C’est un nouveau rendez-vous manqué pour l’environnement. La 16 eme Conférence des parties (COP) dédiée à la biodiversité, organisée à Cali (Colombie) du 21 octobre au 1er novembre, n'aura pas permis de débloquer les financements tant attendus pour mettre, enfin, en place des politiques ambitieuses de préservation du vivant.
L’objectif de cette COP était de concrétiser la mise en œuvre des 23 objectifs énoncés en 2022, lors de l’accord-cadre de Kunming-Montreal. Ce texte ambitieux et précis, comparable aux Accords de Paris de 2015 pour le climat, fixe notamment l’objectif de protéger 30 % des terres et mers de la planète d'ici 2030.
Ces mesures essentielles pour freiner l'effondrement de la biodiversité en cours, exigent des financements exceptionnels. Au terme de la COP de Montreal, il a été estimé qu'il faudrait investir 700 milliards d'euros (environ 645 milliards d’euros) tous les ans, jusqu'en 2030, afin de combler l'actuel déficit financier en faveur de la biodiversité.
163 millions sur 700 milliards
À ce stade, les États se sont déjà engagés à mettre 20 milliards de dollars par an au pot commun d'ici 2025 et 30 milliards d’ici 2030. Mais après douze jours de négociations à Cali, seuls 163 millions de dollars supplémentaires ont été annoncés.
Enfin, sur la forme, les Etats les plus riches comme les membres de l'Union européenne, le Japon ou le Canada refusent toujours la création d’un fonds spécifiquement dédié à la biodiversité.
Cet outil ardemment défendu par le groupe des pays d’Afrique ou le Brésil, permettrait, selon ces pays, de flécher directement les aides en faveur de projets liés à la protection des écosystèmes - qui passent aujourd'hui par des fonds dédiés à d'autres sujets comme la transition énergétique ou l'aide au développement - et ainsi à gagner en efficacité.
Plus globalement, COP après COP, les pays les plus riches du "nord", pourtant responsables historiques du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité rechignent à payer pour les pays dits "du sud", ayant moins de moyens pour mettre en œuvre des politiques à la hauteur des enjeux.
73 % des vertébrés sauvages ont disparu en 50 ans
Cette absence de visibilité sur les financements explique, en partie, le faible nombre de stratégies nationales actualisées publiées à ce jour. En effet, seuls une quarantaine de pays, dont la France, ont dévoilé leur nouveau plan national d’action en faveur de la biodiversité, alors que la Convention sur la diversité biologique de l'ONU compte 196 membres.
Le manque de volonté de pays très influents sur la scène mondiale comme les Etats Unis, qui n’ont même pas signé l’accord-cadre de Kunming-Montreal, explique aussi, ce manque d'entrain au niveau mondial.
Il y a pourtant plus que jamais urgence à agir. Selon le WWF, cette COP était un « rendez-vous crucial pour la nature », alors que 73 % des populations de vertébrés sauvages (poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens…) ont disparu en 50 ans.
Reconnaissance des peuples autochtones
Quelques avancées sont tout de même à noter, et en premier lieu la reconnaissance des peuples autochtones et de leur rôle majeur dans la préservation des écosystèmes.
À l'échelle du globe, les autochtones représentent 476 millions de personnes, soit 6 % de la population mais les terres où ils vivent concentrent 80 % de la biodiversité mondiale, ce qui fait d’eux les premières victimes de l’effondrement des écosystèmes.
Leur voix aura désormais plus d’écho puisqu’ils seront représentés au sein d’un groupe permanent de la Convention sur la diversité biologique de l'ONU alors qu’ils n’avaient, jusque-là, qu'un groupe provisoire.
À l'échelle amazonienne, un "G9 autochtone" réunissant neuf organisations appartenant aux pays du bassin amazonien, a été créé à cette occasion afin de "renforcer les revendications communes de peuples autochtones et augmenter la pression sur les gouvernements", explique l'ONG environnementale internationale 350.org.
Dans cette alliance, les autochtones guyanais sont représentés par la Fédération des organisations autochtones de Guyane (Foag) et son président Aulaguea Thérèse.
Un intérêt croissant pour la biodiversité
D'autres avancées sont à noter comme la création d'un fonds placé sous l'égide des Nations Unies qui devrait recevoir - sur la base de volontariat - une contribution des entreprises des secteurs de la pharmacie, de la cosmétique ou encore des biotechnologies qui utilisent des séquences génétiques issues du vivant. Le fonds pourrait rapporter jusqu'à un milliard d'euros par an selon l'ONU.
Un accord a aussi été trouvé pour faciliter l'identification des zones à protéger en haute mer, soit celles situées hors des eaux territoriales des Etats et de leur juridiction.
Plus largement, l’intérêt médiatique et politique pour la COP de Cali montre que les enjeux liés au vivant préoccupent de plus en plus les opinions publiques, alors qu'ils ont longtemps été, à tort, éclipsés par d'autres sujets écologiques majeurs comme le climat et la question des émissions de gaz à effet de serre (GES).
L'événement a notamment réuni plus de 20 000 personnes accréditées, ce qui en fait la conférence sur la biodiversité la plus populaire de l'histoire.
Reste désormais à concrétiser cet intérêt en actes décisifs et pour cela, trancher a question des financements qui restent, COP après COP, le nerf de la guerre contre la sixième extinction de masse.