Le défi de la réouverture des écoles le 11 mai : les préconisations drastiques du Conseil scientifique

Le Conseil scientifique a transmis aux autorités une note indiquant les conditions sanitaires minimales d’accueil dans les établissements scolaires et les modalités de surveillance des élèves et des personnes fréquentant ces établissements, s'ils rouvrent le 11 mai. En voici un résumé.
Le Conseil scientifique souligne le caractère politique de cette décision de réouverture prudente et progressive des établissements scolaires le 11 mai. Décision qu'il désapprouve mais dont il prend acte. Il indique qu'il incombe aux autorités de s’assurer que les mesures sanitaires qu’il préconise soient opérationnelles au moment de l’ouverture de chaque établissement scolaire et d’assurer la coordination entre l’éducation nationale et les autres acteurs intervenant en milieu scolaire.

Depuis la publication de son premier avis, le Conseil scientifique écrit qu’un certain nombre de faits nouveaux contribuent à une meilleure compréhension du rôle que les enfants pourraient jouer dans la transmission du virus.
Le caractère bénin des formes cliniques de la maladie chez les enfants est confirmé par de plus grande séries.
Lors de l’investigation de cas intrafamiliaux, 28% de 36 enfants testés positifs par RT-PCR étaient asymptomatiques au moment de la découverte de leur infection
Les enfants présentent plus volontiers des formes ORL que des formes pulmonaires. Ils peuvent également être porteurs sains.
Selon plusieurs études, les enfants peuvent garder du virus dans le nez et la gorge pour une période de 9 à 11 jours. L’excrétion du virus dans les selles est fréquente, en l’absence de diarrhée, et peut durer jusqu’à 30 jours, sans que l’on sache si le virus est infectant ou non.
En prévision de la réouverture des écoles, et afin d’évaluer le potentiel épidémique associé à cette réouverture, il semble urgent pour le Conseil scientifique d’évaluer rétrospectivement la circulation du virus chez les enfants lors de la première vague épidémique.
 

Modalités de réouverture des écoles: des prérequis et préconisations drastiques

Le Conseil scientifique est favorable au principe de volontariat et de non obligation de la part des familles, avec la possibilité d’une poursuite de l’enseignement à distance.

Les parents devront être informés clairement des conditions d’ouverture de l’établissement, notamment si « le principe de volontariat et de non-obligation » est retenu. Il devront également être informé de leur rôle actif dans la surveillance de l’apparition de symptômes chez leur enfant et des moyens mis en œuvre pour le diagnostic en cas de symptômes.

Tous les membres de la communauté scolaire, du personnel de direction aux agents des établissements scolaires, devront être formés aux mesures barrières, aux règles de distanciation sociale et au port du masque pour eux-mêmes et pour les enfants dont ils ont la charge.
 

Horaires d'entrées et de sorties réorganisés.

Les entrées et sorties des écoles doivent être organisées afin d’éviter le rassemblement des enfants et des parents à l’entrée des établissements scolaires. Les horaires d’arrivée et de sortie des classes pourront par exemple être échelonnés pour que les élèves d’un même niveau ne croisent pas les élèves d’un autre niveau.
 

Les établissements scolaires devront être aménagés afin de respecter des conditions sanitaires strictes

Chaque élève et chaque membre du personnel doit être en mesure de procéder à un lavage des mains avec de l'eau, du savon liquide et du papier à usage unique, au minimum à l’arrivée à l’école, avant le début de la classe et à la fin des cours. Lavage des mains obligatoire également avant et à la fin de chaque repas et chaque fois que les mains auront pu être souillées par des liquides biologiques.
 

Des gels hydroalcooliques uniquement à partir du collège, et qui ne remplacent pas le savon et l'eau

La fourniture de solution hydroalcoolique peut être envisagée pour les élèves à partir du collège. Le Conseil scientifique considère que la mise à disposition de solution hydroalcoolique pour des élèves avant le collège peut être dangereuse, en raison des risques d'absorption, de projection oculaire, etc… Le Conseil scientifique rappelle que les solutions hydroalcooliques ne peuvent pas remplacer un lavage à l’eau et au savon en cas de mains potentiellement souillées.
 

Bionettoyage des établissements plusieurs fois par jours

Un bionettoyage de l’établissement, salles de classe et parties communes, devra être réalisé plusieurs fois par jour avec les produits adéquates et au mieux avec des lingettes désinfectantes pour les surfaces, et en insistant sur les zones fréquemment touchées comme les poignées de porte ou les interrupteurs par exemple. Le bionettoyage de la classe sera renforcé si un élève est testé positivement pour le COVID-19.
Une aération des salles de classes est préconisée, en particulier lors des temps de pause.
 

Un respect strict de la distanciation sociale dans tout l'établissement, difficile en maternelle

Le respect des distances minimales, 1 mètre au moins de chaque côté notamment pour les tables, permet d’éviter les contacts directs une contamination respiratoire et par gouttelettes. Elle devra être respectée dans tout l’établissement scolaire (salle de classe, couloir, escalier, réfectoire...)
Le Conseil scientifique est conscient de la difficulté que cela représente, notamment pour les classes de maternelle.
 

Réaménager les rythme scolaires pour respecter la distanciation sociale

Si l’espace dans l’établissement est insuffisant pour accueillir les enfants avec les normes sanitaires qu’impose la distanciation sociale, les établissements scolaires devront réfléchir avant ouverture au rythme auquel ils peuvent accueillir les enfants dans de bonnes conditions sanitaires (un jour sur deux, 1 semaine sur 2, le matin  ou l’après-midi..).
 

