En 2020, l'association bordelaise Mémoires et Partages avait demandé à la maire de cette ville des Pyrénées-Atlantiques, Maider Arosteguy, d'introduire à l'ordre du jour du conseil municipal l'abrogation de deux délibérations.
L'une d'elles, remontant à 1861, fixait le nom "La Négresse" pour un quartier proche de la gare; l'autre, datant de 1986, introduisait une nouvelle "rue de la Négresse". Demande rejetée, ce qui a conduit l'association à saisir le tribunal administratif de Pau pour contraindre la municipalité à donner un autre nom au quartier.
Selon l'association, il renvoie depuis le 19e siècle à une ancienne esclave noire qui travaillait dans une auberge et que des "soldats napoléoniens" avaient ainsi surnommée, ce "sobriquet" ayant ensuite servi à désigner le quartier.
Or, le terme de "négresse" porte en lui "la marque d'un crime contre l'humanité qui a vu déporter des millions d'Africains, afin de travailler comme esclaves dans les plantations coloniales", estime-t-elle.
L'audience s'est tenue jeudi matin. La rapporteure publique, magistrat qui donne son analyse des questions soulevées par l'affaire examinée par le tribunal et propose une solution juridique, a estimé que la mairie était "compétente" pour refuser la demande formulée par l'association, dont elle a conclu au rejet de la requête.
"Si le terme est aujourd'hui péjoratif et peut inciter le conseil municipal à une modification de son propre chef, il ne peut être retenu pour caractériser à lui seul l'atteinte à la dignité humaine", a considéré la rapporteure.
"C'est une image péjorative et racialisée qui renvoie à l'esclavage. C'est la banalisation d'un stéréotype raciste", a rétorqué l'avocat de Mémoires et Partages, Me William Bourdon, en évoquant "un débat fondamental".
L'avocat de la municipalité parle, lui, d'un "glissement sémantique". "Il n'a jamais été question d'humilier mais plutôt, même, de rendre hommage à cette femme, une personnalité qui a donné son nom à un quartier identitaire de Biarritz", a dit Me Pierre Cambot à l'audience.
Le tribunal doit rendre sa décision sous 15 jours. Si elle n'obtient pas gain de cause, l'association Mémoires et partages a d'ores et déjà prévenu qu'elle porterait l'affaire devant le Conseil d'État.