#18 Confinée dans la tête… de la faim !

Vous n’arrêtez pas d’aiguiser mon appétit. J’ai besoin de savoir ce qui se passe réellement entre nous, car à ma grande surprise, je découvre que certains se sont secrètement entichés de moi. Les plus gonflés l’ont carrément fait savoir à toute la toile en modifiant leurs profils :
EN COUPLE AVEC LA FAIM !
Non non non chéri avec ou sans e ! Je ne suis en couple avec personne. Moi, je suis plutôt libertine du genre relation sans lendemain surtout en période de confinement. Alors débrouillez-vous comme vous voulez mais on va vite rompre cette union forcée. Et puis d’ailleurs à quel moment avez-vous craqué sur moi ? La nuit, quand soi-disant je vous réveille ? J’entends vos gros sabots rôder autour de mon bassin. Vous avez toujours cette drôle de façon de danser devant moi comme des rats devant des trappes. Rien à voir avec la danse orientale. Vous avancez. Reculez. Un pas sur le côté. Vous secouez la tête. Vous cogitez. Vous revenez. Vous observez les alentours comme si vous étiez traqués puis vous cédez à la tentation de vos démons. Y a rien de glamour dans ce que vous me faites vivre. C’est pas sexy ! On dirait des voleurs de cacahuètes. Vous avez faim le ventre plein et rempli de peurs. Vous dévorez tout jusqu’à être dévoré à votre tour par le remord. Il paraît que je masque les angoisses, mais de vous à moi, je ne suis pas le modèle qu’il vous faut en ce moment. La faim est mauvaise conseillère ! Je me niche et dans vos ventres et dans vos têtes car c’est à ces endroits-là que dorment les peurs. Vous êtes en train d’aplatir vos fins de mois avec vos immenses faims qui vont de la grand-faim à la petite faim, en passant par la fausse faim sans compter les autres faims plus intellects ou plus charnelles. La faim de savoir. La faim de se voir. La faim que ça cesse. La faim de tendresse. La faim de sortir. La faim de sexe. La faim d’oseille. La faim du manque. La faim de vérités. La faim de bouffer le gouvernement, quitte à le vomir après. La faim de vivre avec la rage au ventre. C’est trop pour moi ! Je ne pourrai jamais vous rassasier. Je suis beaucoup trop frêle pour vos abdomens. Notre relation est vouée à l’échec. Il aurait fallu que nous suivions ensemble une thérapie de couple ou un genre de yoga coupe-faim pour limiter les dégâts et le sur-gras.
— J’ai…
— Quoi encore ?
— J’ai faim !
— Mais tu as mangé y a pas 5 minutes !
— Je sais mais je pourrais encore dévorer le monde s’il n’était pas déjà en miette !
— Non tu n’as pas faim ! Ferme les yeux et visualise tout ce que tu viens d’engloutir y compris le goûter des enfants et ce que nous aurions dû manger demain. Ce que tu ressens en ce moment-même c’est un mélange de frousse et de tristesse sur un lit d’ennui avec son coulis de soucis. Le tout servi avec une dose de stress et une petite boule au ventre. Tu penses avoir faim parce que tu en as marre d’attendre. Tu nous fais juste une petite dépression de type 19. Ça passera ! Pose ta main gauche sur ton ventre et entends battre tous les aliments en toi !
Vous êtes repus. Il n’y a plus de place pour moi dans vos vies, ces douze prochaines heures. Le mieux serait peut-être que vous vous remettiez en couple avec la soif comme il y a de cela cinq semaines. Courage les p’tits loups ! C'est bientôt le début de la fin ! En attendant, je retourne chez celles et ceux qui, aux abois, me connaissent beaucoup mieux que vous.
Ils savent par cœur le bruit que je fais.

Emmelyne OCTAVIE,"Confinée dans la tête de..."