Réorganiser la journée afin que les élèves d'une classe ne croisent pas les élèves d'une autre classe

Afin de réduire le brassage des élèves, les établissements scolaires devront réfléchir avant leur réouverture et en fonction de la taille de l’établissement, à l’organisation de la journée et des activités scolaires : les entrée en classe, les sortie des classes, les déplacements dans l’établissement dans les couloirs, la récréation, le déjeuner, etc.. Ceci, afin qu’au mieux, les élèves d’une classe ne croisent pas les élèves d’une autre classe ou que les élèves d’un même niveau ne croisent pas les élèves d’un autre niveau. Cette organisation permettra de ne pas fermer l’ensemble d’un établissement si un cas est identifié dans l’établissement.

Si cela est possible, le Conseil scientifique préconise que les enfants mangent dans la salle de classe à leur table. ·

Les temps de récréation devront être adaptés à cette stratégie de non brassage des élèves.
 

Hygiène des mains, prise de température chaque matin, le rôle essentiel des parents au quotidien

Les parents devront veiller à ce qu’une hygiène stricte des mains soit réalisée au retour à la maison. Outre la surveillance de l’apparition de symptômes chez leur enfant, les parents seront invités à prendre la température de leur enfant avant le départ pour l’école. En cas de symptômes évocateurs, l’enfant ne devra pas se rendre à l’école et les parents devront prendre avis auprès du médecin traitant pour décider ou non de recourir à un test RT-PCR.
 

Interdiction pour tous les parents de pénétrer les établissements

Afin de ne pas multiplier les cas contacts, les parents ne pourront pas pénétrer dans l’enceinte de l’établissement scolaire. L’accueil des enfants les plus petits devra être organisé de façon à ce qu’il n’y ait pas d’attroupement de parents à l’entrée de l’établissement scolaire.
 

Le port du masque obligatoire dès le collège, impossible en classe maternelle

Des masques alternatifs de production industrielle ou artisanale antiprojection devront être portés par les personnels des établissements scolaires et par tous les enfants à partir du collège. Le Conseil scientifique considère que pour les collégiens et lycéens le port de masque doit être obligatoire. 
Pour les élèves en école de maternelle le port de masque est impossible. En école élémentaire, il existe un continuum de compréhension en fonction de l’âge sans que l’on puisse précisément fixer un âge où la compréhension serait suffisante pour recommander le port du masque de façon adaptée, d’autant qu’ils apparaissent comme faiblement transmetteurs. Le rôle des parents est ici essentiel.


Les personnels des établissements scolaires ou de transports scolaires à risque de formes graves

Le Conseil scientifique préconise qu’une évaluation individuelle du risque soit réalisée par le médecin traitant avant le 11 mai pour ces personnels en ALD, recevant un traitement au long cours, ou estimant être à risque. Le Conseil scientifique considère que dans l’état actuel des connaissances, le télétravail doit être favorisé pour cette catégorie de personnel mais qu’il est possible, en fonction de l’évaluation individuelle du risque d’envisager un travail en présentiel. Le médecin du travail doit alors s’assurer que les mesures barrières sont strictement respectées sur le lieu de travail.
 

Cas particulier des internats et lycées professionnels

Le Conseil scientifique considère que s’agissant d’un lieu de vie en collectivité seuls les élèves pour lesquels le retour à l’école est un impératif (scolaire ou social) devraient être accueillis dans ces établissements.

Concernant les lycées professionnels, avant la réouverture de ces établissements scolaires, une réflexion spécifique doit être menée afin d’organiser l’enseignement technique (travaux pratiques en atelier) pour qu’il permettre le maintien de la distanciation sociale et évite le partage des postes de travail.
 

Cas particulier des élèves handicapés et des unités localisées d’inclusion scolaire (ULIS)

Une attention particulière doit être portée aux enfants en situation d’handicap. Une réflexion spécifique doit être menée afin de permettre à ces élèves d’être accueillis à partir du 11 mai dans les mêmes conditions de sécurité sanitaire que les autres..

Lorsqu’un cas est identifié dans un établissement scolaire, les mesures suivantes doivent être mises en œuvre :
  • Diagnostic le plus précoce possible de tous les élèves de la même classe ou de toutes les classes du même niveau en fonction de l’organisation retenue par l’établissement scolaire. Ce dépistage se fera au sein de l’établissement scolaire en impliquant une équipe mobile dédiée la plus proche avec au moins un professionnel habilité et formé au prélèvement chez les enfants les plus jeunes et un psychologue pour la prise en charge des enfants, de leur famille et des enseignants.  
  • Fermeture de la classe ou de toutes les classes du même niveau en fonction de l’organisation retenue par l’établissement scolaire avec éviction des élèves concernés pendant 14 jours.

Note conseil scientifique

L'essentiel en 3 point
  1. Le Conseil scientifique estime essentiel que les personnels de direction, les enseignants et les associations de parents d’élèves soient associées tout au long du processus de réouverture des écoles.
  2.  Le Conseil scientifique souligne l’importance d’organiser la formation et l’éducation sur les mesures barrières et la distanciation sociale et de s’assurer que l’organisation des établissements scolaires permettra leur mise en œuvre avant l’ouverture des établissements scolaires.
  3. Le Conseil scientifique souligne que l’ouverture des établissements scolaires le 11 mai doit progressive, nationale tout en tenant compte des situations locales, doit s’intégrer dans une démarche expérimentale et continuer de s’adapter en fonction de l’évolution de la situation sanitaire.