Confinée dans la tête… des lecteurs du billet de 20h !

40 billets d'humeur écrits durant les 40 premiers jours du confinement Covid-19. Des articles publiés chaque soir à 20h sur Facebook. Emmelyne Octavie, artiste commédienne a signé le dernier de ces textes ce 30 avril. Un au revoir singulier, rempli de chaleur que nous ne pouvions manquer.
Aujourd’hui a tout d’un soir d’une première. Ma fréquence cardiaque est anormalement élevée. Je prends ma température avec la main. Pas de fièvre. Par mesure de sécurité, je bois un dernier verre de rouge avant de consulter Google. Selon ses dires, je suis atteinte de tachycardie. Avant vous, je ne connaissais ni le mot ni même la maladie. Faut croire que le pari de ce soir est de taille. Se confiner chez les lecteurs du billet de 20h, ça en fait des têtes et Dieu que ça en fait des cœurs.
07h00 : — Dans quel objet ou dans quelle situation va-t-elle bien pouvoir se confiner aujourd’hui ?
07h13 : — J’espère qu’elle va écrire sur les nouvelles sportives qui ne savent même pas courir !
07h34 : — Elle s’est confinée dans le vin, j’attends maintenant le tour du café !
08h16 : — Elle aurait dû publier un texte le matin et un autre le soir !
09h43 : — Je vais lui dire de se confiner dans la tête de ma mère, y a trop à dire !
10h10 : — Tout beau tout nouveau ! Elle va vite se lasser de son propre rendez-vous !
10h59 : — J’ai trouvé son texte d’hier moyen !
11h30 : — J’aime bien ce qu’elle écrit mais c’est trop long !
12h28 : — J’aurais trop aimé qu’elle écrive sur le gouvernement qui ne sait plus où marcher !
17h01 : — Je suis sûre qu’elle va se confiner dans la tête des médias !
19h40 : — J’espère que le billet de ce soir sera à l’heure. Hier, j’ai compté 53 secondes de retard !
19h58 : — Aucun respect ! Elle annonce 20h et elle envoie le billet deux minutes trop tôt !
20h00 : — Enfin !
20h05 : — Octavie s’est surpassée ce soir !
20h12 : — Obligé de partager !
20h29 : — Bof !
20h37 : — Je kiffe !
20h50 : — Il manquait du sel !
21h21 : — Le texte d’aujourd’hui était trop triste !
22h56 : — Elle fait quand même pas mal de fautes !
23h :00 — Si elle cuisine comme elle écrit…
23h03 : — J’suis restée sur ma faim !
23h07 : — C’est une perte de temps !
23h31 : — Elle me fait rire ! Où va t-elle chercher tout ça !
23h32 : — Son style commence à m’énerver !
23h33 : — Chouette son petit texte !
23h34 : — Elle en fait trop !
23h36 : — Elle n’a pas intérêt de tomber malade !
00h04 : — J’espère qu’elle en fera un livre !
00h10 : — Est-ce qu’elle est célibataire ?
01h28 : — J’aurais peut-être dû lui dire qu’elle a mis « és » au lieu de « er » !
03h09 : — J’suis absolument pas d’accord avec son texte de ce soir !
04h11 : — Si elle pensait remporter le Goncourt du confinement, c’est raté !
04h22 : — G-É-N-I-A-L !
05h30 : — Faudrait qu’elle se confine dans la tête d’un réveil !
06h02 : — Elle doit vraiment s’ennuyer pour écrire autant !
06h24 : — J’espère qu’après tout ça, elle ne va pas faire comme si elle ne nous connaissait pas !
06h35 : — J’ai encore rêvé d’elle !
06h59 : — Au début c’était bien mais ensuite elle est devenue vulgaire !
07h00 : — Vivement 20h !
Et moi de mon côté je m’amusais à déplacer vos horizons d’attente en me demandant, est-ce que les Nathalie, Jean, Martine, Virginie, Frantz, Guilène, Louisiane, Sam, Bélé, Thierry, Maria, Jean-Pierre, Germain, Laurence, Daniel, Claude, Guilenia, Jocelyne, Amiélie, Eric, Jean-Albert, Arnaud, Lucy, Aline, Catherine, Dévy, Pauline, Tijé, Elodie, Anne-Olga, Anne-Laure, Alban, Karl, Elisabeth, Sandrine, Jean-Marie, Michèle, Assunta, Frank, Lydianne et tous ceux que je ne connais pas seront là… ?
