Riche échange entre lecteurs et auteurs du « Dialogue improbable entre un afro-descendant et un "béké" »

L’ambiance feutrée de la Librairie Général By CCH (Caribbean Culture House) de Jarry, à Baie-Mahault, n’a pas empêché les échanges fournis. C’est là que Steeve "Fola" Gadet et Emmanuel De Reynal, co-auteurs de l’ouvrage livre « Dialogue improbable entre un afro-descendant et un "béké" » (Caribédition - 10 mai 2022), ont donné rendez-vous à leurs lecteurs, le soir du jeudi 20 octobre 2022.

Les personnes présentes ont exposé leurs points de vue sur la situation de la Guadeloupe et de la Martinique, ou encore sur la condition actuelle des descendants d’esclaves vis-à-vis de la communauté dite "békée" aux Antilles.

Ce moment de dialogue a donné lieu à un formidable échange entre Afro-descendants, Blancs-pays, Français installés en Guadeloupe depuis des décennies, Belges, Guadeloupéens et Martiniquais, de toutes les générations.

Selon les participants, il y a bien un système "béké" installé, un système de privilèges au profit de certaines familles.

Dimitri Doré est favorable au dialogue, mais il veut une discussion franche, sans chercher à occulter ni les responsabilités, ni l’histoire.

Je suis un partisan du fait que chacun puisse assumer ses responsabilités dans un conflit. Dans un conflit collectif, il y a évidemment des choses qui reviennent à nous-même Afro-descendants et il y a des choses qui reviennent aux autres, aux personnes issues des familles des anciens exploitants des plantations. Je trouve que le dialogue de ce soir est hyper-important. Ça permet de remettre un peu de communication, là où il n’y en a pas.  

Dimitri Doré, lecteur

Le livre, justement prône la rencontre et les échanges francs, entre Steeve Gadet, sociologue guadeloupéen afro-descendant et Emmanuel De Reynal, issu de la communauté "békée" de la Martinique.

Ce dernier ne veut pas être réduit à sa communauté. Il affirme s’être construit indépendamment de cette appellation et en tant qu’homme, en tant que chef d’entreprise martiniquais.

Loïsa Ledoux, martiniquaise installée en Guadeloupe depuis de nombreuses années, lui a souligné que c’est une démarche individuelle qui n’implique pas "la communauté Békée".

Est-ce que ce livre va poser les bases pour une reconstruction ou une redéfinition des rapports sociaux-raciaux que nos îles véhiculent, dans le système dans lequel on évolue ? Je me questionne vraiment là-dessus. Il y a vraiment une couche stratifiée de manière raciale, en Martinique : les Békés, les Mulâtres, les Noirs. Et, en fait, cette construction, en 2022, n’est pas différente !

Loïsa Ledoux, lectrice

Bénédicte, participante à ce moment d’échange aussi, y voit une manière de trouver un équilibre, une autre façon de voir l’évolution de la chose.

La première chose que j’ai dite, pendant mon intervention, est qu’ils étaient audacieux et je saluais leur courage d’avoir sorti un livre sur ce thème le 10 mai, date aussi symbolique. Ensuite, mon propos est de dire : qu’est-ce qu’on fait et qu’est-ce qu’on laisse pour nos générations futures ?

Bénédicte, lectrice

A la sortie du livre, il y a eu des centaines de réactions. Certaines ont été violentes et/ou radicales. Emmanuel De Reynal a été pris à parti, en Martinique ; on lui a craché dessus. C’est une preuve que le travail est réussi, du point de vue de l’auteur.

Ça veut bien dire qu’on reste dans un champ très émotionnel où, manifestement, il reste encore un travail à faire, pour rendre plus normales les capacités de dialogue. Ces réactions vives ne doivent pas cacher les réactions extrêmement positives et bien plus nombreuses, d’encouragement, de gens qui nous disaient merci.

Emmanuel De Reynal, co-auteur de « Dialogue improbable entre un afro-descendant et un "béké" »

Steeve "Fola" Gadet a lui aussi perdu des "amis". Qu’à cela ne tienne ! La rencontre lui a permis d’évoluer.

D’être en contact avec lui, ça m’a donné un peu plus de nuances. Je sais qu’ils sont différents, ils ne sont pas tous pareil. Je savais que ça allait être difficile (...) Ça m’a aidé à exercer ma liberté d’esprit, mon indépendance d’esprit.

Steeve Gadet, co-auteur de « Dialogue improbable entre un afro-descendant et un "béké" »

Les deux écrivains ne veulent pas écrire un nouveau livre, mais ils entendent poursuivre le travail, sous une autre forme. Steeve Gadet pense par exemple aller à la rencontre des jeunes, au sein des établissements scolaires.