TEMOIGNAGE. "Être placé n’est pas une fatalité" : le message d’un ancien enfant placé aux jeunes confiés à l’Aide sociale à l’enfance

Enfant confié à l'Aide sociale à l'enfance et placé en foyer (illustration).
Les Association d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance (ADEPAPE) ont un credo : qui mieux qu’un ancien enfant confié à l’Aide sociale à l’enfance peut savoir ce qui convient à un jeune qui vit la même situation ? Ces structures s’impliquent donc pour l’amélioration de l’accompagnement de ceux qui ne peuvent grandir dans leur famille, pendant leur placement en foyer, mais aussi après leur sortie. Hamza Bensatem, ancien enfant placé devenu président d’une ADEPAPE, témoigne.

Comment mieux accompagner les mineurs et les jeunes majeurs quand ils sont confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE, anciennement DDASS) ? Et comment accompagner au mieux les personnes qui en sortent, passés 21 ans ?
Pendant deux jours, ce mardi 19 et mercredi 20 novembre 2024, des professionnels de la protection de l’enfance et des jeunes se réuniront, dans un hôtel du Gosier, à l’occasion des quatrièmes "Rencontres Territoriales de la Protection de l’Enfance" (RTPE), pour en discuter.

D’ex-jeunes placés au service des nouveaux enfants confiés à l’ASE

Hamza Bensatem participera aux RTPE.
Ce jeune homme de 26 ans, ancien enfant placé, a monté une Association d’entraide des personnes accueillies en protection de l’enfance (ADEPAPE) à Marseille. Il en existe 70 en France, mais aucune en Guadeloupe. Il est donc venu présenter ce type de structure dans l’archipel, au nom de la Fédération Nationale des ADEPAPE.

Ces associations représentent les jeunes confiés à la Protection de l’enfance. Elles regroupent d’anciens jeunes pris en charge dans ce cadre, ce qui en fait des intervenants avertis. L’idée est d’œuvrer en collaboration avec les premiers concernés.

Ce n’est pas n’importe quelle association. C’est une association à caractère obligatoire. La seule association française à être régie par la loi ; un article de loi détermine nos missions, dit aux collectivités de nous soutenir et nous donne une légitimité d’intervenir auprès de jeunes ou de personnes ayant été accueillies à la protection de l’enfance (...). Ses membres, du fait de leur histoire, vont permettre à la collectivité d’améliorer le bien-être des jeunes. Puisque qui mieux que ceux qui l’ont vécu peuvent transmettre un message, pour améliorer le travail des professionnels.

Hamza Bensatem, président de l’ADEPAPE Bouches du Rhône

Hamza Bensatem est un ancien enfant placé, devenu président d’une ADEPAPE, à Marseille.

L’objectif de Hamza Bensatem est de créer une ADEPAPE localement. Dans ce but, il a rencontré de nombreux jeunes majeurs Guadeloupéens sortis de l’ASE, pour savoir quelles sont leurs craintes et leurs attentes.

Quand on a 16 ans, on appréhende de ce que l’on va devenir après l’ASE. C’est compliqué de se construire. Et, en fin de compte, ces jeunes grandissent avec une certaine crainte de l’après. Les Guadeloupéens que j’ai pu rencontrer ont le sentiment, pour la plupart, que c’est mal préparé.

Hamza Bensatem, président de l’ADEPAPE Bouches du Rhône

Selon ses observations et après échanges avec les principaux concernés du territoire, le président d’association conclut que le réseau du droit commun est saturé sur place : les logements sociaux et les logements étudiants manquent cruellement, par exemple.
Où peuvent donc aller les bénéficiaires de l’ASE, une fois sortis de ce cadre protecteur ?

Pour eux, il n’y a pas de place ! Partout où ils vont, ils trouvent les portes fermées. C’est un gros problème. La plupart sont inquiets de se dire : "Où je vais me retrouver après l’Aide sociale à l’enfance ?". La première préoccupation, c’est l’hébergement, puis l’emploi et les études.

Hamza Bensatem, président de l’ADEPAPE Bouches du Rhône

Adolescent confié à l'Aide sociale à l'enfance et placé en foyer (illustration).

Mais beaucoup de ceux qui aspirent à faire des études supérieures y renoncent ; pour assurer leur quotidien, ils choisissent de travailler et de gagner de l’argent.
Or, martèle Hamza Bensatem, ces jeunes ont aussi le droit d’avoir de l’ambition et de réaliser leurs projets, pour ne pas avoir de regrets plus tard.

5 foyers pour un enfant placé en moyenne ; l’exemple de Hamza

1313 enfants étaient confiés à l’ASE en Guadeloupe fin 2022, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). Sur dix d’entre eux, sept ont été placés dans une famille ou un foyer d’accueil, après une décision de justice.
Dans l’archipel, comme au niveau national, le parcours de ces jeunes est compliqué.

En moyenne, en France, un enfant passe par cinq foyers d’accueil ; à chaque fois, il est face à de nouvelles personnes et, parfois, change de département. Des conditions peu favorables à son développement serein. Un sentiment d’insécurité peut alors naître.

Hamza Bensatem est passé, lui, par six foyers différents, de Briançon à Gap, en passant par Marseille et Perpignan. Son enfance a donc été brinquebalée, entre ses 10 ans et 14 ans ; ces années furent les pires de sa jeune vie, témoigne-t-il, jusqu’à son placement, à 15 ans, dans un foyer bienveillant.

Je sais que c’est ce qui m’a sauvé, puisque j’étais un fugueur étant enfant. J’ai trouvé, un peu tard parce que j’avais 15 ans, un foyer aimant. Vraiment, je me suis senti, non pas dans un foyer de protection de l’enfance, mais dans une famille. Pourtant, je venais de loin...

Hamza Bensatem, président de l’ADEPAPE Bouches du Rhône

Le garçon qu’il était est passé par une scolarité difficile, a eu des démêlés avec la justice, a trempé dans des trafics à Marseille en tant que guetteurs. Deux de ses frères ont "mal tourné" explique-t-il.

Mais une fois son équilibre trouvé, encadré par des personnes "aimantes", Hamza a redressé sa trajectoire et a réussi à décrocher son baccalauréat avec mention, puis à faire des études supérieures.

Pour lui, être placé n’est pas une fatalité. C’est ce qu’il entend dire aux jeunes qui, pour diverses raisons, vivent hors de leur foyer familial.

On peut réussir, on peut être Monsieur et Madame tout le monde une fois arrivé à l’âge adulte, on peut avoir une situation professionnelle, familiale. L’association [ADEPAPE] a cette ambition-là.

Hamza Bensatem, président de l’ADEPAPE Bouches du Rhône