Lorsque le conflit a été lancé en juillet dernier, très peu de soignants et assimilés présentaient un schéma vaccinal complet, à peine 40% à cette époque. Pour des raisons multiples et variées, beaucoup ne souhaitaient pas se faire vacciner alors. Parmi eux, plusieurs estimaient devoir attendre pour avoir plus de recul par rapport à ce vaccin si récemment mis au point. Et c'est donc sur cette base que l'action syndicale a pris racine.
Pour autant, cinq mois plus tard, le contexte a bien changé. De gré ou de force, le nombre de ces personnels soignants et assimilés soumis à l'obligation vaccinale et qui sont désormais en conformité avec les règles fixées par la loi s'est totalement inversé. Il atteint globalement pour toute la Guadeloupe l'important pourcentage de 90% et ne cesse d'augmenter jour après jour. Selon l'ARS :
A ce jour, le taux de protection des soignants libéraux est passé, sur le territoire, de 89,19%
Les médecins et les dentistes enregistrent un taux de plus de 93%,
les masseurs-kinésithérapeutes de plus de 91%,
les orthoptistes-orthophonistes se stabilisent avec un taux de 89%,
les sages-femmes de 88%,
les infirmiers passent de 85,38%.
Il est à noter que le taux de vaccination du personnel est de 92% au CHUG, de 88% à l’établissement public de santé mentale, de 90,4 % au CH de Saint-Martin, de 95 % au CHBT, de 99% au CH de Marie-Galante, et de 100% à la Polyclinique Saint-Christophe, 92% à La Violette, 98% aux nouvelles Eaux Vives. 60 % des EHPAD ont un taux de vaccination compris entre 90% et 100%.
Des chiffres qui montrent donc que la base sur laquelle le conflit social a démarré s'est largement effritée.
Les raisons d'une réaction spectaculaire
Il convenait donc pour le Collectif de manière globale et singulièrement pour l'UTS-UGTG, de réagir promptement. Le Collectif sait que les autres questions de la plate-forme de revendications font l'objet d'un accord de méthode qui, à peu de choses près, rassemble aussi bien les élus que les membres du Collectif.
Reste donc la question de l'obligation vaccinale et du pass sanitaire. Il serait difficile pour le Collectif de baisser les bras face à l'impasse dans laquelle cette situation se trouve. Il a promis à ces personnels de les défendre jusqu'au bout. Ils ont été le promontoire espéré depuis 2009 par les organisations syndicales pour reprendre la main dans les questions sociétales et ces syndicats peuvent difficilement tourner la page en ayant obtenu ce qu'ils souhaitaient sans donner une réponse à cette catégorie de travailleurs.
D'ailleurs, dans leur grande majorité, ces mêmes travailleurs l'ont bien compris. D'où les forts taux de vaccination. Sur les 13000 personnes concernées par la loi sur l'obligation vaccinale, il ne reste qu'un peu plus de 900 d'entre elles hors des règles de la loi. Sur ces 900 personnes, 533 font l'objet d'une procédure d'écoute et déchange.(Voir le document de l'instance de dialogue)
Communiqué de l'instance de dialogue
Le combat de fait ne concerne plus qu'un peu moins de 400 personnes.
De fait, perdre progressivement cette base c'est perdre le socle même du mouvement. Pour l'UTS-UGTG qui voit s'amoindrir l'impact du mouvement dans son bastion principal, le CHUG, il y a forcément péril en la demeure. Toutes les actions menées et le piquet de grève installé à domicile n'ont pas empêché 92% des personnels du CHUG de se mettre en conformité avec la loi. Attendre plus longtemps pour réagir serait un vrai suicide pour la section syndicale.
Le langage n'a d'ailleurs pas changé et il porte encore plus sur la situation humaine des personnes encore concernées par les suspension de travail et de salaire.
Gaby Clavier délégué UTS-UGTG au CHUG
A l'heure actuelle, sur les 3665 agents du CHUG, 287 font l'objet d'une suspension. La moitié d'entre eux fait partie du personnel soignant, les autres sont des administratifs ou des techniciens.
Les perspectives du conflit
Le Collectif a bien conscience que la majorité des Guadeloupéens, y compris les personnels soignants, est passée à autre chose. Le mouvement pourrait même être impopulaire en ces périodes de fêtes. L'occupation de l'hôtel de la Région est donc un acte symbolique qui redonne de l'envergure au mouvement sans pour autant affecter le quotidien des Guadeloupéens.
Il s'agit désormais de donner une réponse aux 400 personnes encore concernées par les obligations de la loi et qui comptent encore sur les actions du Collectif pour éviter la vaccination obligatoire d'une part et la suspension et ses effets d'autre part.
De fait, le Collectif ne gardera le crédit qui lui a été accordé que s'il trouve une cote qui permettra de satisfaire leur attente. Le cas échéant, il pourrait être tenté de lancer un baroud d'honneur qui, de fait, radicaliserait son action.
Pour les élus, et singulièrement le Président de Région qui a été choisi comme interlocuteur privilégié, il s'agit désormais de réaliser un véritable tour de funambule : d'un côté, il ne peut obtenir de l'Etat qu'une loi qui s'applique de la même manière dans toute la République Française, loi admise par la majorité de la population nationale et même guadeloupéenne, loi à laquelle 90% des soignants et assimilés en Guadeloupe ont souscrit, soit abrogée pour la satisfaction d'une action syndicale en Guadeloupe et singulièrement pour 10% des soignants et assimilés.
De l'autre, il ne peut risquer de laisser le Collectif sans réponse, ni d'ailleurs de tenter de le raisonner. Il ne peut non plus laisser 400 personnes dans une situation équivoque voire même difficile et ne peut se contenter de la réponse qui leur est faite quant à la reconversion professionnelle pour des gens qui ont étudié et exercé dans des disciplines où ils ont fait leur preuve.
Il lui faudra donc le concours de tous pour ne pas être le bouc émissaire d'un conflit qui dépasse largement sa seule responsabilité mais qui met à l'épreuve sa volonté légendaire de trouver des solutions pour les Guadeloupéens.
C'est peut-être pour cela que le Collectif l'a choisi comme interlocuteur de la dernière chance.
Pour Pierre-Yves Chicot, avocat et docteur en droit public, il émane de cette action plusieurs symboles qu'il faut pouvoir comprendre
symboles
Les personnes soumises à l'obligation vaccinale sont :
- professionnels de santé libéraux, conventionnés ou non ainsi que les salariés qui partagent leurs locaux ;
- transporteurs sanitaires ;
- services de santé au travail ;
- personnels militaires ;
- pompiers (professionnels et bénévoles).