2021, un cru exceptionnel pour les olivâtres et les luths sur des plages de l'île de Cayenne

L’année 2021 s’annonce excellente pour la saison de ponte des tortues marines : une fréquentation stable pour les tortues vertes, mais en nette hausse pour les luths et les olivâtres. Quant au public, malgré le confinement et le couvre-feu, il est au rendez-vous.

Un bouillonnement, puis une ombre arrondie s’avance sur la plage à la lumière d'une lune aux trois-quart pleine. Comme un coquillage émergeant en douceur des flots. La carapace vert-brun et la peau jaunâtre typiques révèlent le pédigrée : une tortue olivâtre, la plus petite tortue marine, le Caret en créole. Pour déposer ses oeufs, elle a choisi le plus gros site de ponte d’Amérique du Sud de son espèce.

Sur le sable, l’effort se fait intense, obstiné, à coups de pattes, au rythme d’une respiration saccadée.

A ses côtés, couronnés d’une lampe torche à la lumière rouge, les bénévoles de l’association Kwata observent l’animal. Quelques minutes plus tard, plusieurs autres tortues sortent de la mer, dont une énorme luth. 

Les prémices d’une soirée riche en observations pour la patrouille de comptage alors que la saison des pontes et des émergences bat son plein.

Un travail quotidien de comptage des femelles

Espèces menacées, les tortues marines font l'objet de programmes d'études et de conservation par Kwata depuis de nombreuses années en Guyane. Luth (Dermochelys coriacea), olivâtre (Lepidochelys olivacea) et verte (Chelonia mydas) sont au coeur des préoccupations.

Chaque matin, le directeur de l’association, Benoît de Thoisy, se charge du comptage des spécimens sur la plage de Cayenne et Rémire. L’occasion aussi d’effectuer le suivi des tortues déjà équipées d’une puce.

« Les tortues, quand elles viennent pondre, elles laissent des traces sur la plage. Cela permet de savoir à quelle espèce appartient quel nid. Le comptage, c’est de recenser le nombre de nids présents le matin. Cela va donc être toutes les pontes de la nuit ».

Céline Reuter Responsable des programmes d'éducation à l'environnement et de la vie associative de l'association Kwata

 

Cette année, les premiers chiffres traduisent une hausse importante de la fréquentation des tortues marines après une année 2020 compliquée.

La tortue luth est la plus grosse tortue marine au monde avec un poids moyen de 450kg et une taille de 160cm. Les tortues luths viennent pondre entre les mois d'avril et août. Les plages de l'Est accueillent près de 5000 pontes tous les ans.

Au 19 juillet, 54 pontes de tortues vertes ont été recensées sur les plages de l’Ile de Cayenne. « La ponte s’est terminée fin mai », indique Céline Reuter, responsable des programmes d'éducation à l'environnement et de la vie associative pour Kwata.

Un chiffre stable par rapport aux années précédentes, d’autant que les tortues vertes ont une préférence pour les plages de l'Ouest guyanais.

Plusieurs phénomènes d'arribada observés à Rémire

Certains soirs, plusieurs dizaines de tortues olivâtres sont observées sur les plages. Un phénomène impresssionnant : l'arribada («arrivée» en espagnol).

Le nombre de ponte des olivâtres atteint déjà un chiffre élevé cette saison. 1756. Un chiffre qui devrait progresser jusqu’à la fin août. En effet, entre les mois de juin et août, les plages de l'Ile de Cayenne accueillent jusqu'à 90% des pontes de Guyane pour l'espèce. Chaque année, entre 1500 et 3000 pontes de tortues olivâtres sont ainsi recensées par Kwata.

Quant aux luths, 373 pontes au compteur à la mi juillet. « Nous sommes vraiment  à la fin de la saison des pontes. Cela ne devrait plus trop augmenter. Cependant, il y a un peu plus de pontes que l’an dernier. Nous étions alors descendus au plus bas depuis longtemps. A 160 pontes comptabilisées contre le double actuellement mais cela reste encore très faible par rapport aux années précédentes », constate Céline Reuter.

Les femelles pondent en Guyane tous les 2 ans, voire tous les 3 ans. Lors d'une saison de ponte, une tortue luth vient 3 à 5 fois avec un intervalle d'environ 10 jours entre chaque montée. Des individus ont parfois été observés 12 fois lors de la même saison. Selon les études de Kwata, les plages de l'Est accueillent près de 5000 pontes tous les ans.

Enfin, cette saison, deux tortues imbriquées ont été observées. Une espèce aperçue que très rarement (mois de 5 pontes par an).

La luth, la star des soirées

Autre constat cette saison : le public s’est fait plus nombreux en mai et juin par rapport à 2020, et ce malgré les restrictions de circulation toujours en vigueur.

Durant plusieurs matinées, 250 personnes se sont ainsi retrouvées autour d’une tortue. « Toujours très respectueuses, et en demande d’informations », souligne Lesley Porte, présidente d’honneur de Kwata.

« Tous les matins et tous les soirs, on peut avoir sur la plage 2 à 4 tortues et si on a 300 personnes sur la plage, tout le monde se met autour de la même tortue. »

Lesley PORTE, présidente d'honneur de l'association KWATA

 

Les bénévoles effectuent donc deux à trois patrouilles de sensibilisation matin et soir afin de sensibiliser le public présent.

Les règles fondamentales : se placer hors du champ de vision l’animal, ne pas le toucher, éviter tout éclairage violent, préférer la lumière de la lune ou une lumière rouge.

Lors de leur venue à terre, les tortues luths sont victimes des filets côtiers et subissent les dégradations de leurs sites de pontes occasionnée par le développement urbain.

Depuis début juillet, le nombre d’observateurs baisse. Conséquence des vacances mais aussi de la diminution de la présence des tortus luths. Avec son impressionnante carapace de cuir aux couleurs d’une nuit étoilée, la luth remporte tous les suffrages.

Avec la crise sanitaire, Kwata a suspendu les balades d'observation. L'association organise en août d'autres sorties thématiques d'éducation à l'environnement, en particulier pour les enfants.

L’association Kwata et deux conteurs de la compagnie Zoukouyanyan, se sont associés pour une animation particulière : une soirée contée sur la plage des Salines. Jean-Luc BANZAT et David MERCOUR ont narré les aventures des tortues des mers du monde.

Aprés une veillée contée avec les histoires des tortues des mer du monde, les plus jeunes peuvent ainsi se mettre dans la peau d'une tortue, le temps d'une matinée, pour mieux comprendre le quotidien de l'animal : traverser les océans, chercher à manger, pondre sur la plage....

Si les tortues marines m’étaient contées le temps d’une veillée sur la plage des Salines. Le récit d'une soirée avec Isabel LEROUGE.