Le 14 février le roi Vaval tire sa révérence, il n’y a donc pas de temps à perdre pour les carnavaliers. Comme le veut la tradition les bals parés masqués s’enchaînent, les ateliers de ventes et de locations de costumes tournent à plein régime. Mais, selon les témoignages de deux grandes animatrices du carnaval, il y a un net ralentissement de leurs activités.
Marie-Line Cesto-Brachet, présidente de l’association « La Pompadour » grande animatrice du carnaval de Guyane, membre de l’office Carnaval Peyi Guyane n’a de cesse d’œuvrer au respect des traditions carnavalesques. Dans son atelier de Matoury rempli de costumes divers, elle prépare des défilés et c’est l’occasion d’échanger avec elle :
« Le carnaval est court mais nous avons la même activité un peu survoltée puisque nous ne disposons pas de beaucoup de temps. Nous ne pouvons pas répondre à toutes les sollicitations, expositions, conférences, défilés alors nous faisons des choix. Notre association fait des animations pour les personnes du 3ème âge, pour les entreprises et tout évènement se rapportant à la promotion de notre tradition carnavalesque. Ce carnaval a bien commencé un peu partout en Guyane et c’est tant mieux. C’est la volonté du nouvel office du Carnaval Péyi Guyane de permettre à toutes les communes de sortir de leur isolement et de redécouvrir le carnaval entre bals et cavalcades.»
Toutefois, Marie-Line déplore :
« En ce qui concerne notre activité propre, celle de créer des costumes, il y a un vrai ralentissement depuis plusieurs années. La clientèle n’est plus la même et les femmes, notamment, n’apportent plus autant de soins dans la préparation des bals du samedi, les rites d’avant bal se perdent. Nous sommes aussi beaucoup concurrencés par un marché parallèle. Cela nous nuit. »
Ce charme de la discrétion en perdition
Pour Dalva Péquin, créatrice engagée dans le carnaval guyanais, occupée dans son atelier de Rémire-Montjoly à réaliser des tenues pour le Mardi gras, le constat est le même :
« Le broc Vaval par exemple est une bonne opération qui nous permet de liquider nos costumes les moins récents mais beaucoup de gens achètent pour louer. Il s’est donc installé un marché parallèle de nos créations par des gens qui n’ont pas pignon sur rue. »
Dalva réalise des costumes depuis 2004, elle a suivi le changement des habitudes dans sa clientèle de jeunes femmes modernes :
« Elles ne respectent presque plus l’anonymat. Elles viennent ici, elles font des selfies de leurs robes pour les envoyer à leurs amis et même des vidéos. Il n’y a plus cet aspect secret obligatoire comme il y a encore quelques années. Auparavant, la récupération des costumes se faisait avec discrétion, les clients ne devaient pas se croiser. La tradition se perd»
Selon Dalva Péquin pour préserver les codes du carnaval il faudrait qu'il y ait un organisme qui se charge d’éduquer les candidats, candidates aux pratiques carnavalesques pour qu’il y ait une véritable transmission. Le passage du flambeau lui semble essentiel.
Ces deux créatrices ont gardé une bonne clientèle mais déplorent que la marchandisation prenne peu à peu le pas sur tout et amène à une forme de dévoiement d’un carnaval de nuit tant vanté dans le monde entier.
Touloulou : personnage de rue devenu par la suite celui du carnaval de nuit. Sous les déguisements, des femmes.