TEMOIGNAGE. "J’ai rarement vécu un tel sentiment d’insécurité", déclare Leslie, Guadeloupéenne installée en Nouvelle Calédonie

Témoignage de Leslie Salcho, une Guadeloupéenne installée en Nouvelle Calédonie, où la situation insurrectionnelle perdure - 16/05/2024.
La Nouvelle Calédonie toujours à feu et à sang, malgré les appels au calme. Alors que la crise sécuritaire perdure, la population vit dans la peur et rencontre des difficultés à s’approvisionner, se déplacer et, parfois aussi, à accéder aux soins. Nous avons recueilli le témoignage d’une Guadeloupéenne installée sur place.

La situation est toujours très tendue en Nouvelle Calédonie. L’archipel vit au rythme des pillages, des émeutes, des incendies et même des agressions ; le climat y est insurrectionnel.
Au total, cinq personnes sont mortes depuis le début des violences : trois jeunes Calédoniens et deux gendarmes. Plusieurs centaines de personnes ont également été blessées dans le grand Nouméa. La situation semble s'apaiser, ces dernières heures, mais les conséquences économiques inquiètent.
À Paris, les conseils de défense et les réunions de crise se succèdent à l'Elysée et à Matignon. 2700 policiers et gendarmes sont déployés sur le Caillou.

Pour suivre l’actualité sociale en Nouvelle Calédonie > cliquer ici.

La solidarité entre riverains

Dans ce contexte, la population locale vit dans la peur, comme le confirme Leslie Salcho, médecin guadeloupéenne installée dans un quartier au Sud de Nouméa depuis 4 ans, après un premier séjour sur place il y a 25 ans.

Selon le récit de cette Sainte-Rosienne, les riverains s’organisent en groupe, de manière à assurer la sécurité des habitations. Des barricades ont été érigées, pour stopper la progression des incendiaires.
Dans ces groupes, des soignants prêtent main-forte ; c’est en ce sens qu’elle intervient.

On se regroupe entre médecins, infirmiers, psychologues, sage-femmes et riverains de certains quartiers et on essaie d’assurer une permanence de soins, en cas d’urgence. On donne des conseils à ceux qui ne peuvent pas se déplacer, notamment ceux qui sont seuls avec des enfants. On essaie d’assurer un semblant de continuité de soins pour les patients dans l’incapacité de se rendre à l’hôpital, sachant que le deuxième service d’urgence de Nouméa, qui est situé à la clinique, est fermé depuis lundi.

Leslie Salcho, médecin Guadeloupéenne installée à Nouméa

Mobilisée comme médecin réserviste

Par un concours de circonstances, Leslie Salcho, qui travaille actuellement comme médecin remplaçant et œuvre dans différentes structures, a été mobilisée en tant que militaire réserviste.

Le hasard du calendrier a voulu que je sois à la réserve militaire, durant toute cette semaine. Donc j’essaie de prêter main forte à mes collègues militaires actifs. J’essaie de poursuivre mes activités de consultations programmées, notamment auprès de militaires blessés sur les théâtres d’affrontements. En tant cas, les blessés légers arrivent à l’antenne médicale et les blessés graves vont directement au centre hospitalier territorial de Nouméa.

Leslie Salcho, médecin Guadeloupéenne installée à Nouméa

La peur et des vies bouleversées

Même si elle est dans l’action, dans cette situation de crise, Leslie Salcho, qui est aussi la mère de deux enfants, est craintive, pour la première fois de sa vie. Elle estime qu’il n’y a plus de zone de sécurité, à Nouméa.

Je suis de nature plutôt optimiste, de manière générale, mais c’est vrai que j’ai rarement vécu un tel sentiment d’insécurité. Par rapport à la situation, avec mon ex-conjoint, on a décidé de se réunir dans un seul domicile. Donc, moi, la journée, je suis à la réserve militaire. Lui, le soir ou tôt le matin, il va sur les barricades, en essayant d’avoir des informations, de surveiller les rues, les comportements suspects éventuellement d’émeutiers qui pourraient venir mettre le feu ou effectuer des pillages, etc. Donc la vie est complètement bouleversée (...). Mes enfants dorment avec moi. On est sur le qui-vive en permanence. La qualité de vie qu’on a connue en Nouvelle Calédonie n’existe plus à ce jour.

Leslie Salcho, médecin Guadeloupéenne installée à Nouméa

Les déplacements sont particulièrement restreints. Les écoles sont fermées. Et les commerces, pour la plupart, restent rideaux baissés, pour ceux qui n’ont été ni dévalisés, ni brûlés.

Leslie a des réserves, encore à ce jour, mais celles-ci diminuent, alors que des files d’attente interminables se forment devant les enseignes ouvertes.

Il y a eu des incendies d’entreprises, d’administrations, de magasins, de concessionnaires, de cliniques vétérinaires, de pharmacies, de cabinets médicaux... C’est vraiment très compliqué actuellement. Donc, la plupart des Calédoniens essaient de se calfeutrer chez eux.

Leslie Salcho, médecin Guadeloupéenne installée à Nouméa

Leslie Salcho craint que le territoire peine à se relever de cette crise, qui s’envenime depuis plusieurs jours.

Chaque jour de plus, on se retrouve avec un paysage de plus en plus dévasté, avec des entreprises qui vont mettre des années à se relever. Économiquement, la situation était déjà très compliquée en Nouvelle Calédonie, parce que la démographie était négative, dans un contexte de référendum en lien aussi avec la crise Nickel. Mais, je pense que cette crise supplémentaire ne va pas aider le pays et ne donne pas envie de s’inscrire dans la durée, malheureusement. En termes de vivre ensemble, je pense qu’il faut espérer que les choses s’améliorent, mais on a du mal à voir comment, là, tout de suite. À l’heure actuelle, c’est vraiment trop tôt pour être optimiste.

Leslie Salcho, médecin Guadeloupéenne installée à Nouméa

Comme beaucoup d’autres, la Guadeloupéenne souhaite être "rapatriée" dans l’Hexagone, avec sa famille.

(Propos recueilli par Chantal Horn)