L'artiste Emmelyne Octavie ne cesse de s'interroger sur le sens de la vie et durant cette période confinement continue de coucher sur le papier ses réflexions. Tous les soirs à 20h, elle poste sur sa page Facebook un billet d'humeur.
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Je m’interroge sur le devenir de mon sort. En quelques jours, je suis passé du vêtement facultatif à celui de prédilection. On me porte comme on ne l’a jamais fait auparavant sous prétexte que je tiens trop chaud, je gratte, je ne sers à rien, y’a déjà le drap, pourquoi m’enfiler moi ? Je retarde vos préliminaires, je ne suis pas assez sexy et par conséquent je risque de vous faire perdre votre partenaire, je suis gênant quand vous allez aux toilettes, pourquoi payer 16 euros 99, une fortune en soi, quand on peut dormir comme Adam sur Eve.
Ainsi, Au doux plaisir que je peux offrir la nuit, vous avez préféré que vos enfants de 3 à 12 ans portent des tee-shirts quatre fois trop larges pour eux. Les malheureux ont dû apprendre à s’endormir avec des têtes d’hommes politiques, morts ou encore vivants, hélas ! Des tee-shirts réclames ramassés lors des grands-messes qui m'ont rayé de vos vies. Une tradition, dénichée je ne sais où, et qui se perpétue relativement bien puisqu'on trouve encore des bambins qui, la nuit, essayent de faire de beaux rêves avec « Votez le changement… Mana 1996 ».
Vous ne m’enfiliez, et parfois à l’envers ou dépareillé, que lors des grands réveils en famille le matin de Noël pour paraître beaux et faire comme dans les films américains où les acteurs s’endorment en pyjama et se réveillent presqu'aussi neufs, en pyjama.
Mais bizarrement, depuis que l’oiseau Macronicus, espèce en voie de déraillement, a piaillé « Nous sommes en guerre », alors que nous sommes simplement au mois de mars, tout le monde, à quelques exceptions près, a fait de moi son habit favori. Son doudou. Sa deuxième peau. Sa robe de mariée...
Donc, si je comprends bien, en temps de guerre, moi, petit bout de tissu de rien du tout, moi qui gratte, moi qui sentait la naphtaline car confiné depuis des années dans vos placards et loin de vos vies, je suis devenue votre arme miraculeuse.
Tout le monde me cherche ou voudrait m'avoir. J’ai gravi l’échelon de vos étagères. Je suis rangé dans le premier tiroir de la commode. Certains me posent même sur un cintre. J’ai rendu obsolètes les robes de soirées, les chemises, les corsages, les cache-cœurs, les polos, les vestes, les boxers, les culottes, les paréos et les paillettes. Je suis devenue confortable. Pire, indispensable. Peut-être même trop. Certains me portent une journée entière. Dévorent placards et frigos en essuyant leurs bouches sur ma manche. Puis me portent à nouveau la journée d’après. J’accepte volontiers ce come-back dans vos vies. Je ne vais pas faire mon rancunier mais de grâce, pour que je vive en harmonie sur vos corps, pensez à me mettre à la machine avant ce week-end et ne me brûlez pas au fer, car j’exige d’être repassé maintenant que justice est faite.
Sur ce, je m’en vais préparer la douceur de vos jours et de vos nuits à venir.
Emmelyne OCTAVIE, "Confinée dans la tête de..."
Ainsi, Au doux plaisir que je peux offrir la nuit, vous avez préféré que vos enfants de 3 à 12 ans portent des tee-shirts quatre fois trop larges pour eux. Les malheureux ont dû apprendre à s’endormir avec des têtes d’hommes politiques, morts ou encore vivants, hélas ! Des tee-shirts réclames ramassés lors des grands-messes qui m'ont rayé de vos vies. Une tradition, dénichée je ne sais où, et qui se perpétue relativement bien puisqu'on trouve encore des bambins qui, la nuit, essayent de faire de beaux rêves avec « Votez le changement… Mana 1996 ».
Vous ne m’enfiliez, et parfois à l’envers ou dépareillé, que lors des grands réveils en famille le matin de Noël pour paraître beaux et faire comme dans les films américains où les acteurs s’endorment en pyjama et se réveillent presqu'aussi neufs, en pyjama.
Mais bizarrement, depuis que l’oiseau Macronicus, espèce en voie de déraillement, a piaillé « Nous sommes en guerre », alors que nous sommes simplement au mois de mars, tout le monde, à quelques exceptions près, a fait de moi son habit favori. Son doudou. Sa deuxième peau. Sa robe de mariée...
Donc, si je comprends bien, en temps de guerre, moi, petit bout de tissu de rien du tout, moi qui gratte, moi qui sentait la naphtaline car confiné depuis des années dans vos placards et loin de vos vies, je suis devenue votre arme miraculeuse.
Tout le monde me cherche ou voudrait m'avoir. J’ai gravi l’échelon de vos étagères. Je suis rangé dans le premier tiroir de la commode. Certains me posent même sur un cintre. J’ai rendu obsolètes les robes de soirées, les chemises, les corsages, les cache-cœurs, les polos, les vestes, les boxers, les culottes, les paréos et les paillettes. Je suis devenue confortable. Pire, indispensable. Peut-être même trop. Certains me portent une journée entière. Dévorent placards et frigos en essuyant leurs bouches sur ma manche. Puis me portent à nouveau la journée d’après. J’accepte volontiers ce come-back dans vos vies. Je ne vais pas faire mon rancunier mais de grâce, pour que je vive en harmonie sur vos corps, pensez à me mettre à la machine avant ce week-end et ne me brûlez pas au fer, car j’exige d’être repassé maintenant que justice est faite.
Sur ce, je m’en vais préparer la douceur de vos jours et de vos nuits à venir.
Emmelyne OCTAVIE, "Confinée dans la tête de..."