Des biologistes effectuant récemment une recherche dans une forêt côtière près de Rio de Janeiro. La scène n’a rien d’étonnant en soi. Plus surprenant est ce qu’elles recherchent : des plants de vanille sauvage. L’une d’elles, Renata Tavares de Oliveira brandit un spécimen :
« Il s'agit de la vanille bahiana, un synonyme de la vanille pheanta. C'est une espèce que l'on trouve au Brésil, mais aussi dans d'autres pays d'Amérique latine. »
Le Brésil abriterait la plus grande diversité de vanille aromatique au Monde
Depuis des années ces chercheuses du laboratoire intégré de biologie végétale de l’université fédérale de l’Etat de Rio (UniRio) cartographient l’existence de la vanille sauvage. On en trouve dans divers endroits, même très fréquentés, comme au pied du célèbre Pain de Sucre de Rio.
Avec une quarantaine d'espèces, le Brésil abriterait la plus grande diversité de vanille aromatique au Monde. Un atout majeur à en croire Andrea Furtado Macedo, une rare liane de vanille chamissonis à la main. Cette botaniste, coordinatrice du laboratoire, dirige le projet. Elle a découvert de la vanille dans la nature par hasard en 2004. Depuis, elle se consacre à ces végétaux et ne tarit pas d’éloges à leur sujet :
« Ces vanilles ont des fruits extrêmement aromatiques et savoureux, qui peuvent être utilisés dans les industries alimentaires, cosmétiques et pharmaceutiques. »
Analyse et préparation des échantillons
Du coup, les nouvelles vanilles découvertes dans la nature sont étudiées à la loupe par les scientifiques. Leurs fruits sont récoltés à maturité, puis utilisés pour la culture de tissus (afin de reproduire les plantes) et l'extraction.
Outre l’éventuelle toxicité et d’autres propriétés chimiques il faut évaluer leurs qualités gustatives. 3 variétés étaient testées ces derniers temps. La procédure est simple.
Les gousses sont d'abord séchées. Ensuite des morceaux sont mélangés à de l'hydrogène liquide à -200 degrés Celsius pour écrasement. Finalement, un liquide brun est produit pour aromatiser les aliments.
Au laboratoire alimentaire de l’Embrapa Food Technology, à Rio, Ana Carolina Chaves, ingénieur alimentaire utilise l’un d’entre eux :
« C'est l'extrait de vanille cribbiana, et nous allons l'ajouter pour donner du goût à la crème glacée ».
Au total, la préparation prend plusieurs heures.
Test auprès des consommateurs
Après la confection des crèmes glacées, les différents échantillons sont goûtés par des consommateurs. Ceux-ci indiquent celui qu’ils préfèrent, s’ils seraient susceptibles d’acheter une glace avec ce parfum…
Dans un an, le laboratoire indiquera les variétés sélectionnées aux industriels.
Actuellement le Brésil cultive très peu la vanille. C’est surtout de la planifolia : une espèce originaire du Mexique et principalement cultivée à Madagascar. Mais face à la forte demande locale, les chercheurs souhaitent changer la donne comme l’explique Ana Carolina Chaves :
« Nous cherchons donc de nouvelles sources de vanille, en commençant par notre biodiversité, afin d'ajouter de la valeur aux produits de notre biodiversité et de remplacer la vanille importée que nous utilisons dans nos produits ici au Brésil".
Un enjeu économique et social
L'enjeu est important. La vanille est la 2ème épice la plus chère au Monde après le safran. Et sa culture nécessite une main d’œuvre importante. Zoltan Raffai, directeur de Toldya Vanilla utilise des variétés de vanille non brésilienne. Il explique que même en présence d’abeilles, celles-ci « ne pollinisent que 10% des fleurs ». Dans ses plantations, la pollinisation est donc effectuée manuellement (à noter que la technique a été inventée par Edmond Albius, un esclave réunionnais au XIXe siècle) :
« En procédant ainsi, nous pouvons polliniser entre 90 et 95 % des fleurs, ce qui nous permet de mieux contrôler le nombre de fleurs que nous pollinisons. »
En clair, les recherches sur les vanilles sauvages pourraient donc, à terme, permettre au Brésil de réduire ses importations et de créer des emplois…