Elles sont les oubliées de l’histoire, et pourtant...Elles étaient aux côtés de leurs maris, pères, fils, fuyant le joug du colon. Certaines ont été des cheffes de guerre. Marion, Gertrude, Cytèr, Claire, ont largement contribué à la résistance des peuples marrons. En Guyane,"Dchimbo", "Boni" ou "Simon", sont entrés dans l’histoire mais les femmes, leurs femmes sont rarement évoquées. Pourtant leur rôle a été tout aussi important, sinon plus.
Sur les 15 millions de personnes déportées d'Afrique lors de la traite esclavagiste transatlantique, entre le XVIe siècle et le XIXe siècle, plus d'un tiers était des femmes. Elles ont subi les pires atrocités en raison de leur sexe et de leur couleur de peau : travaux forcés, violées, abusées, elles représentaient aussi une forte valeur économique pour la procréation
Des figures oubliées
Une conférence les a fait revivre lors de la 18ème édition du mois de la commémoration de l'esclavage organisée par la ville de Saint-Laurent du Maroni… Ces figures oubliées en Guyane mais aussi à la Jamaïque, en Haïti, aux Etats Unis. Il existe peu de travaux sur ces femmes légendaires, dont le courage et la bravoure sont restés dans la mémoire des anciens.
Les femmes que nous avons pu exposer lors de cette conférence « Femmes en mouvement, lutte anti esclavagiste en Amérique » que ce soit aux États-Unis, en Jamaïque, en Guadeloupe, ont pu apporter leur contribution contre l’esclavage au front et dans la vie quotidienne. En Guyane, nous pouvons donner l’exemple de Marion qui était une sage-femme exemplaire, de Cytèr cheffe de guerre aux côtés du guerrier Pompée, de Marie Claire Heureuse Félicité Bonheur la femme de Dessalines en Haïti, Harriet Tubman aux États-Unis une résistante. Autant de femmes noires qui ont participé à la lutte. Pour reprendre Paul Éluard, ces femmes ont su unifier l’amour de la liberté. Yannick Théolade le définit bien dans son travail, il ne s’agit pas de concevoir la liberté comme un animal qui se retrouve libre de partir dans sa jungle, c’est plus que cela, c’est quelqu’un qui retrouve son humanité, qui participe à la construction de toute une société en développant une forme d’humanité, un rapport à l’autre, un rapport à l’environnement, un ensemble constructif qui découle du sentiment de se sentir libre (…). Il y a une femme particulièrement remarquable en Guyane, Cythèr qui a participé à la guerre avec Pompée. Elle se rendait de camp en camp, à chaque changement de site de guerre, elle était là. Il y a Marion aussi, la sage femme, ce sont autant de femmes qu’on ne connaît pas suffisamment en Guyane, et qui ont joué un rôle très important (…) Ce n’est pas une histoire qui est à portée de main au même titre que les autres héros que ce soit d’Haïti et d’ailleurs, on ne retrouve pas tout de suite les traces de ces héroïnes dans les écrits. Il y a des historiens qui travaillent sur la question en Guyane mais cela reste embryonnaire. (…)Les femmes avaient le pouvoir spirituel. En milieu bushiningue par exemple, les femmes ménopausées donnaient une dimension spirituelle à la lutte contre l’oppresseur. Pour trouver leur chemin, elles invoquaient le sweli une instance spirituelle, et retrouvaient le chemin dans la forêt. Du côté des Alukus Bushiningues, c’est très prégnant. Si on avait suffisamment pris en compte leur participation dans l’histoire de l’esclavage, afin que leur bravoure reste dans les mémoires, l’histoire aurait été écrite autrement.
Lechby François docteur en Sciences de l’Education-MCF qualifié en Langues et Cultures régionales.
De la survie à la résistance
C’est en 1660 que débute La traite négrière vers la Guyane. Une histoire douloureuse marquée par la fuite dans l’épaisse forêt de nombreux esclaves. Ils seront appelés les Marrons. Leur nom vient du terme espagnol cimarron, fugitif.
Ils forment des communautés afin de survivre en forêt. Leurs campements prennent la forme de véritables villages où les activités de subsistance (chasse, pêche, agriculture) se développent. De la survie à la résistance, beaucoup s'organisent malgré tout, en développant leurs compétences, leurs talents (couturières, cuisinières, sages-femmes...).
Ces femmes assuraient la gestion des familles, de l’alimentation lorsque les hommes partaient au front, elles assuraient l’éducation des enfants, les accouchements, elles accompagnaient les jeunes mamans, préparaient des remèdes pour les blessés et les malades. Les femmes jouaient un rôle très important. Au sein des camps, elles s’occupaient de l’intendance, veillant à ce que les esclaves en fuite puissent se restaurer. Elles étaient les gardiennes, garantes d'une tradition se perpétuant de génération en génération. Elles racontaient des histoires, l'histoire des grands guerriers qui avaient mené dans leur Afrique natale, bien des guerres, des guerres sans fin contre l'oppresseur. Elles évoquaient le pays, cette lointaine contrée de plus en plus éteinte dans leurs mémoires,(...) Nous avons dans un 1er temps interrogé des sabimans, des sachants témoins de la culture bushiningue. Nous avons trouvé quelques archives mais très peu c’est vrai sur le rôle joué par des femmes. Ces femmes nous ont légué un savoir-faire mais aussi l’histoire telle qu’elle est racontée. Nous retrouvons également un patrimoine immatériel, tout ce qui touche à la spiritualité.
Consuela Welli master 2 en Sciences humaines et sociales- Spécialité Patrimoines du Maroni
Un dernier cri
Parfois, en effet, les plus fortes d'entre elles vont endosser le rôle de chef spirituel de leur communauté, un engagement allant parfois jusqu'aux armes, faisant d'elles des combattantes de première ligne lors de révoltes.
Elles étaient des guerrières se fondaient dans la forêt amazonienne, s'immergeant dans les marais et jaillissant telles des furies sur l'oppresseur. Ces femmes se battaient pour la cause, pour leurs enfants, par amour, par vengeance ou pour survivre. Un dernier cri.