Abolition de l'esclavage (3/5): les marronnes, les oubliées de l'histoire

Elles sont les oubliées de l’histoire, et pourtant ...Elles étaient aux côtés de leurs maris, pères, fils dans la forêt amazonienne, fuyant le joug du colon. Certaines ont été des cheffes de guerre. Les marronnes ont largement contribué à la résistance des peuples marrons. 

Leur nom vient du terme espagnol cimarron, fugitif. Ce sont les esclaves noirs qui s’échappaient des plantations. Certains sont entrés dans l'histoire comme "Dchimbo", "Boni" ou "Simon", mais les femmes, leurs femmes sont rarement évoquées. Pourtant leur rôle a été tout aussi important, sinon plus.


Les oubliées de l'histoire

Ces femmes avaient un positionnement ancré dans la résistance. Au sein des camps, elle s’occupaient de l’intendance, veillant à ce que les esclaves en fuite puissent se restaurer. Elles soignaient les blessés, s'occupaient des enfants. Elles étaient les gardiennes, garantes d'une tradition se perpétuant de génération en génération. Elles racontaient des histoires, l'histoire des grands guerriers qui avaient mené dans leur Afrique natale, bien des guerres, des guerres sans fin contre l'oppresseur. Elles évoquaient le pays, cette lointaine contrée de plus en plus éteinte dans leurs mémoires, où un jour des hommes venus d'ailleurs les avaient échangées contre de la vulgaire pacotille. Dans les habitations, les tâches reposaient à 50 % sur leurs épaules. 

Denis Lamaison historien, a entrepris de longues recherches sur cette thématique :

"J'ai voulu m'y intéresser car quand j'ai entrepris ma thèse de doctorat, j'ai consulté les archives, tous les jours dans les journaux de l'époque, il était question de femmes marronnes recherchées. Elles étaient nombreuses sur les habitations, beaucoup de travaux reposaient sur elles. Et certaines s'enfuyaient."


Pas de pitié

Ces femmes s'étaient enfuies dans la forêt après souvent de graves violences physiques et morales. Les femmes étaient mises au travail forcé dès la puberté, venant des mers ou nées sur l’habitation. Elles étaient souvent violées, soumises aux persécutions de toute sorte. Les femmes enceintes devaient travailler le plus souvent jusqu’au terme de leur grossesse, les femmes âgées, jusqu'à leur mort. Pas de pitié.
Peu de femmes étaient mariées mais des couples se nouaient dans les quartiers des esclaves. Les femmes s’enfuyaient le plus souvent avec leurs jeunes enfants. Lorsqu'’elles réussissaient à atteindre les camps des marrons, elles avaient une chance de survie.
Denis Lamaison historien explique :

"Il arrivait que les femmes s'enfuient pour suivre un homme, ou des esclaves marrons venaient les enlever sur les habitations. Mais le plus souvent, elles étaient victimes de grandes souffrances morales et physiques. Elles n'avaient pas le choix et s'enfuyaient avec leurs enfants. J'ai retrouvé des écrits recommandant aux colons, d'être moins violents avec leurs esclaves féminines surtout quand elles portaient un enfant". 


Des Cheffes de guerre

Pour les hommes, le fait d'enlever les femmes est l’acte ultime de résistance à l’esclavage. Certaines n'avaient pas besoin d'être enlevées. Elles étaient des guerrières, et défendaient elles aussi leurs positions. Elles se fondaient dans la forêt amazonienne, s'immergeant dans les marais et jaillissant telles des furies sur l'oppresseur. Elles étaient plus agiles que les hommes, prêtes à tout pour combattre et retrouver leur liberté. Elles se battaient pour la cause, pour leurs enfants, par vengeance ou pour survivre. Un dernier cri.
Selon les historiens, de grandes guerres ont éclaté entre bushiningué ( noirs marrons ) et le colonisateur. Difficile de ne pas imaginer la présence des femmes marronnes, sur le théâtre des batailles. 
Denis Lamaison précise :

"Elles avaient un rôle très important. Les témoins racontent qu'ils retrouvaient dans la forêt, les camps abandonnés, bien tenus, où la nourriture était en abondance. J'ai trouvé dans les archives plusieurs récits épiques de batailles avec des femmes marronnes qui dirigeaient les troupes. Je n'ai pas retrouvé leurs noms, mais elles sont dans les procès verbaux. Les témoins s'étonnent de s'être battus contre des femmes". 


Dans la Caraibe, il existe des marronnes célèbres telles "Nanny" reine des marrons à la Jamaïque, véritable chef de guerre en résistance. En Guyane, certaines ont laissé leurs empreintes dans la lutte armée, mais leurs noms restent oubliés de l'histoire.

Les explications de Denis Lamaison