeu, il y aura des personnages, comme le méchant Dieu, le général Dézòd, en référence à la Générale des Eaux.
Samora Curier
"Eau Secours" sera disponible sur smartphone et ordinateur. Samora garantit la gratuité de son jeu, car : "On n'est pas là pour faire de l'argent. C'est une cause qui touche beaucoup de gens dans leur intimité. On ne fera pas de l'argent sur le dos."
En revanche, pour produire le jeu complet, d'importants moyens financiers sont requis. Ce vendredi 1er septembre 2023, une campagne participative a été lancée, elle vise la somme totale de 20 000 euros.