Littérature. La légende du roi Vaval revisitée par Robert Sébas

L'ouvrage de Robert Sebas ouvre la porte à un univers fantatique où évoluent tous les personnages traditionnels du carnaval guyanais
La littérature guyanaise sur le carnaval s’étoffe d’un nouvel ouvrage, celui de Robert Sébas « Les noces maudites du Sieur Vaval ». Dans un phrasé où se mélangent harmonieusement le français et le créole, l’auteur nous plonge dans un univers fantasmagorique qui ne cesse de surprendre au fil des pages.

Personnalité incontournable de la Guyane, Robert Sébas peut se targuer de s’être nourri de son expérience d’enseignant et ancien directeur d’école, de ses activités associatives comme président du Comité Miss Guyane et surtout de son implication dans le carnaval guyanais avec son groupe Manaré.

Avec ses comparses, Robert Sébas a excellé durant des années à faire vivre dans les rues de Cayenne les personnages traditionnels du carnaval. Une passion saluée comme un engagement à faire vivre un des pans du patrimoine culturel de la Guyane et ainsi faire acte de transmission.
Désormais retraité Robert Sebas ne participe plus aux défilés, il écrit.

À travers sa plume il délivre au public sa version de la légende du Roi Vaval.

L'auteur Robert Sébas

Depuis quelques semaines, le livre « Les noces maudites du Sieur Vaval » est en vente. Il a été édité par une toute nouvelle maison d’édition « Atipa Editions » créée par Eric Médaille. Dans cet ouvrage on découvre un personnage de Vaval revisité et appelé Monsieur de Massaval, le seigneur des forêts. Il habite dans le plus mythique et mystérieux des arbres du monde, un immense fromager amazonien. Et à l’intérieur de ce palais végétal se croisent et s’affrontent des créatures toutes plus extravagantes les unes que les autres.

Au départ, il y avait une pièce de théâtre

Robert Sébas raconte la genèse de ce livre :

« Ce livre est né en 2006. Le groupe Manaré existait encore et malgré les critiques, je tenais à montrer que nous étions bien dans la tradition. J’ai décidé de monter un spectacle pour intégrer le traditionnel et le moderne pour que les gens s’approprient les costumes. Ce spectacle s’appelait « Les noces maudites du Roi Vaval ». Après avoir fini cela, je me suis dit que je pourrais enrichir cette histoire. Je m’y suis mis et j’ai essayé de me faire publier en 2015. On m’a déclaré que cela était intéressant mais qu’il n’y avait pas de lectorat en Guyane pour cela. Découragé, j’ai laissé tomber. Mais cela ne m’a pas empêché de continuer à enrichir mon récit en ajoutant des personnages et je l’ai achevé en 2017. »

Ce manuscrit a finalement été confié à Eric Médaille et nous connaissons la suite.

Ce roman a donc été mûri durant de longues années. Certaines parties ont même été étudiées par les élèves de Robert Sébas alors qu’il était toujours en fonction.

Une version très personnelle et très imagée d’un univers fantasmagorique

« Je me suis toujours posé la question de savoir par quel pouvoir Vaval revient tous les ans. Il change de tête et tout le monde accepte cela comme une chose normale. Qu’est-ce qui fait qu’il a été adopté ainsi ? » Et à partir de ce questionnement se construit l’univers fantasmagorique de Robert Sébas.

« Mes personnages sont ma représentation des choses de ce que j’ai reçu comme héritage de mes grands-parents et de ma mère. »

Extrait de "Les noces maudites de Sieur Vaval"

L’auteur a un préféré parmi tous les personnages du carnaval qu’il présente, il s’agit du majordome "so british" du seigneur Massaval, surnommé Anglébannann.

Il évoque sa grand-mère travailleuse dans les placers aux côtés d’immigrés caribéens lui expliquant que ces gens venus de l’île anglaise de Saint-Lucie étaient remarquables par leur comportement très formaliste et leur verbal. Ils parlaient en utilisant des bribes d’anglais mélangés à du créole guyanais ce qui faisait dire aux gens « to ka palé anglé bannann », un anglais biscornu de là-bas où la banane était très cultivée.

De ce bouillonnement créatif naissent des figures hautes en couleur qui se dévoilent chapitre après chapitre.

Par exemple, les prétendantes qui viennent se présenter au bal des noces du Sieur Vaval dans son royaume à Malmanoury représentent des astres et précise l’auteur elles sont issues de la créativité du groupe Manaré.

« Mes personnages pour Manaré émerveillaient parce que fantastiques. Je voulais montrer que l’on est en Guyane mais que l’on peut rêver, dépasser notre cadre culturel pour rayonner aussi à travers les autres aspects du monde. »

« Le créole est une façon de penser avant d’être une façon de parler »

Dans la découverte de ce conte fantastique, le lecteur passe du français au créole ce qui rajoute une authenticité à ce récit d’Amazonie, une saveur particulière qui s’apprécie au fil des mots.

« Cela me vient de ma culture sinnamarienne, ma maman parlait un créole pur. Pourtant elle m’interdisait de le parler car elle ne voulait pas que le créole interfère dans mon apprentissage du français. Elle s’adressait à moi en créole et je devais répondre en français. J’ai donc appris indirectement à parler le créole et ai gardé ce que j’ai entendu et que j’ai transmis à mes enfants. Ce n’est pas un créole édulcoré ou mélangé. »

Un créole pur jus qu’il faut avoir entendu parler par les anciens ou les traditionalistes pour l’apprécier pleinement. Robert Sébas explique : « Je ne traduis pas littéralement le créole car je veux que l’on comprenne bien que le créole est une façon de penser avant d’être une façon de parler. C’est tout un univers que l’on pense et après cela devient des mots. »

Un acte militant pour cultiver la créolité

Robert Sébas a un souhait, celui de contribuer à une revalorisation du créole guyanais :
« Je voudrais que les Guyanais se réapproprient leur langue. On fait semblant mais on ne parle pas le créole. Si cette façon de s’exprimer dans les deux langues peut participer à la valorisation de la langue créole tant à l’oral qu’à l’écrit c’est tant mieux car le créole s’édulcore et se perd dans les mélanges. À terme, nous sommes une population qui sera noyée, il faut préserver le petit bout qui nous reste, notre identité spécifique à faire valoir. »

Dans cet ouvrage à découvrir on retiendra la richesse du vocabulaire de son auteur soutenu par de nombreuses allégories et paraboles. Autant de figures de style usitées dans le milieu créole guyanais.

Robert Sébas a d’autres projets d’écriture, parmi ceux-ci, faire découvrir aux lecteurs des aspects de la vie dans une Guyane d’antan, le Cayenne de son adolescence.