Est-ce que les Claribel, Ann’Klod, Stéphanie, Cathy, Steffy, Béatrice, Kisha, Tchisséka, Célestine, Fedna, Erwin, Laurence, Myriam, Georgia, Amana, Michel, Jordan, Emmanuel, Fleur, Louise, Christophe, Célia, Stellia, Andréa, Beata, Silva, Saïna, Karine, Céline, Mapie, Euzhane, Victoria, Annick, Claude-Elie, Vanessa, Pauline, Caroline, Armelle, Nicole, Renee, Roland, Dieudonné, Evelyne, Gael, Marie-Georges, Aude, et tous les noms que je n’ai pas seront là… ?
Est-ce que les Vincent, Anais, Miremonde, Agathe, Julie, Malaika, Lisebeth, Georges, Paulette, Pierrette, Venise, Marie-Claude et Hélène, Patricia, Monik, Sébastien, Dona, Laeticia, Suzel, Suzette, Eunice, Honorine, Mona, Florence, Annabelle, Yolaine, Marylène, Francette, Pascal, Lucia, Isi, Emmelyne, Joe, Lila Dominique, Nadeline, Spartacus, Stéphane, Sergine, Jen, Dens, Nanou, Ruto, Mélysa, Christian, Mayra, Olivier, Rodolphe, Tata dwey, Mad time et tous ceux qui pensent que je les ai oubliés mais que je n’oublie pas… est-ce qu’ils vont tous répondre présents à l’appel du billet de ce soir mais surtout, est-ce qu’ils vont tous bien ?
Bien sûr qu’il y a eu des jours monotones où ça n’allait pas fort !
Il y a eu des soirées tristes et des soirs de fous rires.
Il y a eu des billets d’émerveillements mais aussi de déceptions.
Il y a eu des coups de cœurs et des coups de rien du tout.
Il y a aussi eu toutes ces têtes dans lesquelles je n’ai pas su me confiner,
Sûrement par pudeur ou manque de courage !
Je pense aux soignants,
Je pense à toutes ces personnes qui ont continué à nous faire vivre en faisant, en livrant, en nettoyant, en fabricant, en jetant, en transportant et surtout en encaissant !
Je pense aux mères et aux enfants entre de mauvaises mains,
Je pense aux sans-abris, à ceux qui crèvent de tout !
Je pense aux malades, à ceux qui sont partis et à toutes celles que l’on oublie !
Au départ, ce rendez-vous, c’était avant tout pour faire passer le temps…
Je crois bien que l’amour s’est greffé au temps.
Bien sûr qu’on a perdu du monde en chemin, sans quoi ce ne serait pas la vie !
Il y a eu des haltes et des escales !
D’autres ont pris le train en cours et les billets à cœur !
Certains ont pris le dernier wagon !
D’autres ne sont jamais partis !
Le paradoxe de ce confinement c’est que je n’ai jamais été aussi proche de mes lecteurs. Vous avez été tant de choses à la fois ; à l’heure, bienveillants, généreux, drôles, aimants, embêtants mais surtout attachants. Vous avez toujours su trouver les mots qu’il fallait pour prolonger ce rendez-vous en étirant un temps que l’on trouvait déjà long. Nous venons de faire un carême de 40 billets ensemble, durant lesquels j’aurais appris et grandi auprès de vous. Ça vaut bien plus que n’importe quel billet de banque.
C’est le grand soir ! Nous y voilà...
Dans quelques secondes il sera 20h, mais avant que le rideau ne s’ouvre et ne se referme, c’est à moi de vous dire M.E.R.C.I pour la confiance et tout ce que vous m’avez offert.
— Dis Google, c’est quoi le nom de la maladie qui pique les yeux quand il faut dire au revoir ?
— C’est un virus qui vient de l’Antiquité grecque. Son nom : l’Amour !
Alors Dieu que ça fait mal de vous dire au revoir !
Ce dernier billet que l’on signe ensemble aura un goût d’amour et quelques gouttes de mes larmes.
À jamais confiné.es dans mon cœur...
Prenez tous grand soin de vous !

Emmelyne OCTAVIE,"Confinée dans la tête de...