Justine Bénin est en visite en Guadeloupe, en tant que coordonnatrice interministérielle contre les violences faites aux femmes en Outre-mer. Dans le cadre de sa mission, la Moulienne entend faire un état des lieux des réalités locales.
Plusieurs rencontres avec les acteurs de terrain, associations et institutionnels qui œuvrent dans ce domaine, sont prévues. Il s’agira, à postériori, d’améliorer les politiques publiques, en faveur d’une meilleure prise en charge des victimes, mais aussi d’un accompagnement adéquat des auteurs.
Évaluer, fédérer les services, soutenir les actions
Pour Justine Bénin, les violences faites aux femmes sont synonymes de fléau, particulièrement en Outre-mer, où les chiffres augmentent alors qu’ils sont en baisse dans l’Hexagone.
Force est donc de constater qu’il faut faire davantage, dans les territoires ultramarins, contre cette problématique.
Il faut faire plus, il faut voir les dispositifs, il faut pouvoir évaluer et il faut surtout accompagner.
Justine Bénin, coordonnatrice interministérielle contre les violences faites aux femmes OM
L’objectif est de parvenir à une cohérence des initiatives de tous les acteurs, qu’il s’agisse de prévention, d’éducation, d’accompagnement et de prise en charge des victimes ainsi que des auteurs, afin d’éviter la récidive.
Le cœur de la mission c’est voir, concerter. Pour cela, il faut aller au cœur des territoires, il faut rencontrer les gens qui font, parce qu’on ne part pas de zéro. Les gens sont en activité, nous avons des hommes et des femmes vaillants, militants, nous avons des acteurs institutionnels qui donnent de leur temps et qui font de leur mieux. Sauf qu’il y a un manque de concertation, il y a un manque de coordination. Il n’y a pas de cohérence.
Justine Bénin, coordonnatrice interministérielle contre les violences faites aux femmes OM
La coordinatrice cherche, donc, à savoir ce qui existe et ce qui manque, en vue de l’obtention de meilleurs résultats. Les politiques publiques peuvent, dans ce but, être adaptées.
Parce que les chiffres précis manquent, en Outre-mer, pour quantifier le phénomène de violences faites aux femmes, mais aussi pour évaluer les résultats des dispositifs déployés localement, un prérapport sera rendu, mi-décembre et un document sera finalisé, en juin 2024. Ils comporteront un bilan de ces concertations, avec un état des lieux précis, des propositions d’actions en faveur des femmes ultramarines victimes de violences.
La création d’un observatoire des violences faites aux femmes en Outre-mer est également annoncée.
Exemple d’adaptation aux spécificités locales, à Saint-Martin
À Saint-Martin, la création d’une Maison des violences intra-familiales (VIF) est prévue. Et elle ne peut pas être déclinée à l’identique de celles installées ailleurs.
Il a fallu, bien sûr, adapter ce dispositif. Saint-Martin est un petit territoire, où il n’y a pas de possibilité de mettre en place le bracelet anti-rapprochement, au regard de la promiscuité et de l’étroitesse du territoire. Il faut engager d’autres dispositifs et c’est la raison pour laquelle les acteurs doivent travailler ensemble, la réponse pénale doit être adaptée. À Saint-Martin, il n’y a pas de maison carcérale, il y a une problématique en termes de logement social...
Justine Bénin, coordonnatrice interministérielle contre les violences faites aux femmes OM
Il faut donc réfléchir à la bonne manière de protéger les victimes de leur agresseur.
Justine Bénin prône la prise en compte de la sociologie de chaque territoire, pour plus d’efficacité. C’est pourquoi elle s’est entourée de sociologues, des psychologues, des anthropologues, pour qu’ils l’accompagnent dans sa mission.
Il faut s’interroger : pourquoi nous ne savons pas faire couple, en Outre-mer ? Pourquoi nous ne savons pas nous séparer ? (...) Il y a le poids des traditions : "ou mayé, a pa pou divòsé", "kouvè kannari aw, nou pa ka palé", "ou mayé, tchenbé !"*.
Justine Bénin, coordonnatrice interministérielle contre les violences faites aux femmes OM
Violences faites aux femmes : des équipes pluridisciplinaires au combat
Hier (lundi 25 septembre 2023), Justine Bénin était dans le Sud Basse-Terre. Après avoir participé à une table ronde avec les institutionnels impliqués dans la lutte contre les violences faites aux femmes, elle a échangé avec le personnel de l’association « Initiative France Victimes ».
L’occasion de constater le travail réalisé par les équipes pluridisciplinaires mobilisées contre les violences faites aux femmes, en Guadeloupe. Reste à mettre les différents services en lien, afin qu’ils travaillent de concert.
Thierry Philippe a assisté à cette dernière réunion ; voici son reportage :
Parmi les constats dressés en Guadeloupe, il s'avère que les associations manquent de professionnels comme des psychologues, faute de financement ; les budgets alloués doivent par ailleurs être pérennisés.
Le nombre d’intervenants sociaux a été réduit à peau de chagrin, au sein des forces de l'odre, tant en zone police qu’en zone gendarmerie ; de 7 ils sont récemment passés à 2. Les femmes victimes peinent donc à trouver quelqu’un vers qui se tourner, selon Justine Bénin. Ce que confirme Caroline Calbo, nouvelle procureure de la République de Pointe-à-Pitre, elle aussi mobilisée pour lutter contre les violences faites aux femmes :
Ce mardi, la coordonnatrice interministérielle contre les violences faites aux femmes en Outre-mer avait d’autres rencontres au programme, en zone pointoise, notamment une table ronde avec les associations et la société civile, en matinée. L’après-midi sera aussi bien remplie, entre échanges avec les acteurs des associations « Guadav France Victimes » et FORCE, puis une réunion avec le monde du travail.
*Traduction du créole :
"Ou mayé, a pa pou divòsé" : Tu t'es marié(e), ce n'est pas pour divorcer.
"Kouvè kannari aw, nou pa ka palé" : Reste discret(ète), fais en sorte que nul ne sache, n'en parlons pas.
"Ou mayé, tchenbé !" : Tu t'es marié(e), tiens bon !