Dans un courrier daté du 3 mars dernier, la sénatrice de Saint-Martin, Annick Pétrus interpelle le ministre de la Santé, François Braun, quant aux problèmes que rencontrerait l'hôpital de la partie française de Saint-Martin.
L'élue explique avoir été alertée par la situation au sein de l'hôpital dès 2019. A cette époque, explique-t-elle, "des difficultés de management" étaient évoquées. La directrice, Marie-Antoinette Lampis-Pattus, étant nouvellement nommée, Annick Pétrus indique l'avoir "laissé déployer son programme et sa feuille de route".
Mais l'année suivante, en 2020, la voilà de nouveau alertée, continue-t-elle. Elle renouvelle sa confiance à la direction en place.
Une confiance mise à mal, ces dernières semaines tant la gestion et le management de l'hôpital provoquent des discussions.
Crise de confiance entre l'élue et la direction
Annick Pétrus choisit alors de s'adresser directement au ministre de la Santé, sans consulter Marie-Antoinette Lampis-Pattus car "lors d'échanges de mails dont j'ai été destinataire en copie, j'ai pu constater que les propos de la directrice étaient démentis ouvertement, preuve à l'appui par un médecin, écrit la sénatrice.
Considérant que la vérité était tronquée, je lui ai retiré ma confiance.
Courrier d'Annick Pétrus à François Braun
Elle ne prend pas non plus l'attache du directeur de l'Agence régionale de Santé, Laurent Legendart qui, lors de ces échanges de mails, n'aurait pas eu une réponse "de nature à apaiser le sujet" souligne-t-elle, "tout comme le ton condescendant ou le message subliminal adressé à 5 élus destinataires en copie.
Annick Pétrus va plus loin et liste les dysfonctionnements qu'elle regrette :
- l'arrêt depuis deux ans des missions de santé publique confiée par l'ARS à l'hôpital
- les nombreux obstacles à l'amélioration de la prise en charge des Saint-Martinois alors même que certains actions n'impactent pas le budget du centre hospitalier
- le départ de nombreux médecins
- le climat tendu au sein de l'établissement
- la circulation de courriers et de photos de gâchis et ratés d'interventions au bloc opératoire...
Et Annick Pétrus d'indiquer que "la liste est longue". Elle demande donc au ministre de "faire la lumière sur certains agissements au centre hospitalier Louis Constant Fleming, dont la direction est partagée avec le centre hospitalier Bruyn de saint-Barthélemy".
La direction du centre hospitalier se défend
La direction du Groupement Hospitalier publie à son tour un communiqué, ce vendredi 10 mars "afin de rassurer la population sur l’offre de soins à sa disposition". Et affirme que les informations qui circulent sont "non documentées" et qu'elles "ne peuvent que créer un sentiment d’insécurité pour la population".
Elle indique que, la "précédente campagne de presse de cette nature remonte à 2019". L'hôpital était alors sous administration provisoire. Campagne qui avait "contribué à accélérer la déstabilisation de l’établissement".
Selon la direction, la "très large majorité" des près de 480 professionnels du centre hospitalier partagent l'orientation qu'elle porte, à savoir le rappel des règles et le retour aux fondamentaux de gestion. Orientation qui ne serait "pas partagée par quelques-uns" lit-on dans le communiqué.
Et de se défendre assurant que "tous les postes médicaux libres ont été remplacés et ce, malgré la pénurie médicale connue dans toutes les spécialités et sur tous les territoires français".
La priorité du centre hospitalier, selon le communiqué, était de réduire le recours à l’intérim médical, "ce que le Ségur de la Santé a appelé le mercenariat médical, et qui s’était installé à Saint-Martin comme dans de nombreux hôpitaux" de l'Hexagone.
Il est donc tout à fait naturel, qu’en ce début d’année, quatre médecins souhaitant s’engager pour de longues périodes ont donc été préférés pour occuper les postes vacants face à des praticiens qui jusque-là, profitant de la pénurie dans cette spécialité, choisissaient de négocier des contrats de très courte durée avec des prétentions salariales sortant largement des usages. Ils n’ont pas été retenus et ont très largement manifesté leur amertume.
Communiqué de la direction du Groupement Hospitalier de Saint-Martin
Une offre de soins élargie annonce la direction
Détaillant les actions menées, le communiqué annonce la titularisation, au 1er mars, d'une quarantaine d'agents, toutes fonctions confondues.
De plus, plusieurs conventions ont été signées avec le CHU de Guadeloupe et avec des médecins libéraux dans le but de proposer des consultations de spécialistes n’existant pas sur l’île de Saint-Martin.
La création du service de chimiothérapie apporte davantage de confort aux patients qui n'ont plus besoin de se rendre en Guadeloupe pour leur traitement.
Enfin, des partenariats avec des hôpitaux de l'hexagone permettent la venue de spécialistes.
28 millions d'euros pour développer l'hôpital
Le communiqué de la direction de l'établissement de santé détaille les investissements réalisés. Près de 4 millions d'euros pour le renouvellement des équipements médicaux, par exemple.
La restructuration du centre hospitalier est également évoquée. Un nouveau bâtiment accueillera plusieurs services administratifs et les consultations externes pour un montant de 9,5 millions d'euros. "La place libérée par ces services permettra d’accueillir dans l’enceinte de l’hôpital, en collaboration avec nos partenaires privés, un laboratoire de biologie et une imagerie de coupe – scanner" indique le communiqué. Une seconde phase est prévue avec l’installation de lits de soins critiques, la création d’une salle de bloc supplémentaire et la réorganisation des lits et services d’hospitalisation. Une phase est chiffrée à 12 millions d'euros.
Au total, ce sont près de 28 millions d'euros qui seront investis en 5 ans pour développer l’hôpital conclut le communiqué.
L'ARS apporte une réponse à son tour
L'Agence régionale de santé de Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy entend couper court à ce qu'elle qualifie de "campagne médiatique haineuse et diffamatoire, relayée sur le territoire", depuis plusieurs semaines.
Dans un communiqué daté du 15 mars 2023, le directeur général de l'ARS exprime publiquement "son soutien à Madame Maire-Antoinette Lampis", lui réaffirme "sa totale confiance dans ses compétences" et "témoigne de sa probité".
Un rappel est fait, dans ce document : les centres hospitaliers "Louis Constant Fleming" de Saint-Martin et "Iréné De Bruyn" de Saint-Barthélemy ont fait l’objet d’une administration provisoire, qui s’est achevée à la prise de fonction de l’actuelle directrice. La feuille de route de cette dernière visait à en finir avec les dysfonctionnements qui ont justifié cette administration provisoire, à savoir "l’absence de management" et "un fonctionnement médical hors cadre de gestion" ; ce, "au détriment des établissements et des patients".
Dans ce contexte, la gouvernance de l'ARS estime que le travail accompli, par l'équipe de direction est "immense", avec une offre de soin, à Saint-Martin, étendue au bénéfice des deux territoires qu’il dessert et avec une réelle dynamique de projets. Mais, précise l'ARS, ces changement ne se sont pas faits "sans déranger quelques habitudes et pratiques au sein des établissements concernés, voire au-delà".