Cela peut paraître paradoxal : décider dans une période de doutes et d’incertitudes de se lancer dans une nouvelle trajectoire professionnelle. Mais la tendance depuis l’an dernier est profonde et n’épargne pas la Guyane. Selon l’étude sur les rémunérations menée chaque année par le cabinet Michael Page, un actif sur deux envisage une reconversion professionnelle dans les deux prochaines années. "La crise sanitaire à jouer le rôle de catalyseur" avance Sagie Hausermann, coach de vie. Parmi les moteurs de cette volonté de changement on retrouve le manque d'évolution au sein d'une entreprise paralysée par la crise, la dégradtion des conditions de travail ou encore la volonté de retrouver la maîtrise de son avenir. Sautez le pas reste toutefois le fruit d’un cheminement personnel. En 2020 il y a d’abord eu un temps de frein dans les initiatives, comme une paralysie de la société, saisie par l’arrivée de la pandémie. Par la suite la dynamique a repris et s’est même accentuée. Un constat déjà fait au niveau national mais également en Guyane.
Sur 153 demandes d’accompagnement de porteurs de projets depuis le début de l’année, près d’un tiers sont des salariés indique la plateforme d’initiative Centre Est Guyane. Les profils sont variés, mais globalement l’idée pour ces personnes est de mener un changement de fond à termes même si elles gardent leur activité dans la phase de transition. Une prudence assumée, la question du niveau de revenu est quoi qu’on en dise centrale.
Parmi ces salariés, moins d’un dizaine cherche un complément de revenus, la plupart sont en pied du mur. Ils ont connu une précarisation avec la crise sanitaire, leur contrat ayant été transformé en temps partiel ou oscillant entre activité et chômage partiel.
La crise comme électrochoc
Les salariés les plus concernés sont sans surprise les personnes évoluant dans les secteurs les plus impactés par la crise, du service à la personne en passant par la restauration et dans une moindre mesure le commerce. Si le fait de n’être pas sûre de retrouver une activité une fois la crise passée a joué pour beaucoup, la quête de sens peut aussi être un moteur pour une minorité de ces nouveaux porteurs de projets. Armand Charles, coach professionnel et préparateur mental, pense ainsi que la crise a servi d’électrochoc pour certains salariés à la recherche d’une plus grande qualité de vie.
Ce besoin illustre aussi un autre rapport au travail, l’envie d’en finir avec le stress et la pression d’un patron avec ses exigences pas toujours conforme à notre fonctionnement.
La réflexion ne débouche pas forcément sur une conversion nette sur le plan professionnel. On observe notamment une tendance vers des activités génératrices de revenus complémentaires comme les placements, ou le trading. L’idée par ces temps d’incertitudes est aussi d’anticiper l’avenir et améliorer son quotidien. En effet le rapport au travail aussi évolue, le sentiment que le temps de travail prend trop de place a été souligné par le temps que chacun a pu retrouver pour soi lors des différentes phases d’arrêt d’activité ou la limitation des loisirs extérieurs.
Ce que nous vivons actuellement nous renvoie à un schéma classique propre à chaque crise traversée par nos sociétés dans l'histoire. Certains individus font preuve de résilience et malgré toutes les difficultés, trouvent dans cette situation des opportunités.
Passé le temps de réflexion, le salarié souhaitant lancer son activité est par la suite parfois pris dans un timing d’urgence. Mais la réalité de l’entreprenariat n’est pas toujours bien appréhendée. Quand ils ont trop attendu pour se décider, ils doivent ensuite passer plus vite de l’idée au projet en somme.
« Auparavant nous avions 60% des porteurs de projet qui avaient déjà réalisé une formation de base sur la création d’entreprise avant de venir nous voir pour un prêt d’honneur, aujourd’hui ils ne sont que 12% » explique Catherine Padra, directrice d'Initiative Centre Est Guyane.
La tendance autour de ces nouveaux créateurs d’entreprises pourrait se poursuivre. Tout dépendra de l’évolution de la situation sanitaire et des mesures afférentes pour tenter de freiner la circulation du virus. En effet, l’an dernier, 13% des personnes en emploi en Guyane se déclaraient en sous-emploi, bien plus que les années précédentes, conséquence du recours à l’activité partielle des entreprises qui s’adaptent à la situation. Un constat qui pousse dans le même temps les salariés à trouver d’autres solutions.