VC : Selon moi le carnaval de Guyane est une parenthèse, une parenthèse enchantée ... c'est vraiment une période spéciale, il n'y a rien qui ressemble au carnaval de Guyane ni à l'esprit qui le régit.
Quel rôle entendez-vous jouer dans la préservation du carnaval?
VC : Mon rôle est partagé parce que je suis entre deux générations. Je suis entre la tradition qui est celle de faire perdurer des codes établis depuis des décennies et l'évolution qui est en train de se faire. Je suis donc au milieu et j'essaie juste d'avoir un profond respect pour ce qui m'a été transmis, de vivre avec mon temps et en même temps d'observer ces nouvelles règles qui arrivent et qui, soit vont dénaturer les usages traditionnels soit vont se substituer à eux en les faisant évoluer.
D'où vous vient votre connaissance du carnaval et votre envie de le défendre?
VC : Je parle du carnaval tel que je l'ai vécu enfant et ressenti depuis mes plus tendres années. J'ai d'abord regardé les gens autour de moi s'amuser pendant le carnaval. J'ai observé ces carnavaliers, les gens qui se déguisaient, ceux qui laissaient aller leur imagination, qui utilisaient leur créativité pour rendre ce moment spécial, ceux qui étaient dans le débordement dans l'expression de leur joie, ceux qui, au contraire, étaient dans la retenue et même tout ce qui se produit autour autour du carnaval, sans avoir jamais participé à ce carnaval. Aussi je pense que dans ma façon de parler du carnaval, je défends, une certaine façon de le vivre, de le préserver mais aussi de faire survivre l'esprit du carnaval. Les choses peuvent évoluer mais si l'esprit de la parenthèse enchantée perdure alors tout le monde pourra exprimer de la joie et du plaisir dans le respect de sa personne. Le carnaval s'est s'oublier pour donner la part à l'imaginaire, la fête et à la créativité.
Quel sort sera réservé au touloulou dans l'avenir?
VC : Le touloulou est selon moi est amené à disparaître, c'est inévitable. On observe, dans les rues que le masque a déjà disparu et le déguisement va subir le même sort. Même les groupes qui chantent des chansons obscènes sont sur des thème de couleur, et de costume identique ce qui enlève la spontanéité du personnage imprévisible qu'est le touloulou à la base. Aujourd'hui il est nécessaire de tout organiser et c'est en cela que cela change les codes. Le problème du masque, c'est le problème de notre vanité. Tout le monde est devenu narcissique, tout le monde fait des selfies et personne ne donne d'importance au masque. Et pourtant, il est symbolique, il permet d'être quelqu'un d'autre mais qui a envie dans notre société actuelle d'être anonyme, personne! Le touloulou est train de disparaître parce qu'on est trop touloulou déjà toute l'année.
VC : Pour moi il est essentiel parce que cela correspond à une époque. Tous les codes ont été fixés à des moments clés de l'histoire de la Guyane. Il y a eu des périodes charnières, des événements où le carnaval était mêlés à des faits historiques pas toujours gais voire tragiques. L'élément patrimonial il est indéniable.
Tout cet aspect de renverser la société, de dénoncer les injustices de se mettre dans la peau de quelqu'un qui n'existe pas comme un farfadet, un lutin, cela avait un sens. On voulait sortir du quotidien qui était gris, pâle, sans couleur pour avoir une parenthèse enchantée où tout n'était que joie et couleur. Maintenant que l'on a changé de vie, ces codes s'étiolent et peut être qu'il faudra en inventer d'autres.