Climat : Un déficit de pluie marqué en Guyane qui dure depuis 11 mois

Le lever du soleil sur la plage de Montjoly
Le week-end de Pâques 2024 se sera singularisé par une météo changeante passant de la pluie au soleil avec même des inondations à Cayenne. Mais depuis ce 1er avril, le temps semble revenu au beau fixe et avec l’influence d’El Niño, la sécheresse va encore sévir en Guyane.

Un ciel très bleu et une température parfois au-delà des 30°, de faibles averses à cette époque de l’année, c’est une situation inhabituelle en saison des pluies qui dure depuis des mois et suscite des interrogations. Nous avons fait le point avec la climatologue de météo France Guyane, Emily Perquin :

« La situation actuelle est tout à fait exceptionnelle tant en raison du manque de pluie qu'à cause de la chaleur remarquable qui touche le département depuis de très nombreux mois. Entre une saison des pluies déjà déficitaire en 2023, suivie d'une saison sèche précoce et très marquée de juillet à novembre, puis une petite saison des pluies très atténuée (décembre 2023 à février 2024) et enfin un petit été de mars très long cette année, les pluies se font sérieusement attendre! ». 

Entre mai 2023 mars 2024 il n’y avait pas eu un tel déficit de pluie depuis 1967

Les observations faites au service climat de météo France Guyane mettent en évidence cette sécheresse marquée depuis plusieurs mois :

« La Guyane connait au final une pluviométrie déficitaire depuis le mois de mai 2023, cela fait donc 11 mois consécutifs que les cumuls de pluie sont inférieurs aux normales à l'échelle du département (moyenne réalisée avec 13 postes de référence).

Sur cette période de mai à mars, c'est la première fois depuis 1967 qu'il fait aussi sec avec un déficit pluviométrique d'environ 30% […] Si l'on s'intéresse au dernier semestre (octobre à mars), le déficit est d'environ 40% et c'est également la première fois qu'il y a eu aussi peu de pluie au cours de ce semestre. »

Il nous est aussi précisé :

« Concernant le premier trimestre de l'année, on constate un déficit de pluie généralisé sur l'ensemble du département avec des écarts aux normales atteignant souvent -50 à -70%. Les stations les plus déficitaires en pluie sont Maripasoula et Grand-Santi (-60%), St-Laurent (-65%) et Kourou-CSG (-70%). »

Il a déjà fait plus sec entre janvier et mars durant les deux dernières décennies

Nous sommes passés sous l’influence d’El Niño ce qui induit normalement moins de pluie et un temps sec plus ou moins soutenu. Et là encore ce premier trimestre 2024 n’est pas le plus remarquable connu en Guyane en termes de déficit de pluie nous précise Emily Perquin :

« Sur cette période de janvier à mars, l'année 2024 ne se situe qu'au 4ème rang des années les plus sèches, après 2019, 2003 et 2020, années où la pluviométrie s'est avérée plus faible encore (sous l'influence d'épisodes El Niño). »

Mais la chaleur reste exceptionnelle

« A cette sécheresse constatée sur l'ensemble du département se rajoute une chaleur exceptionnelle puisque l'année 2023 est l'année la plus chaude que la Guyane a connue depuis le début des observations dans les années 1950 (entre 1950 et 1955 pour la plupart des stations). Et cette situation perdure encore puisque les mois de juin 2023 à mars 2024 n'ont jamais été aussi chauds en Guyane. Cette pluviométrie très déficitaire ainsi que la chaleur record sur notre région (plateau des Guyanes – Nordeste brésilien) s’explique en grande partie par la présence du phénomène El Niño (réchauffement des eaux superficielles) sur le bassin central de l’océan Pacifique équatorial. Cet épisode El Nino a atteint son pic d'intensité en décembre 2023 et a désormais amorcé son déclin. Des conditions neutres* de l'ENSO (El Nino Southern Oscillation ou oscillation australe) sont maintenant attendues au cours du prochain trimestre (avril-mai-juin). »

La climatologue termine son propos en indiquant que nous pourrions, de nouveau, nous retrouver sous l’influence de La Niña selon certaines études climatiques. Un nouvel épisode annoncé pour le second semestre 2024 mais qui demeure incertain.