La plantation d'açai de Giovanna Serrao a été ravagée par les flammes. L’agricultrice est en colère car comme beaucoup de ses collègues autour de Breves, dans l’Etat du Para en Amazonie brésilienne, elle vit des revenus de sa production.
« Ça a vraiment affecté ma production pour les repas que je livre aux écoles. Nous n'avons rien produit ce mois-ci, donc nous n'avions rien à livrer »
Giovanna accuse son voisin de n'avoir pas contrôlé un feu qu'il aurait allumé. La police aurait seulement rencontré l'homme sans donner suite.
Même sentiment chez Paulinho dos Santos dont la ferme comme beaucoup d'autres a aussi été partiellement incendiée.
« Nous savons que c'est un crime, mais que pouvons-nous faire ? Nous n'avons vu personne. »
Des incendies criminels globalement impunis
De fait, selon Greenpeace, l'immense majorité des incendies criminels restent impunis. Et seule une sur cent des rares amendes infligées est payée. On dénonce une omerta par crainte de représailles et un manque de moyens : « Nous manquons de moyens pour lutter contre le feu et pour arrêter les responsables », explique le lieutenant-colonel Luciano Morais, de la police militaire de Breves. Cette année, « nous n'avons procédé qu'à deux interpellations », car il est « très difficile de prouver » qui provoque les incendies. Ceux-ci seraient généralement allumés la nuit.
À Breves la population se mobilise contre les incendies et crée un collectif « pour le droit de respirer »
Mais à Breves, les citoyens se révoltent contre cette situation. Et en particulier contre cette impunité dont semblent bénéficier la plupart des incendiaires. Ils demandent des sanctions pour les responsables et ont créé un collectif « Breves appelle au secours pour le droit de respirer ».
« Nous sommes arrivés à quelque chose d'important : les citoyens ont commencé à parler d'environnement, de changement climatique et d'incendies criminels », se réjouit Zairo Gomes, enseignant et défenseur des droits sociaux. Car les incendies ne portent pas seulement atteinte à l’environnement et à l’économie.
Car les incendies altèrent aussi la santé
La santé des habitants est aussi menacée comme le rappelle Maria Leao, sage-femme à Breves et membre du collectif :
« Tout le monde a été affecté par la fumée. J'ai deux filles à la maison, toutes les deux souffrent de sinusite. Et pas seulement mes enfants, mais aussi mes voisins, mes amis et les personnes âgées. »
« Nous avons vécu des semaines insoutenables. C'était impossible de sortir car on ne voyait rien. Les services médicaux étaient saturés de patients atteints de maladies respiratoires », renchérit Zairo Gomes.
Les taux de particules fines dans l’atmosphère ont atteint des pics 30 fois plus élevés que les seuils maximaux, en moyenne journaliers recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé.
Vers une mobilisation accrue et élargie face à une aggravation possible de la situation
En 2024, on a compté 140 000 incendies en Amazonie brésilienne. Un nombre en hausse de 42% par rapport à l'année précédente. Et les membres du collectif sont pessimistes pour l’avenir donc exigeants, comme l’exprime Zairo Gomes :
« La situation va empirer à l'avenir. Nous avons donc besoin de protocoles, nous devons être préparés, le département de la santé doit être préparé. Les autorités de la ville doivent faire de la prévention. »
Et le leader communautaire souhaite que la mobilisation à Breves fasse tache d’huile à l’extérieur :
« Il faut se rassembler, s'unir avec les villes voisines qui demandent aussi de l'aide. Nous menons le même combat. Les incendies, ça suffit ! »
L’objectif est d’éviter une nouvelle saison sèche catastrophique à partir de juillet.
Les incendies souvent d’origine humaine à proximité du lieu de la future COP 30
Les incendies ont certes parfois pour origine l’énorme décharge qui brûle à ciel ouvert et que les autorités de Breves ne semblent pas gérer. Toutefois, ils sont généralement d'origine humaine. Il s'agit pour leurs auteurs de nettoyer des champs en faveur des cultures ou de l'élevage ou encore de brûler des forêts pour s'approprier illégalement des terres. Et les feux sont amplifiés par le réchauffement qui dessèche la végétation et la rend plus inflammable.
Un dossier qui pourrait illustrer la COP 30, la prochaine conférence sur le climat qui doit justement se tenir en novembre prochain à Belem, la capitale du Para.