De Mélenchon à Le Pen, le grand écart de la Guyane pour disqualifier Macron

De Mélanchon à Le Pen en Guyane
Pas de réflexe pavlovien en Guyane, ni de front républicain, les électeurs guyanais ont dit non à la politique d’Emmanuel Macron et ont voté Marine Le Pen, seule susceptible, semble-t-il, d’apporter le changement. Faut-il croire à un vote d’adhésion ou à un vote punitif ? Car passer de Mélenchon à Le Pen entre deux tours et donc d’un extrême à l’autre peut paraître surprenant mais peut s'expliquer par un contexte local politique, social et économique profondément dégradé.

Entre les deux scrutins de la présidentielle, la Guyane est passée d’une extrême politique à l’autre à l’instar d'une bonne partie de l’Outre-mer. Un vote qui interroge même si un rapide kaléidoscope des 5 années passées peut apporter une explication.

Comment expliquer ce vote guyanais ?

Depuis la grande mobilisation de 2017, l’agitation sociale n’a jamais cessé en Guyane. Elle s'est caractérisée par de multiples grèves, manifestations et cela quelque soient les secteurs d’activité.
Ce vote du 23 avril est celui de la colère, de la frustration et même de la désespérance des Guyanais qui ne cessent de s’exprimer sous différentes formes. Sur les réseaux sociaux, où la parole est complètement décomplexée, les internautes ne décolèrent pas.
Nombreux sont ceux qui n’ont pas digéré la gestion de la crise sanitaire covid qui a fragmenté la société. Vaccination, pass sanitaire, confinements multiples, des personnels de santé suspendus voire licenciés, autant de mesures qui sont apparues comme injustes et de véritables atteintes aux libertés individuelles. A cela s’ajoutent, comme une liste à la Prévert, un système de santé saturé et dégradé, une économie sous perfusion, une aggravation de la criminalité générant une insécurité permanente, l’orpaillage illégal qui mine la biodiversité et porte une atteinte grave aux communautés du fleuve, la ressource halieutique constamment menacée par la pêche illégale, la question migratoire hors de contrôle et une paupérisation grandissante… Autant de raisons d’alimenter les crispations, l’exaspération et la colère d’un électorat sans perspective qui a trouvé un exutoire dans les urnes. 

L’abstention plus que jamais maîtresse des horloges

Si l’on se réfère à deux autres élections présidentielles, celles de 2002 et 2017 où Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen se sont retrouvés, à tour de rôle, au second tour, l’abstention avait joué un rôle d’importance en Guyane.

L’abstention en 2002 représentait 57,54%. Cela n’avait pas empêché le candidat Jacques Chirac, bénéficiant de l’effet front républicain, de recueillir 89,09% des suffrages contre 10,91% pour Jean-Marie Le Pen et d’être ainsi réélu.
Cette même abstention augmentait de près de 4 points en 2017 pour culminer à 58,22%. Emmanuel Macron réalisait un résultat moindre que celui de Chirac mais capitalisait 64,89% des voix alors que déjà Marine Le Pen, réussissait un score de  35,11%.
Pour son troisième essai en 2022 alors que la participation au scrutin arrive tout juste à 38,89%, la présidente du Rassemblement National assoit définitivement ses idées sur le territoire guyanais en obtenant 60,70% des suffrages alors que le président sortant Emmanuel Macron n’obtient que 39,30% des votes. L’abstention atteint un sommet jamais égalé sur une telle élection, 61,98%. Ce sont, pratiquement, les scores inversés de 2017.

Mais Marine Le Pen plébiscitée en Outre-mer n’a pas réussi le grand saut dans l’hexagone et échoue une 3e fois au pied du fauteuil.

Emmanuel Macron est le nouveau président de la République et sera au pouvoir pour les 5 ans à venir. Dans quelles conditions s’exercera ce nouveau mandat alors que le Parlement sera remanié après les élections législatives du 12 et 19 juin?
Le président obtiendra-t-il une majorité confortable pour mener sa politique ou sera-t-il contraint à une cohabitation qui pourrait, peut-être, permettre, au champion du vote guyanais du premier tour, Jean-Luc Mélenchon, de réapparaître au premier plan de la scène.