Steeve a 37 ans. Il est infirmier au sein du service de réanimation, du Centre hospitalier universitaire de la Guadeloupe (CHUG).
Son quotidien est donc, on le comprend aisément, très difficile, au travail. Jamais les équipes n’ont été à ce point mobilisées et bousculées, dans leur pratique. Chaque jour, c’est une véritable course contre la montre qui se joue, à l'hôpital.
Avec ses collègues, il est en première ligne, dans la lutte contre la Covid-19, dont le variant Delta, majoritaire localement, se montre particulièrement contagieux et mortel.
Avec ses collègues, il souffre du manque chronique de moyens, de bras, pour prendre en charge, de manière optimale, les patients.
Mais, avec ses collègues, jour après jour, il fait de son mieux, pour sauver le maximum de vies et, parfois, il y parvient.
Pourtant des voix s'élèvent, en dehors des murs de l'établissement, pour nier la gravité de la situation.
Steeve a accepté de nous livrer son sentiment, sur son quotidien, sur ses doutes et ses craintes.
Témoignage exclusif
Certains refusent de croire que l'afflux de patients, à l'hôpital, est inédit, que répondez-vous à cela ?
C'est notre humanité, en fait, qui est remise en question !
Steeve : "Il y a un paradoxe entre ce qu'on vit dans l'hôpital et ce qu'on vit à l'extérieur. L'atmosphère a changé.
On a beaucoup plus de travail et, donc, c'est une pression permanente de soin. C'est des patients qui nécessitent tout le temps des soins. C'est des patients qui demandent énormément de surveillance.
Et quand on voit qu'à l'extérieur, cette désinformation voulue par certains... de dire que ce n'est pas le cas ! On ne comprend pas. Il y a une certaine frustration, voire une certaine colère de notre part, à l'intérieur. Parce qu'on lutte pour des vies, on se bat pour des vies. C'est notre humanité, en fait, qui est remise en question !
Vraiment, les gens se basent sur des broutilles. Donc forcément, nous ça nous touche".
Que dire de vos patients, durant cette 4ème vague de Covid-19 ?
Ҫ'aurait pu être nous dans le lit, ou un de nos proches, ou quelqu'un qu'on connait.
Steeve : L'âge moyen, on le voit régresser de plus en plus. On a même des moins de 40 ans dans les lits actuellement. On est vraiment, en fait, en conflit permanent avec nous-mêmes, quelque-part, entre le fait de soigner, de faire le maximum et le fait même de nous rencontrer, d'avoir des cas de conscience, quant à notre personne même... ç'aurait pu être nous dans le lit, ou un de nos proches, ou quelqu'un qu'on connait. Cela a été le cas pour moi, d'ailleurs, ayant perdu un proche récemment.
Vous rencontrez des difficultés, du fait de l'affluence, alors que les mesures d'hygiènes de rigueur sont chronophages ?
Les places sont très restreintes.
Steeve : La pression qu'on vit en tant qu'infirmier... Il y a toute une procédure, afin de prendre en charge une nouvelle personne, qui peut prendre un certain laps de temps. Il faut qu'on divise ce laps de temps, par deux ou par trois, pour prendre plus rapidement des personnes dans les lits. Parce que les places sont très restreintes. Cela joue beaucoup sur notre moral, effectivement.
Quel message souhaitez-vous faire passer ?
Ҫa veut dire quoi faire attention ? Ҫa veut dire faire attention, je ne sors pas, mais je reçois quand même des amis dans la maison ?
Steeve : C'est simple, en fait. Tout le monde a la sensation, de façon individuelle, de faire attention. Mais ça veut dire quoi faire attention ? Ҫa veut dire faire attention, je ne sors pas, mais je reçois quand même des amis dans la maison ? Est-ce que ça veut dire aller acheter le sandwich du coin, sans masque ? Ou la copine reçoit sans masque ?
Quand on ramène ce virus à la maison, à des proches qui, eux aussi, ont "fait attention"... est-ce qu'on est prêts à pleurer ?
Un interview que vous pouvez (ré)écouter ici :
Témoignage de Steeve, infirmier au service réanimation du CHUG