[1848-2023] Abolition de l'esclavage : 175 ans après, "la mémoire vive" en héritage

«  Citoyens, en vertu du décret de la république du 27 Avril 1848, au nom du peuple français, nous proclamons l’abolition de l’esclavage à la Guyane française, Vive la république ! »C’est en ces termes, qu’André Aimé  Pariset  le Commissaire général de la République en Guyane de l’époque, a proclamé le 10 juin 1848 la fin  de l’esclavage en Guyane française.
Le mémorial des libres et citoyens en 1848 au Jardin Botanique à Cayenne

Chaque année, le 10 Juin, est commémorée en Guyane, la fin de la traite négrière. André Aimé Pariset le Commissaire général de la République en Guyane de l’époque, a proclamé, en effet, le 10 juin 1848 la fin de l’esclavage en Guyane. Une histoire finalement assez récente, que les chercheurs révèlent par bribes car les archives n'ont pas encore délivré tous leurs secrets. 

De nombreuses expéditions pour peupler la Guyane, furent menées dès 1500, mais, elles échouèrent, faute de préparation nécessaire : les fortes pluies, les  mauvaises conditions d’hébergement, les épidémies, et les guerres avec les premiers amérindiens, décimèrent les colons. Aussi,  les enjeux   économiques n’étaient pas assez importants pour faire venir plusieurs centaines d’esclaves.

En 1772, un millier de colons étaient installés en Guyane, et 8 500 esclaves. La main-d’œuvre de la Colonie a pu prospecter les forêts, l’établissement de plantations de sucre et l’exploitation du sous-sol. Les esclaves noirs, de plus en plus nombreux, devinrent la communauté la plus importante en Guyane en termes de population.

Commerce triangulaire

Image d'archive du pont d'un bateau négrier.

En 1848, année de l’Abolition, la Guyane comptait 14 000 esclaves. Un chiffre peu important eu égard, à la traite négrière aux Antilles, Saint-Domingue ou même au Surinam. Plus de 700 000 esclaves ont été ainsi déportés aux Antilles françaises entre 1673 et 1789, dont 600 000 mille à Saint-Domingue. Les autres furent envoyés aux Antilles et à Saint Kitt et Névis. Des hommes, des femmes, parfois des enfants, arrachés de leur terre natale ou vendus. Ils viennent du Bénin, du Sénégal, du Congo. Ils sont donnés en échange de fusils, poudre, alcool, couteaux, barres de fer…

Plus de 12 millions d’individus ont été déportés, dont 1,6 Million aux Antilles françaises entre le début du 16è siècle et le milieu du 19e siècle.

Article 44 : "Déclarons les esclaves être meubles"

Les colons, avaient l’obligation de suivre le règlement édicté par le code Noir. Un recueil de règles et d’ordonnances initié par le ministre Colbert, sous Louis XVI, afin de protéger les esclaves contre les mauvais traitements infligés par leurs maîtres en 1685. 60 articles, destinés à maintenir la paix sur les exploitations.

Le Code Noir restera en vigueur aux Antilles Guyane jusqu’à l’abolition. Ce code, définit le statut juridique des esclaves, leurs obligations, les punitions en cas de vol, fuite ou violences, le statut familial. Ils étaient dépouillés de toute identité et étaient considérés comme un bien meuble. Le Nègre changeait d’identité, était marqué au fer rouge et se muait en main-d’œuvre servile et malléable.

 
Deux Abolitions

En 1794, la Convention de Paris, vota un décret qui abolissait l’esclavage. Jusqu’en 1805, la Guyane servit de lieu de déportation pour les différents opposants politiques. En 1802, le rétablissement de l’esclavage par Napoléon Bonaparte, provoqua la fuite d’une grande partie de la population noire. Ce n’est qu’en 1814, après une brève invasion du Portugal, que la Colonie à nouveau française connut une période de stabilité et de développement économique dans les plantations agricoles.

L’abolition de l’esclavage à la suite du décret du 27 Avril 1848 mit fin à cette prospérité. Devenus libres,  les esclaves ne travaillaient plus gratuitement. 

Indemnisation des propriétaires 

En Guyane, ils sont 1 096 propriétaires d’esclaves en Guyane à avoir été indemnisés au lendemain de l’Abolition de l’esclavage en 1848. En effet, la loi du 30 avril 1849 prévoit un dédommagement pour les colonies de Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion, Sénégal, Sainte-Marie et Nosy Be.

Ce sont 126 millions de Francs qui sont distribués. Le décret d’application est voté le 24 novembre 1849. Des propriétaires (individuels ou collectifs) mais aussi des marchands et créanciers coloniaux en bénéficient. Les propriétaires d’esclaves n’étaient pas tous des colons blancs. Parmi eux des personnes de couleur : affranchies ou nées libres.

589,32 Francs, le prix d'un esclave, en 1848

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En 1848, 12 252 esclaves sont libérés. Les propriétaires au nombre de 1 096 reçoivent 557 321,07 Francs, près de 2 millions d’euros aujourd’hui en numéraires assortis d'une rente annuelle. Un esclave valait à peu près 589, 32 Francs selon les estimations et les comparaisons du CNRS. Le site classe les propriétaires par ordre alphabétique, le nombre de titres possédés et la somme perçue. Des informations sur le propriétaire et son lieu d’implantation géographique sont également communiquées.

Les titres finalement circulent servant même parfois de monnaies. Les créanciers les utilisent pour se rembourser et les propriétaires les vendent pour se procurer des liquidités ou les utilisent comme de la monnaie pour effectuer des achats. Pour les possesseurs de nombreux esclaves, ce sera le début de la fortune, pour les autres la compensation restera superficielle.

Les esclaves, eux, reprirent leur liberté, une liberté chèrement payée. Mais cela, c'est une autre histoire..…