La motion de censure déposée par le Nouveau Front populaire (NFP) a été adoptée. Le texte a été voté par 331 députés, soit 43 de plus que la majorité absolue de 288 voix qui était requise pour son adoption. Le gouvernement de Michel Barnier doit donc présenter sa démission.
L'Assemblée nationale avait ouvert les débats de cette séance historique dans la matinée, ce mercredi 4 décembre.
Les députés devaient examiner deux motions de censure, déposées lundi par la gauche et le Rassemblement national, après que le gouvernement a engagé sa responsabilité pour faire adopter sans vote le budget de la Sécurité sociale. La motion de la gauche a donc été adoptée dans la soirée, grâce au soutien du RN.
Plusieurs prises de parole
Avant le vote, plusieurs prises de parole des chefs de groupes politiques n'ont pas manqué de faire réagir, dans l'assemblée.
Le président du groupe socialiste à l'Assemblée Boris Vallaud a regretté que le Premier ministre Michel Barnier ait estimé "plus convenable de parler avec l'extrême droite qu'avec la gauche".
"La majorité de compromis que vous avez voulue s'est transformée en un sinistre gouvernement de connivence avec l'extrême droite que vous subissez et qui désormais vous achève", a lancé le député des Landes, appelant à un "sursaut moral".
Marine Le Pen (RN) a estimé que c'était à Emmanuel Macron "lui-même de conclure s'il est en mesure de rester (président de la République) ou pas", lors de son discours dans lequel elle a indiqué que son groupe allait voter la censure du gouvernement.
"C'est à sa conscience de lui commander s'il peut sacrifier l'action publique et le sort de la France à son orgueil. C'est à sa raison de déterminer s'il peut ignorer l'évidence d'une défiance populaire massive que, dans son cas, je crois définitive", a-t-elle poursuivi, considérant que "s'il décide de rester, il sera contraint de constater qu'il est le président d'une République qui n'est plus tout à fait, par sa faute, la Cinquième".
Le patron des députés LR Laurent Wauquiez a accusé Marine Le Pen de "porter avec LFI la responsabilité de la censure qui va plonger le pays dans l'instabilité" en joignant ses voix à celles de la gauche pour faire tomber le gouvernement de Michel Barnier.
"Les Français jugeront sévèrement le choix de ceux qui prétendent vouloir redresser le pays et font aujourd'hui le choix du désordre (et) ceux qui voulaient se montrer responsables et vont faire le choix de l'irresponsabilité", a prévenu Laurent Wauquiez, appelant Marine Le Pen à se "ressaisir".
Un terme repris par l'homme qui a occupé la fonction de Premier ministre juste avant Michel Barnier.
Gabriel Attal a accusé le Rassemblement national de commettre "une erreur devant l'Histoire" en censurant le gouvernement Barnier, une décision qui devait "mal au pays et mal aux Français".
L'ancien Premier ministre, président du groupe macroniste EPR à l'Assemblée, a par ailleurs appelé le Parti socialiste à "se ressaisir". "Affranchissez-vous" de "l'extrême gauche", a-t-il lancé aux députés PS, parti dont il fut membre avant de rallier Emmanuel Macron.
Michel Barnier face aux députés, pour la dernière fois
Dernier à prendre la parole devant les députés, Michel Barnier a défendu son court bilan et son projet avant l'ouverture du vote des motions de censure historiques contre son gouvernement.
"Nous sommes (...) à un moment de vérité" et de "responsabilité", car la "réalité" budgétaire "ne disparaîtra pas par l'enchantement d'une motion de censure", a déclaré Michel Barnier.
"Nous sommes rendus les uns les autres, mesdames et messieurs les députés, à un moment de vérité et à un moment de responsabilité", a-t-il dit, longuement applaudi à sa montée à la tribune par ses soutiens de la droite et du centre.
"Ce n'est pas par plaisir que j'ai présenté quasiment que des mesures difficiles dans ce budget. J'aurais préféré distribuer de l'argent" et "cette réalité (budgétaire) ne disparaîtra pas par l'enchantement d'une motion de censure", a-t-il affirmé.
"Cette réalité-là, elle se rappellera à tout gouvernement, quel qu'il soit. Et madame Le Pen, elle se rappellera à tout gouvernement, quel qu'il soit, parce qu'il s'agit de notre souveraineté", a-t-il ajouté, avant de remercier certains de ses ministres.
S'adressant à ses opposants de la gauche et de l'extrême droite, qui devraient joindre leurs voix en faveur de la motion de censure et sans doute le faire tomber, il a les invités "à bien mesurer les conséquences de (leur) vote" car "c'est l'avenir des Français que vous tenez entre vos mains".
"Ce qui est en jeu", "ce n'est certainement pas l'issue d'un bras de fer entre l'une ou l'autre des formations politiques et le Premier ministre. Ce n'est pas non plus le sort du Premier ministre, car je n'ai pas peur" mais "notre capacité collective à faire des pas les uns vers les autres, à dépasser les tensions et les clivages qui font tant de mal à notre pays, à avoir comme seule boussole l'intérêt général", a-t-il développé.
"Je ne me résous pas à l'idée que la déstabilisation institutionnelle puisse être l'objectif qui rassemblerait ici une majorité des députés au moment où notre pays traverse une crise profonde", a insisté le Premier ministre.
Une censure du gouvernement "rendra tout plus grave et plus difficile", "l'absence de budget" pourrait "créer de l'incertitude, des risques pour les entreprises et les ménages" et "se traduirait par une nouvelle augmentation des taux d'intérêt payés par la France", selon lui.
Il a enfin cité l'ancien Premier ministre Georges Pompidou, seul à ce stade avoir été censuré sous la Ve République, qui "écrivait qu'il fallait, en toutes circonstances, rechercher à préserver la morale de l'action", accusant le chef de file des socialistes Boris Vallaud d'en avoir manqué.
Il a conclu, la gorge nouée, "que cela restera pour (lui) un honneur d'avoir servi avec dignité la France et les Français", alors que "cette mission se terminera peut-être bientôt". Au bout de trois mois.
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