Au village chinois, les travailleuses du sexe sont en majorité originaires de la République Dominicaine et ces dernières années, leur nombre a fortement augmenté.
La crise Covid a eu un impact sur les travailleuses du sexe
Par peur de la contamination au Coronavirus, elles ont tout d'abord pour la plupart cessé leur activité. Mais la crise Covid s'éternisant, par manque d'argent, elles sont retournées dans la rue.
Dans une des maisons du village chinois, une dizaine de jeunes femmes arrivées récemment de la République Dominicaine sont assises dans le couloir qui mène à leurs chambres.
Nous y croisons, celle que nous nommerons Lucinda.
Elle a 35 ans et est arrivée en février dernier en Guyane.
Je suis venue ici pour faire des manucures, des ongles. Mais il n’y a pas de travail par rapport à la situation, alors j’ai dû me prostituer. C’est très difficile, on paye la location de la maison, les dettes sont là, la lumière, l’eau, à manger, il faut payer. Je ne savais pas que ce serait comme ça. On ne m’a jamais dit que ce serait difficile. Je ne sais pas si c’est par rapport au Covid mais c’est très difficile aujourd’hui.
Comme la majorité des migrants originaires de la République Dominicaine, Lucinda est arrivée clandestinement en Guyane en voyageant par le Surinam. Il n’y a pas besoin de visa pour les Dominicains se rendant au Surinam.
Le voyage en avion de Saint-Domingue à Paramaribo lui a couté 2000 euros soit 100 000 Pesos dominicains. Une petite fortune quand on sait que le salaire moyen est de 250 euros par mois en République Dominicaine.
La maison familiale hypothéquée pour payer le voyage jusqu’en Guyane
J’ai hypothéqué la maison de ma mère pour payer le voyage. Cette dette, je la dois et je travaille dans la rue car je dois la rembourser. Je n’arrive même pas à envoyer de l’argent à ma mère
Lucinda est arrivée en Guyane juste au moment où la crise sanitaire se déclenchait.
Elles sont plusieurs dans la même maison à être venue en même temps. Toutes aujourd’hui sans aucune ressources et prêtes à repartir si elles le peuvent.
Je veux repartir, partir d’ici, beaucoup de filles dans la même situation que moi veulent repartir. On ne peut vivre comme ça, mais tout est bloqué, on est toutes sans papiers, on n’a rien.
Ines Moronta est la présidente de l’AFDG, l’association nouvellement renommée Association en Faveur du Développement en Guyane, ex-Association des Franco-Dominicains de Guyane.
L’AFDG travaille depuis 2006 auprès des travailleuses du sexe des quartiers défavorisés de Cayenne.
Avec la crise Covid, l’association est sollicitée par des jeunes femmes jusqu’alors non repérées lors des maraudes, travailleuses du sexe et sans revenus.
On fait maintenant des maraudes de jour, puisque les filles ne peuvent plus sortir la nuit. En faisant ces maraudes de jour, on se rend compte qu’il y a beaucoup de filles qu’on ne voyait pas de nuit et qui sortent maintenant le jour.
Dans un autre quartier de Cayenne, à Mango, au fond d' une petite ruelle discrète, quelques femmes vivent là dans des chambres louées 400 euros.
La prostitution n'est pas un choix pour la plupart de ces femmes
Toutes disent vouloir travailler. Faire du ménage ou du repassage … mais sans boulot, travailleuse du sexe reste une option pour pouvoir manger et payer ses dettes.
Rosa vit clandestinement en Guyane depuis 10 ans. Elle a 45 ans.
Quand je suis venue en Guyane, je pensais que je trouverai un travail, faire mes papiers et avoir l’argent pour faire une maison digne pour ma mère à Saint-Domingue. J’ai dû me prostituer parfois pour pouvoir manger.
La crise sanitaire du coronavirus a plongé ces femmes dans une misère encore plus grande qu’auparavant.
Les petits jobs ont cessé depuis presque 6 mois en Guyane et le couvre-feu a mis fin à beaucoup d’activités.
Quand on veut faire du ménage en ce moment, c’est très difficile. Si je dois me déplacer c’est difficile et les gens ne veulent pas qu’on les approche. C’est aussi plus difficile maintenant car quand on a réussi à avoir enfin un peu d’argent, qu’on veut aller au chinois, c’est déjà fermé.
Rosa s’ occupe de sa petite fille de 7 ans depuis le décès de sa fille. Sous son masque en raison de la crise Covid, elle laisse ses larmes couler. Malgré la misère qui l'entoure, la Guyane reste sa chance.
Je veux que ma petite fille puisse aller à l’école et devenir quelqu’un de bien. Je l’ai amené ici avec moi car là-bas, elle ne pourra avoir une vie meilleur je veux juste qu’elle puisse aller à l’école. Je veux jsute avoir des papiers et pouvoir travailler.
L’association AFDG suivait lors de ses maraudes de nuit à Cayenne avant la crise Covid en Guyane 238 travailleuses du sexe, la plupart en situation irrégulière en Guyane.