Observateur avisé de la société guyanaise, André Paradis avait le goût de l’écriture. Entre essais, romans et recueil de nouvelles, il a laissé à la postérité quelques-unes de ses réflexions.
Un militant politique
La radio a immortalisé sa voix grâce à sa chronique satirique « La plume à l’oreille ». Et il en avait des choses à dire sur la politique locale dont il connaissait bien les arcanes pour avoir été un militant de gauche au sein de trois partis se rappelle Antoine Karam membre du Parti Socialiste Guyanais :
« Il a été membre du parti « Cercle Guyanais d’Etude Marxiste » dirigé par Maître Guéril, un parti où figuraient aussi André Lecante et Jean-Mariema. Enfin les intellectuels de l’époque. Un parti qui s’est transformé en Mouvement National Guyanais. Vers 1978, André Paradis est passé à l’Unité Guyanaise dont j’étais un des fondateurs avec Albert Lecante, Hugues Edwige et d’autres amis comme Elie Brême. En 1981 il y a eu une scission, certains demandaient de voter au second tour de l’élection présidentielle pour Mitterrand et d’autres prônaient l’abstention. En septembre 1981 nous sommes tout un groupe à avoir adhéré au Parti Socialiste Guyanais où André Paradis est resté jusqu’à sa retraite. C’était un idéologue, il donnait son point de vue, sa pensée et il était ouvert à tout le monde mais restait intransigeant sur les règles.»
Un homme de lettres
Militant politique André Paradis était aussi un homme de lettre apprécié par le journaliste, metteur en scène Stéphane Floricien qui, au fil des ans, avait noué des liens d’amitié avec son aîné :
« C’est un auteur que j’ai apprécié. Cela a commencé en écoutant religieusement sa chronique satirique « La plume à l’oreille ». À l’annonce de son décès j’ai réécouté la musique de cette chronique comme un dernier hommage. André était devenu un collègue d’écriture puis un ami. J’ai l’impression d’avoir perdu tout cela en même temps. Je le voyais régulièrement, la dernière fois c’était en février de cette année. Je l’appelais, je passais le voir quand j’étais en Guyane, cela lui faisait du bien car il ne pouvait plus se déplacer. Je lui suis reconnaissant de m’avoir aidé à rencontrer un grand cinéaste Bertrand Tavernier. Ils étaient des amis au lycée Henri IV à Paris. J’ai rappelé cela à ce metteur en scène lors d’une rencontre après la présentation d’un film, j’ai téléphoné à André, ils se sont parlé et après j’ai pu avoir des échanges avec Tavernier. Cela m’a beaucoup aidé »
Un professeur humain
Noelina François, bibliothécaire à Rémire-Montjoly se souvient d’un professeur d’anglais humain et cultivé :
« Je n’avais pas de moyen de locomotion pour me rendre au lycée à Cayenne et entre midi et 14h, je remontais manger grâce à Mr Paradis. On a ainsi lié une amitié. Comme j’aimais beaucoup la musique je me rendais chez lui et j’empruntais ses standards de jazz. Il me prêtait des livres. Je me souviens d’un livre : Creek Mary : la magnifique, l’histoire d’une Amérindienne du nord. Il avait une manière d’enseigner, de s’intéresser au pays que j'appréciais. À la bibliothèque de Rémire, ensemble, nous avions mis en place une action « Des mots pour le dire » avec un atelier d’écriture sur une semaine qui a eu du succès. Et bien sûr je suivais ses billets d’humeur à la radio à 18h. »
Cette facette humaine d’André Paradis au service des élèves, la professeure de théâtre Hermina Duro en parle avec émotion :
« J’étais au lycée Félix Eboué et en 1ère et en terminale Mr Paradis était mon professeur d’anglais. C’était une période de ma vie où j’avais commencé les dialyses. J’allais au lycée tôt le matin et l’après-midi j’avais mes séances de dialyse. C’était particulier, mais les professeurs étaient attentifs à ma situation et je m’accrochais en classe car passionnée de littérature. Monsieur Paradis s’est montré très paternel avec moi, il m’avait prise sous son aile. J’appréciais son humour et sa façon de travailler méthodique. Il m’a beaucoup encouragée car il me trouvait courageuse et se montrait bienveillant. Nous sommes restés en contact après le lycée par rapport au monde des lettres. J’ai travaillé à la maison d’édition Ibis Rouge dont il était le directeur de publication où moi j'étais correctrice. C’était un peu plus qu’un professeur, lorsqu’un élève l’intéressait, il ne le laissait pas sur le bord de la route. C’est une perte car sa petite voix est toujours dans nos têtes. »
Le corps d'André Paradis sera exposé au funérarium Saint-Antoine de Cayenne de 15h30 à 18h30 ce mercredi 20 mars en présence de sa famille.