Célèbre plat guyanais, le bouillon d'awara se déguste traditionnellement à Pâques. La légende veut que celui qui en mange revienne en Guyane. Claire connaît la recette sur le bout des doigts. Elle nous raconte la préparation de ce met entre souvenirs d'enfance et cuisine moderne.
Assise à son bureau, Claire esquisse un petit sourire. Avec sa main droite,entre son pouce et son index elle remonte légèrement ses lunettes puis déclare : "Ma mère s'appelle Délise. Elle a 82 ans et ne fait plus le bouillon d'awara, mais elle l'a fait pendant des années. Elle a appris la recette de sa mère..." Tout de suite le ton est donné, et on comprend que ce récit sera un bouillon de souvenirs dont la cueillette se fait loin dans la mémoire. Au delà de nous raconter l'histoire de ce plat, c'est aussi l'évolution d'une recette transmise de mère en fille qui nous est contée.
Le bouillon d'awara façon Délise
Tout commençait par le ramassage des awaras juste au pied de l'arbre. Puis on laissait les fruits tremper dans des seaux d'eau. En début de semaine sainte c'est là que le compte à rebours commençait. Il fallait éplucher les awaras qui avaient ramolli, puis les piler avec un pilon en marbre. Ensuite on échaudait les awaras, c'est à dire les arroser d'eau brûlante pour en tirer un jus qui cuisait sur feu de charbon. "On faisait le jus bouillir depuis le jeudi. Ma mère ne faisait pas une pâte, mais plutôt un jus" explique Claire. A ce nectar couleur écarlate, on ajoutait les viandes boucanées, puis tous les autres ingrédients (concombres piquants, haricots verts, épinards, queues de porc, etc). Une préparation qui mine de rien durait quand même une semaine ! En effet, le rythme de la semaine sainte guidait la préparation du bouillon: " Ma mère s'arrangeait pour que vendredi saint le bouillon soit prêt pour aller au chemin de croix. Le samedi on finalisait." raconte Claire. Enfin arrivait le dimanche, moment de partage et de dégustation:"Il y avait toujours une part pour un voisin ou un ami. On nous disait "apporte ça pour l'ami untel". Avec mes parents on mangeait le bouillon avec des cousins qui avaient une maison au bord de la plage. C'était surtout une réunion familiale avec quelques amis. Mais le bouillon se mangeait toujours à Pâques ou à la Pentecôte, jamais en dehors !" précise -t-elle. Grâce à cette recette transmise de mère en fille, Claire a repris le flambeau. Mais face à l'évolution des choses et les contraintes rencontrées notre cuisinière ne cache pas avoir adopté une préparation plus "moderne".