Témoignages. Victimes d’une tentative de braquage, deux commerçants brisent le silence sur l’insécurité

Audrigue Verin, le directeur de Campus Services Imprimerie, et Claude, salarié, ont été victimes d'une tentative de braquage le 18 septembre.
L’insécurité en Guyane n’est pas seulement une succession de faits divers dans les médias. Deux commerçants ont accepté de briser le silence pour raconter la tentative de braquage dont ils ont été victimes le 18 septembre dernier à Cayenne. L’un d’eux a été blessé par balle. Claude et Audrigue ont vu leur vie basculer.

"J’ai senti quelque chose me traverser et je suis tombé à terre", raconte Guy Claude Mac, auto entrepreneur numérique. Le 18 septembre dernier, il est 12h15 lorsque deux hommes armés pénètrent dans le magasin Campus Services Imprimerie, à Cayenne.

Une balle dans l'abdomen

En quelques secondes, Guy Claude Mac et le patron sont victimes d’une tentative de braquage. Lui reçoit une balle dans le ventre.

"Je ne pensais pas saigner, mais la balle m’avait bien traversé, tout s’est passé très vite", se souvient Guy Claude, 41 ans. Hospitalisé à Kourou, il n’a pas pu se lever, ni manger durant plusieurs semaines.

Le magasin Campus Services Imprimerie, à Cayenne.

Témoigner pour ne pas banaliser

Ce mardi 12 novembre, Guy Claude Mac et Audrigue Verin, le directeur de Campus Services Imprimerie, ont décidé de prendre la parole pour briser le silence et empêcher la banalisation de cette violence. Les victimes d’insécurité témoignent rarement, pourtant au-delà du fait divers, des vies basculent.

"En 27 ans d’activité, c’était la première fois que je voyais cela, déplore Audrigue Verin, directeur de Campus Services Imprimerie. Le plus souvent dans mon magasin, les gens me disent : "vous me sauvez la vie !"". Le commerce avait des activités d’imprimerie, de cyber-café et de transferts d’argent.

"On est pourtant utile à la population"

Depuis le braquage, Audrigue Verin a cessé les transferts d’argent. "C’est devenu trop risqué, trop difficile à gérer", explique-t-il.

Pourtant, le transfert d’argent est un service dont les familles ont besoin, c’est quelque chose d’utile à la population. On ne pensait pas qu’on pouvait être agressé, mais l’appât du gain a été plus fort.

Guy Claude Mac, blessé par balle

Une bousculade et deux coups de feu

Le 18 septembre dernier, les commerçants étaient dans le magasin lorsqu’un client connu a sonné. Guy Claude Mac s’est levé pour lui ouvrir et deux hommes cagoulés et armés en ont profité pour franchir la porte.

"Je lève la tête et je vois une bousculade à l’entrée, je pense que c’est un ami du client, et là un premier coup de feu part", raconte Audrigue Verin.

Audrigue Verin, le directeur de Campus Services Imprimerie.

Le temps que je sursaute, une deuxième balle est partie et a atteint Claude à l’abdomen, je l’ai vu tomber.

Audrigue Verin, gérant

"Laissez-le tranquille"

L’homme armé quitte le magasin, le second agresseur sort puis revient pour tenter de récupérer la caisse. Audrigue se met à hurler : "vous l’avez déjà blessé, laissez-le tranquille !". "J’ai crié fort, les gens ont commencé à venir, du coup ils sont partis en courant et c’était fini, ça a duré quelques secondes", ajoute le patron du magasin.

Blessé par balle, Guy Claude est pris en charge par les secours et hospitalisé à Kourou. La balle lui a traversé le foie, le rein et l’intestin. Une hémorragie interne est en cours, il est rapidement opéré et restera plusieurs semaines couché, sous anti-douleur.

Claude, blessé par balle à l'abdomen.

"Abandonnés"

Deux mois après cette tentative de braquage, les deux hommes se sentent "dépités". Ils n’ont plus de contact avec la police. "On se sent abandonnés", regrette Audrigue Verin. Avec Guy Claude Mac, ils ont décidé de témoigner pour ne pas se faire oublier et surtout pour empêcher la banalisation de l’insécurité. Soutenus par l’association Trop Violans, les deux hommes espèrent que leurs témoignages éveilleront les consciences.

Trop Violans interpelle régulièrement l’Etat sur les problèmes d’insécurité en Guyane et dénonce une "inertie". L’association demande notamment la relance du comité de suivi de l’Accord de Guyane censé lutter contre l’insécurité.