Airbags défectueux : Carole morte tragiquement en Guyane en 2020, le bouleversant témoignage de son père Philippe Mathurin

Air bag - illustration
Le 3 juillet, une nouvelle campagne de rappel des véhicules de marque Citroën et DS dotés d’airbags de la marque Takata était lancée. Une information qui a interpellé Philippe Mathurin dont la fille est décédée en 2020, suite à un accident de la route sur la Matourienne. Elle conduisait une C3. Elle a été retrouvée avec le bas du visage déchiqueté. Philippe attend toujours les résultats de l’enquête.
Carole Mathurin est décédee le 10 décembre 2020

Deux ans et 8 mois. Depuis 2020, Philippe Mathurin se bat pour qu’enfin toute la lumière soit faite sur la mort de sa fille Carole. Elle est décédée après avoir heurté un véhicule, le 10 décembre 2020 sur la Matourienne. Très vite, l’enquête de gendarmerie met en cause les airbags défectueux Takata. Carole, 37 ans, à la tête en Guyane, d’une association de santé humanitaire conduisait une C3 Citroën, une voiture de fonction achetée aux enchères, en très bon état. L'ancien propriétaire était l’administration postale.

Philippe et sa femme Chantal sont parents de deux enfants. Une famille soudée, unie. Carole les appelait tous les jours. Elle se sentait bien en Guyane où elle avait de nombreuses activités de santé sociale. Ce jour-là, ils avaient un rendez-vous téléphonique pour échanger comme d’habitude. Mais le coup de fil attendu n’est jamais venu.

Chantal et Philippe Mathurin se battent pour que la mort de leur fille Carole ne reste pas impunie

J’ai eu ma fille le jour de l’accident vers 18h. Elle m’a dit qu’elle me rappellerait plus tard car elle devait manger rapidement. Elle avait rendez-vous à la prison de Rémire Montjoly. Elle va à son rendez-vous. Dans la soirée je reçois un appel de son compagnon, qui est en vacances à Paris, il me dit qu’il a reçu un appel de la gendarmerie de Matoury, lui annonçant que Carole avait été retrouvée morte au volant de sa voiture. Il me donne le numéro de téléphone de la gendarmerie. Le gendarme de permanence, une femme, me décrit succinctement l’accident. En sortant de la prison Carole a emprunté la Matourienne, en s’engageant sur le rond-point, elle suit une voiture à basse vitesse et la heurte. Aussitôt le conducteur descend du véhicule et trouve Carole ma fille, avec l’airbag déployé, morte au volant avec la moitié du visage défiguré, la mâchoire complétement déchiquetée. (…) Le médecin constate le décès à 16h32, le 10 décembre. Les premières constatations ont été que l’airbag était complétement transpercé de petits trous. Suite à cela elle a été autopsiée. Le médecin légiste a trouvé une particule de ferraille qui s’était logée dans le tronc rachidien. Elle est morte sur le coup et bien entendu aucune chance de survie et de réanimation. J’ai été convoqué quelques jours après. L’adjudante qui m’a reçu m’a certifié qu’ils ont retrouvé la trace d’un code barre sur la partie de métal trouvée dans son corps. Il était évident que l’explosion venait de la mise à feu de l’airbag.

Philippe Mathurin

Le scandale Takata

Très vite Philippe et Chantal portent plainte et prennent un avocat. Ils veulent en savoir plus sur ce défaut de fabrication. Philippe se renseigne, va sur internet, contacte des professionnels et entend parler des airbags Takata. Il est choqué par ce qu’il découvre.

Takata était un des premiers groupes mondiaux sur le marché des coussins et ceintures de sécurité. L’entreprise japonaise change la composition chimique de ses gonfleurs pour faire des économies. Au fil des ans, les explosions intempestives se multiplient. Les gonfleurs peuvent exploser lors du déploiement des airbags et projeter des fragments métalliques susceptibles de provoquer des blessures graves ou mortelles. La direction tarde à réagir et le problème s’amplifie. En 2014, les constructeurs automobiles rappellent quelque 100 millions d'airbags dans le monde. Depuis le groupe a fait faillite.


Une justice trop lente

En Guyane, un nouveau rappel a eu lieu par voie de communiqué le 3 juillet. Dans un communiqué "les marques Citroën et DS invitent les propriétaires ou les dépositaires de modèles C3/C4/DS3/DS4/DS5 produits entre 2009 et 2017 et équipés d’airbags Takata n’ayant pas encore été remplacés de cesser immédiatement de conduire leur véhicule". Ils peuvent "contacter leur importateur local pour faire effectuer gratuitement les réparations requises".

Une nouvelle campagne de rappel, suscitée certainement par l'ouverture en Guadeloupe, récemment d’informations judiciaires pour "homicides et blessures involontaires", à la suite d’accidents mortels causés par des airbags Takata défectueux montés sur des Citroën C3. Cinq dossiers, dont trois concernant des accidents mortels, sont recensés. Des faits qui résonnent, alors, dans l’esprit de Philippe.

Il y a une juge d’instruction Madame Laupénie. Ça fait deux ans et huit mois que l’enquête se poursuit. J’ai pris un avocat Jérôme Gay, depuis on n’a pas de nouvelles. J’ai témoigné l’an dernier auprès de la juge mais personnellement à part lui faire part de ma peine je n’avais rien à dire. (..)Je n’ai pas d’éléments concernant l’enquête. Je veux que justice soit faite. J’ai découvert le scandale Takata aux Etats Unis. C’est un scandale plus gros que le Dieselgate. Les médias français ont très peu couvert cette partie-là. J’ai pioché dans cette direction là et dans le monde cela a été un scandale énorme. Je pensais être le seul à qui c’était arrivé en territoire français donc on attendait des nouvelles. Récemment, j’ai cherché à entrer en contact en  Guadeloupe avec les proches des victimes récentes. Nous avons décidé de nous battre ensemble.

Philippe Mathurin

 

Une affaire aux multiples ramifications

Difficile de dire combien de décès ont été provoqués par ces airbags défectueux. En Guyane, l’affaire est toujours en cours d’instruction. Une lenteur qui s’explique par l’ampleur du scandale mondial.

Maitre Jérome Gay

J’ai tout de suite su qu’on était dans une affaire qui allait demander du temps et gênante pour le constructeur automobile français. Cette affaire s’est répétée de trop nombreuses fois avec des circonstances dramatiques. C’est presque une affaire d’Etat car elle concerne le constructeur Peugeot Citroën. Il y a certes le secret de l’instruction mais l’affaire est anormalement longue au niveau de l’instruction. Quel que soit les intérêts économiques en jeu, le constructeur serait bien inspiré d’aller directement vers les victimes pour prendre en considération leurs souffrances.

Jérôme Gay avocat

Des souffrances vécues au quotidien par Philipe et Chantal. Ils vivent entre Rouen et le Havre et attendent que justice soit faite. Ils souhaitent que leur peine ne soit pas vaine et veulent simplement que la vérité soit connue de tous. Carole, à ce jour, est la seule victime connue en Guyane.