Emilie Pindard livre ses mémoires

Le sourire d'une vieille dame à la mémoire encore bien vive
Rassemblés en un petit livre d'une soixantaine de pages "Mes mémoires de 1918 à nos jours", les souvenirs d'Emilie Pindard sont précieux car ils ont valeur de témoignage sur la Guyane du siècle passé. Ils évoquent une vie de famille à travers différentes époques où se mêlent tragique et joie. 
Dans le salon de sa maison de Cayenne, Emilie Pindard, entourée de ses filles Marie-Françoise et Micheline, disserte sur sa vie passée. Bien "carguée" dans sa berceuse, la vieille dame de 97 ans au regard vif et malicieux passe en revue sa vie. Elle raconte l'arrivée à Cayenne de ses parents, Lucien Clouet et sa femme Hermance, originaires de la Martinique. Elle s'appesantie longuement sur le décès tragique de son père tout comme elle décrit avec truculence les événements qui ont entouré la mort de Jean Galmot et la chasse aux lotiéristes dans les rues de Cayenne.  La presque centenaire dépeint avec humour son enfance de petite fille "majorine" avec une mère devenue veuve alors qu'elle avait 5 ans. Elle évoque son éducation sévère dans le petit commerce familial, ordonnancée par l'école, les commandements de l'église et quelques rares sorties aux côtés de ses soeurs plus âgées Rolande, Lisette, Léonie et Raphaëlle. Emilie n'a pas oublié ses débuts comme aide comptable dans l'administration, au Trésor Public, après l'obtention de son brevet élémentaire à 20 ans. Son mariage tardif, à 35 ans, avec un veuf, Georges Pindard, mondain et musicien avec qui elle aura ses 6 enfants, l'émancipe momentanément de la tutelle maternelle toujours très présente dans sa vie.

Devenue veuve, Emilie écrit dans un cahier bleu

Le flot de paroles est constant tandis que dans la rue Christophe Colomb la circulation se fait plus bruyante.
Emilie saute d'un sujet à l'autre sous l'oeil protecteur de ses filles qui l'ont aidé à donner vie à ce projet de publication. En 2013, elle leur apprend qu'elle a écrit ses mémoires et leur demande leur soutien pour les publier. Toute la famille, des enfants aux petits enfants, l'aide à remettre au propre ses écrits.
Elle a commencé à écrire il y a bien longtemps après la mort de son époux survenue en 1968. Elle est devenue veuve, ainsi que sa mère et même ses soeurs, comme attachée solidairement à ce statut de veuve. Elle va faire face et élever seule sa progéniture. L'aînée de ses enfants n'a que 14 ans et le dernier 2 ans.
Alors sur un cahier bleu de 100 pages, d'une écriture serrée, elle égrène les histoires marquantes de sa vie : "tout a débuté en 1973 pendant des congés bonifiés, je n'avais rien d'autre à faire". Un petit bout de récit par ci, un autre par là et le cahier se remplit au fil de ses longs congés familiaux en France notamment. 
En parcourant le récit d'Emilie Pindard, le lecteur remonte le fil du temps et découvre une autre Guyane, quelque peu surannée. Un voyage qui démarre au 20ème siècle dans Cayenne des années 20 alors traversée par " La grand rue" qui deviendra plus tard l'avenue du Général de Gaulle. 
Parmi les souvenirs marquants de la vieille dame figurent l'affaire Galmot, celle des tirailleurs sénégalais tout autant que les habitudes de la petite bourgeoisie de l'époque. Les détails sont souvent savoureux écrits dans un style débarrassé de toute fioriture qui ressemble tout à fait à son auteure, digne patronesse au caractère trempé.

"Mes mémoires de 1918 à nos jours" est un legs aux jeunes guyanais qui découvriront cet ouvrage dans les Centres de documentation et d'information des collèges et lycées ainsi que dans les bibliothèques.
Cet ouvrage a été édité par l'Imprimerie départementale avec l'aide du Conseil Général. 

Le reportage de Clotilde Séraphins et Abel Parnasse