Une journée oubliée, pour faire mémoire des peuples amérindiens

Les peuples autochtones d'Abya Yala
Au moins cinq thèmes sont à commémorer pour cette seule journée du 10 octobre. Pourtant, si certaines thématiques sont rappelées par les professionnels qui les font vivre, d'autres, comme celle de la solidarité avec les peuples amérindiens sont littéralement oubliées

La journée internationale de solidarité avec les peuples autochtones des Amériques a été décrétée en 1977, non pas par l'ONU, comme la plupart des autres journées mémorielles, mais par les organisations amérindiennes rassemblées à l'ONU. 

Elle a pour premier objectif de commémorer le souvenir des hommes et des femmes qui peuplaient le continent américain avant sa colonisation par les européens, aussi bien en Amérique du Sud qu'en Amérique du nord.

Origine, supposée ou réelle des Amérindiens

 

L'historien Jean-Paul Coudeyrette, en abordant cette question de l'origine des Amérindiens, prend soin de différencier celle préconisée par les chercheurs occidentaux et ce que les peuples dits "premiers" affirment. Ainsi, selon lui, 

Il est généralement admis que les Amérindiens sont les descendants des Mongoloïdes qui, profitant de l'abaissement du niveau de la mer au moment de l'âge glaciaire, il y a 14 500 ans, arrivèrent de Sibérie à la poursuite de mammouths, de bisons et d’orignaux.

Les Amérindiens seraient en fait des chasseurs asiatiques, passés par la Béringie (bande de terre fermant alors le détroit de Béring), accompagnés par leurs chiens, pour rejoindre le continent américain où ils se répandirent.

Cette thèse est validée par les ressemblances physiques et génétiques entre Amérindiens et Indiens d’Asie.

Mais dans cette même étude, il précise que :

Si les ancêtres des Amérindiens (d'origine mongoloïde) arrivèrent en Amérique entre 40 000 et 12 000 ans, il apparaît que d'autres populations d'origines diverses (caucasienne ou europoïde, négroïde ou australoïde) y étaient présentes bien avant eux.

Les peintures rupestres de la grotte de Pedra Furada dans le Parc national de Serra da Capivara située au Sud-est de Etat du Piaui (centre du Brésil) remontent à 32 000 ans.

La plus basse couche archéologique de l'activité humaine, dans l'abri de roche de Pedra Furada, donne des résultats au radiocarbone s'étendant de 55 000 à 60 000 ans

Cette thèse reste cependant rejetée en bloc par les Amérindiens descendants de ces peuples qui se sont toujours considérés comme peuples premiers et autochtones de ces terres qu'ils nomment Abya Yala, le nom choisi en 1992 pour désigner le continent américain par les nations indigènes qui refusent la référence à Amerigo Vespucci. « Abya Yala » vient de la langue des Kunas, un peuple indigène de l'isthme de Panama. Les mots signifient « terre dans sa pleine maturité ». 
Le leader indigène aymara Takir Mamani avait proposé que tous les peuples indigènes des Amériques nomment ainsi leurs terres d'origine, et utilisent cette dénomination dans leurs documents et leurs déclarations orales, arguant que 

placer des noms étrangers sur nos villes, nos cités et nos continents équivaut à assujettir notre identité à la volonté de nos envahisseurs et de leurs héritiers.

Takir Mamani

 

Kalinagos, Caraïbes et Garifunas...

 

Aux Antilles, plusieurs peuples amérindiens se sont succédés. En Guadeloupe et en Martinique, avant l'arrivée des Européens, ce sont les Kalinagos venus de Guyane qui vivent sur ces terres. Ils en ont chassés les Arawaks Taïnos qu'ils y avaient trouvés, non sans garder quelque chose d'eux puisque, s'ils ont chassé les hommes, ils ont gardé les femmes, peut-être l'une des explications pour comprendre les deux idiomes usités lors de l'arrivée des Européens, une langue pour les hommes une autre pour les femmes.

Si le contact avec les Européens semblent concilant au début, il se terminera par des guerres meurtrières pour ces peuples dont les derniers ressortissants seront expulsés. Certains opteront alors pour rejoindre eurs congénères de la Dominique dans un territoire qui leur sera reconnu au début du XXème siècle par la colonie Britanique. 

Une réserve de 15 kilomètres carrés sur la côte orientale de l’île. Aujourd’hui, le Kalinago Territory compterait entre 2 000 et 3 000 résidents. Entassés dans une dizaine de hameaux, ils vivent surtout du tourisme : un village traditionnel reconstitué présente l’artisanat et la culture caraïbe.

Magazine Géo, 21 mars 2019

Plus nombreux sont ceux qui, issus d'un metissage avec les esclaves venus d'Afrique, choisiront de partir vers le Bélize et le Honduras. Aujourd'hui encore on les appelle les Garifunas « Mangeurs de manioc ». Ils ont su conserver la langue et la culture de leurs ancêtres indiens.

Les Garifunas du Honduras

Pour autant, si les Caraïbes ou Kalinagos ne sont plus physiquement visibles en Guadeloupe et en Martinique où l'on note malgré tout la présence de descendants des Kalinagos de la Dominique, les contacts entre les esclaves et particulièrement les Marrons avec les Amérindiens, ont imprégné la culture créole. Des réminiscences de culture kalinago subsistent aussi dans la mémoire créole. Leurs techniques de pêche ou de navigation, leurs carbets, bien des remèdes médicinaux… et surtout la culture du manioc et la fabrication de la kassav, sont autant d'élements dont les Guadeloupéens et les Martiniquais d'aujourd'hui sont les héritiers.

Voir aussi le numéro spécial "Histoire des Antilles" du Magazine Géo