Danse, peinture, photographie, dessin… NouN est une artiste plurielle. Après Manman Dilo, en 2022, elle présente sa deuxième exposition en Guyane. Depuis cinq ans, la jeune femme y réside. Un vrai coup de foudre à l’entendre. Tout comme Manman Dilo, cette exposition, Tété pa jen tro lou pou lestomak, est née chez nous. « J'ai vécu une période de surmenage assez intense, à la limite du burn out. Une amie guyanaise m’a donné ce dolo qui dit que peu importent les épreuves tu trouves sur ton chemin: tu arriveras à les surmonter. Je me le suis beaucoup répété quand ça allait. C’est un, dolo qui t’apporte de la force. »
Au-delà du dolo, ce que NouN veut mettre en avant, c'est le concept de charge mentale. L'expression, popularisée par l'artiste graphique Emma, désigne le poids invisible des tâches quotidiennes à gérer. Des tâches liées à des inégalités de genre qui illustrent la double contrainte des femmes entre tâches ménagères et vie professionnelle. « Je me suis aussi interrogé et demandé pourquoi est-ce que c'est le corps de la femme qui est mis en avant on parle de poto mitan, de force, de capacité à tout gérer. »
L’artiste va même plus loin dans sa réflexion:
« J’ai voulu un peu poser la question : est-ce que vraiment tout est surmontable ou est-ce que finalement ce n’est pas cette société patriarcale qui nous impose toutes ces charges ? »
Pour mener à bien sa démarche, NouN, au gré d’une résidence artistique entre novembre et décembre dernier, a interrogé et photographié une vingtaine de femmes de Guyane, âgées entre 18 et 47 ans. « C'est intéressant ici en Guyane d'aborder cette thématique. Il y a différents espaces de charge mentale que je ne connaissais pas qui m'ont été révélées. Dans le domaine de la santé, par exemple, avec celles qui ont l'endométriose. Il y a aussi le sujet de la perte d'un enfant avec celle qui ne peut pas donner la vie mais a des seins qui se transforment pour l'allaitement ou encore celui de la solitude de la monoparentalité qui est très présente sur le territoire. Faire ce travail, c’est un peu me réparer moi, mais aussi aider, avec mes moyens d’artiste. »
Derrière la femme djòk, la femme poto mitan, il y a aussi le fait de pas pouvoir craquer, de ne pas pouvoir se reposer sur quelqu'un et de devoir toujours être l'axe central sur qui tout le monde se repose. Mais sur qui ces femmes se reposent, elles ?
Pour ses photos, NouN a choisi le cyanotique, un procédé photographique utilisé par la britannique Anna Atkins au XIXème siècle. « C’est un processus chimique qu'on met sur le papier et qui se révèle au soleil, détaille-t-elle. C'est aussi un jeu pour l'artiste parce qu'il faut il faut le bon timing et une connaissance a comme à l'ancienne des étoiles et de la mer (rires). Ce qui est intéressant, c'est que c'est un processus qui a été popularisé par une femme, qui a sorti le premier livre de la photographie au monde avec cette technique, et l’histoire de ne l’a pas retenue. Ça aussi, c’est dommage. »
L'exposition est visible au local de l’association Terre fertile au 559 avenue Justin Catayée à Cayenne (face à la salle de sport Fitness Park) jusqu'à samedi. NouN espère toutefois trouver d'autres lieux pour la présenter à un maximum de personnes.