L’Etat, « premier responsable » du scandale du chlordécone aux Antilles, selon la commission d’enquête parlementaire
"Un juste vent de révolte souffle sur nos territoires", "îles empoisonnées", "écogénocide", "crime d'État"... pour la première fois, ces mots sont inscrits dans un rapport : celui de la commission d'enquête parlementaire sur le chloredécone aux Antilles.
Ce que dit le rapport
Un rapport a été présenté à l’Assemblée Nationale, par le Président de la Commission, Serge LETCHIMY et sa rapporteure, Justine BENIN. Il met tout d'abord en évidence la responsabilité clairement établie de l’Etat, des importateurs des produits et des utilisateurs. Après 6 mois d'auditions à Paris, en Guadeloupe et Martinique, 49 propositions sont faites, pour des îles "zéro chlordécone". Les députés préconisent des indemnisations, en respect du principe du pollueur/payeur.
Dans ce rapport, l'Etat est désigné comme le principal coupable, tant dans l'usage, mais aussi pour les dérogations accordées, pour ce pesticide utilisé durant 20 ans, en Guadeloupe et en Martinique, pour lutter contre un nuisible, le charançon, dans les bananeraies. C'est une première victoire pour les associations écologistes.
Agriculture et pêche : entre responsables et victimes
Les groupements de producteurs de bananes sont considérés comme co-responsables de la pollution par la molécule chlordécone. C'est ce que démontre très clairement le rapport de la commission d'enquête parlementaire. Le principe du pollueur/payeur devrait être là aussi appliqué, afin qu'ils participent aux réparations.
"La pollution au chloredécone est un drame qui exige, sans délai, réparation", des mots incrits dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire, que les agriculteurs découvrent et dont les recommandations vont impliquer une véritable réorganisation de l'agriculture, en Guadeloupe et en Martinique.
Autre victime du chlordécone : la filière pêche. De nombreux marins-pêcheurs et aquaculteurs ont été contraints d'arrêter leur activité. Les réparations proposées, aujourd'hui, leur paraissent à la fois tardives et insuffisantes.
Une population contaminée
L'impact sanitaire du chloredécone a été recensé dans ce rapport : grossesses prématurées, impact sur l'IMC et accroissement du nombre de cas de cancer de la prostate. Pour ce dernier mal, il est même écrit "augmentation du risque de survenue"... et c'est une première.
L'avis du Professeur Pascal BLANCHET, Chef du service urologie au CHU de la Guadeloupe et co-auteur des études "Karuprostates".
En 2006, l'avocat Guadeloupéen Harry DURIMEL déposait une plainte, an tant que représentant de deux associations. Il fait partie des premières voix à s'être exprimées, pour que l'Etat reconnaisse sa responsabilité dans ce dossier et admette le principe de réparations.
L'historique de l'utilisation du chlordécone aux Antilles Françaises
Le Monde, 25 novembre 2019 :Pesticide ultratoxique et ultra-persistant, le chlordécone a été utilisé massivement pendant plus de vingt ans dans les plantations de bananes afin de lutter contre le charançon. Banni aux Etats-Unis dès 1975, classé cancérogène possible par l’Organisation Mondiale de la Santé en 1979, la France a attendu 1990 pour décider de son interdiction et 1993 pour l’étendre aux Antilles après trois ans de dérogations. Et ce n’est qu’en 2008 que le premier « plan chlordécone » a été activé pour tenter de réduire l’exposition de la population à l’insecticide.
Une décennie plus tard, les sols, les rivières et toute la chaîne alimentaire sont toujours contaminés. Si bien que la quasi-totalité des Antillais (95 % des Guadeloupéens et 92 % des Martiniquais, selon Santé Publique France) sont imprégnés. L’exposition au chlordécone, également reconnu comme un perturbateur endocrinien, augmente les risques de prématurité, de troubles du développement cognitif et moteur des nourrissons ou encore de cancers de la prostate. Avec 227 nouveaux cas pour 100 000 hommes chaque année, la Martinique est la région du monde la plus touchée.