C’est un petit village de tôles niché dans la zone Collery, à Cayenne. Derrière les commerces, au milieu des marécages et au bout d’un pont de fortune, une quarantaine de familles, soit entre 200 et 300 personnes, vivent dans le squat Catéco.
Une destruction prochaine
Cette semaine, les autorités sont venues les prévenir que leur village allait être détruit prochainement. "Ils ont été informés par deux policiers municipaux qu’ils devaient quitter les lieux, car ils allaient être délogés", explique Yvenel Petit-Homme, président de l’association "la caravane solidaire" qui vient en aide à ces familles.
Sous la protection de l’Etat
"On leur demande de partir après cinq ou six ans, alors que la saison des pluies arrive, poursuit Yvenel Petit-Homme. Il y a des Haïtiens, des Indiens, des Brésiliens. Des gens sont sous protection subsidiaire, car l’Etat leur a accordé l’asile". Ces personnes n’ont pas obtenu le statut de réfugié, mais elles ont une protection subsidiaire qui prouve qu’elles sont en danger dans leur pays. D'autres ont le statut de réfugié, d'autres encore ont des cartes de séjour.
Il y a ma mère et ma femme, nous ne sommes pas en situation irrégulière, l’Etat s’est organisé pour nous, mais nous ne pouvons pas avoir de logement.
Un habitant du squat Catéco
"On a même des fiches de paie, comment ça se fait que sous protection de l’Etat, on ne peut pas avoir de logement ?", s’interroge ce père de famille brésilien. "J’ai déjà fait toutes les démarches pour un logement social, on est arrivé ici en 2019, j’ai un travail et mon mari aussi", ajoute une autre mère de famille brésilienne.
Aucune solution de relogement
Inquiets et désemparés, ces habitants du squat Catéco déplorent surtout l’absence de solution alternative. Ils assurent que la préfecture ne leur propose aucune solution de relogement. "On ne savait pas qu’ils allaient tout casser, c’est arrivé vite, s’exclame le porte-parole des habitants. On va aller où ? J’ai vu l’assistante sociale, elle me dit qu’il faut 1200 euros pour entrer dans un logement, mais je ne peux même pas emmener tous mes enfants". "Nous sommes huit à la maison, et l’assistante sociale me dit qu’on ne peut être que quatre. Je vais laisser les autres où ?", s’interroge le père de famille.
On sait qu’on va sortir d'ici un jour, mais il faut s’arranger et nous laisser un peu de temps.
Un habitant du squat Catéco
Un délai pour s’organiser
Ces familles du squat Catéco demandent un délai aux services de l’Etat. Un peu de temps pour se retourner et trouver des solutions d’hébergement. "On leur dit juste "vous sortez d’ici, on va venir écraser, vous vous débrouillez !"", s’indigne Yvenel Petit-Homme, président de l’association "la caravane solidaire".
En tant qu’association, nous ne sommes pas contre le fait de déloger les squats, mais il faut qu’il y ait derrière une proposition de relogement. Ces enfants vont à l’école et d’autres sont en situation de handicap.
Yvenel Petit-Homme, président de l’association "la caravane solidaire"
De jeunes habitants scolarisés
Venu d’Haïti, Karens, lycéen de 17 ans, fait partie des jeunes habitants de ce squat. Il est arrivé ici il y a un an, avec trois autres membres de sa famille. "On n’aura pas de logement et on sera à la rue, alors que j'ai cours comme la plupart des enfants ici, s’inquiète-t-il. On n’aura pas d’endroit pour se loger, pour se laver le matin et s’habiller avant d’aller à l’école". Karens est scolarisé au lycée de Balata. "Je suis obligé d’aller à l’école pour avoir un avenir", assure-t-il.
Je fais des études dans le bâtiment, car il y a des opportunités dans ce secteur en Guyane. Je le fais pour m’en sortir et aider ma mère qui a souffert. Je suis le seul à pouvoir l’aider, à subvenir à ses besoins et ceux de ma sœur et mon frère.
Karens, lycéen haïtien
La Guyane, "un espoir de paix"
La Guyane était leur eldorado, un espoir de paix. La réalité est bien plus difficile que prévue. "On a quitté Haïti pour venir dans un pays où on pensait qu’il y avait des opportunités, raconte-t-il. Mais on a eu des problèmes avec des démarches administratives compliquées. Nous n’avons pas quitté notre pays pour des raisons financières, nous avons quitté notre pays natal à cause de l’insécurité".
Nous sommes venus ici chercher un moyen de vivre, mais on n’a pas pu le trouver.
Karens, lycéen haïtien
Malgré les difficultés, Karens a toujours envie de croire à un avenir meilleur. Selon lui, il faudra du temps, du changement et de "l’organisation de notre part et de la part de la préfecture", ajoute-t-il.
Un recours au tribunal le 14 novembre
Selon nos informations, l’association "Médecins du monde" a déposé un recours qui empêche provisoirement toute démolition du squat. Ce recours sera examiné par le tribunal administratif le 14 novembre prochain.
Sollicitée, la préfecture de Guyane devrait donner suite à notre demande dans la journée.