"C'est passé tout juste", s'exclame, soulagée, Valérie, 57 ans, regardant s'éloigner l'immense trimaran de son "chouchou" François Gabart, dont les bords frôlent les murs de l'écluse qui le sépare du grand bassin du port de Saint-Malo.
Pour la première fois, plusieurs Ultims dernière génération, gigantesques trimarans de 32 mètres de long et 23 mètres de large, ont pénétré dans le port de la cité corsaire.
Ce dernier n'est accessible qu'en traversant l'écluse du Naye, 150 mètres de long pour seulement 25 mètres de large, au prix d'une manoeuvre complexe: en comptant les pare-battages protégeant les bateaux des chocs, il ne reste que 50 centimètres de marge de chaque côté.
Le passage de ces géants des mers implique donc une organisation millimétrée, calibrée en fonction des marées et de la météo, les Ultims et leur mât d'une trentaine de mètres devenant difficilement manoeuvrables par des vents supérieurs à 15 noeuds (28 km/h), selon Thomas de La Broise, commandant de port-adjoint à Saint-Malo.
Après avoir été positionnés dans l'axe de l'écluse à l'aide d'un ponton, profitant d'un faible vent, les bateaux sont tirés à la main à l'aide de cordages, sous le regard attentif de plusieurs lamaneurs, spécialistes du passage des écluses.
Pour ce premier passage, la tension est montée d'un cran dans la foule massée dans des gradins montés pour l'occasion. Celle-ci a retenu son souffle en silence lors de cette manoeuvre spectaculaire avant de laisser éclater ses applaudissements.
"T'es le meilleur", lance Valérie au navigateur François Gabart, qui attend, tout sourire, le remplissage de l'écluse, au centre de son Ultim SVR-Lazartigues bleu foncé et jaune fluo, au design futuriste.
Plus grands bateaux engagés sur la Route du Rhum, les Ultims sont aussi les plus rapides: ils sont capables de pointes à plus de 80 km/h en mer, et certains valent une vingtaine de millions d'euros.
Les derniers Ultims - huit sont engagés au total cette année - devaient pénétrer dans le port de Saint-Malo un peu plus tard dans la soirée... avant de reproduire l'opération à l'identique mais dans le sens opposé deux jours avant le départ, programmé le 6 novembre, pour prendre le large.