Que s’est-il passé dans la tête de cet homme de 19 ans, le 22 mai 2022 ? C’est ce que tente de comprendre la Cour d’Assises des Mineurs de Cayenne. Le procès de ce jeune, âgé de 17 ans au moment des faits, a commencé ce mercredi 20 novembre. Il se déroule à huis clos.
L’accusé nie la préméditation
L'homme est accusé d’avoir assassiné son ami d’enfance, Benaya Mangal, à Mana en 2022. Dans le box des accusés, ce jeune aux traits fins et au visage d'enfant est recroquevillé sur son siège entouré de deux gendarmes. D'allure discrète, il a pourtant surpris la Cour à l'ouverture de son procès.
"Dès ces propos préliminaires, il a remis en cause cette préméditation qu’il avait pourtant reconnue à l’occasion de ces auditions de garde à vue", relate Me Boris Chong-Sit, l’avocat de la famille Mangal.
Selon lui, ce sera "tout l’enjeu du procès". "La partie civile va tenter de convaincre la Cour d’Assises des mineurs qu’il y a effectivement eu préméditation et que ce crime doit être qualifié d’assassinat", affirme Me Boris Chong-Sit.
La douleur de la famille Mangal
Pour la famille Mangal, l'entendre nié la préméditation est un coup de massue supplémentaire. Sur le banc des parties civiles, les parents de Benaya Mangal portent des tee-shirts à l'effigie de leur fils. Dévastés, ils sont entourés de leurs proches. Soudé, le clan Mangal est aussi en colère. "On ne digère pas ce qu’il s’est passé", souffle l’un d’eux.
Des coups de sabre
Benaya Mangal a disparu le 22 mai 2022 après s’être rendu chez son ami, à Mana, pour faire de la musculation. Cet ami l’aurait ensuite attiré sur une barque pour aller pêcher sur le lac. Loin du rivage, il l’aurait roué de coups de sabre à plusieurs reprises avant de le jeter à l’eau. Le corps de Benaya Mangal a été retrouvé dix jours plus tard, lors d’une énième battue menée par la famille. A l’époque, son ami d'enfance reconnaissait les faits.
La personnalité de l'accusé
Cet après-midi, il a longuement été question de la personnalité de l’accusé. Il a perdu sa maman à l’âge de 5 ans dans un accident de voiture. Quel ressentiment ce drame a pu faire naître chez l’accusé ?
Plusieurs experts psychiatres ont été entendus. Souffrait-il de troubles psychologiques ? Comment l’adolescent a pu asséner plusieurs coups de sabre à son ami d’enfance ? Si son discernement était altéré, comment expliquer que le jeune homme ait ensuite nettoyé la barque dans laquelle le drame s’était produit ? Il aurait aussi fait disparaître le téléphone et les vêtements de sa victime. Un comportement très méthodique de la part de l’accusé.
Interrogé sur la personnalité de son fils, son père n’a pas souhaité nous répondre. Il disait pourtant "attendre beaucoup de ces expertises psychologiques", lors d’une suspension d’audience en cours à la mi-journée.
"On a besoin de réponses, confiait-il. Et la famille de la victime encore plus". Cet ancien gendarme ne commente pas le changement de défense de son fils. "Je n’ai jamais pu parler de l’affaire avec lui, sous peine d’être privé de parloir", explique-t-il. Le jeune homme est incarcéré à la prison de Remire-Montjoly depuis deux ans. Son avocat, Me Jérémy Stanislas, n'a pas souhaité s'exprimer non plus.
Le père de l'accusé et le couple Mangal étaient amis avant le drame. Depuis, ils n’ont plus de lien. Le père ne vit plus à Mana. Il ajoute avoir quitté la commune car il recevait "trop de menaces de mort".
Quel mobile ?
En cours de matinée, le directeur d’enquête a été entendu par la Cour. Il a fait un compte rendu des investigations menées par la direction des services de gendarmeries. Le médecin légiste a ensuite lui exposé son compte rendu à la Cour.
Selon les investigations, l’accusé était amoureux d’une jeune fille vis-à-vis de qui Benaya Mangal aurait été indélicat. Cette jeune fille a été appelée devant la Cour en fin de journée. La vengeance est-elle le mobile de cet assassinat ? Âgée du même âge, l'adolescente connaissait bien les deux garçons.
L'accusé interrogé durant deux heures
Cette première journée de procès s'est achevée par l'interrogatoire de l'accusé qui s'est terminé à 21 heures. Durant plus de deux heures, il est revenu sur les faits. Une horreur pour les parents de la victime présents dans la salle d'audience. Face à eux, le jeune homme a continué de nier toute préméditation.
Ce jeudi, pour le deuxième jour de procès, trois experts psychiatres et une psychologue seront à leur tour entendus. Viendra ensuite la plaidoirie des parties civiles.
Le verdict est attendu vendredi.