De nombreux praticiens, spécialistes qui plus est, exerçant en Guyane sont d’origine étrangère. Afin de travailler définitivement sur un territoire français, il leur faut passer un examen extrêmement sélectif. Cette année, une vingtaine d’entre eux l’ont passé et obtenu ce précieux sésame. Problème : aucun poste n’ayant été publié ici l’année dernière, ils ne peuvent donc pas rester en Guyane et doivent candidater dans les régions où les postes sont disponibles. Une situation dénoncée par leurs collègues et les directions des hôpitaux de Guyane, à l’instar du CHC. Parmi eux Moez Khemiss, anesthésiste réanimateur au Centre Hospitalier de Cayenne.
Un service surchargé
Vêtu de sa charlotte et de sa tenue de bloc, le Dr Moez Khemiss vient tout juste d’achever une opération. Anesthésiste réanimateur au Centre Hospitalier de Cayenne, il est en ce moment surchargé de travail, et la situation ne va pas s’arranger confirme-t-il « Dans notre service, nous sommes huit praticiens à temps plein et un à mi-temps ». Au total, une vingtaine d’urgentistes, psychiatres, gynécologues, anesthésistes ou encore pédiatres exerçant à Cayenne, Kourou et Saint-Laurent sont sur le départ.
Ce sont des médecins étrangers dont les diplômes sont reconnus par l’Union européenne qui exercent en Guyane depuis trois, quatre ans et ayant réussi au concours d’équivalence pour obtenir la pleine autorisation d’exercice. Le fait qu’ils ont réussi les oblige à quitter le territoire guyanais
Dr Moez Khemiss
Et pourtant l’ensemble de ces médecins originaires de pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique Latine constitue 50% de l’effectif du CHC. Perdre ce personnel formé, qualifié, opérationnel et ayant surtout réussi à s’adapter au cadre de vie local, serait un désastre. Le Dr Khemiss en veut pour preuve l’état de son propre service « Quand on sait que pour faire un tableau de garde il nous faut au moins quatorze médecins, là on veut nous imputer des deux tiers ».
Le règlement a changé
Jusqu’au milieu de l’année dernière, les praticiens détenant une procédure d’autorisation d’exercice pouvaient rester si leur service était habilité à recevoir des internes. Sauf que les choses ont changé en juillet 2021 comme l’explique Caroline Cartier, directrice des ressources et de l’attractivité médicales au CHC. « Les postes doivent remonter au niveau national et figurer sur un arrêté qui liste l’ensemble des postes sur le plan national et ultra marin et c’est sur ces postes ouverts que les lauréats doivent postuler » Mais la Guyane ne figurait ni dans l’arrêté de juillet 2021, ni dans celui, complémentaire d’Août 2021. Par conséquent, pas de postes disponibles et donc, aucune chance pour les médecins en question de rester.
Les deux cartes sont à l’étude sur le plan juridique, il faut trouver un établissement qui accepte de prêter l’un de ses postes pour que les praticiens puissent postuler fictivement et ensuite être mis à disposition sur un poste en Guyane, la 2e option est que les praticiens choisiraient d’ici fin février l’un des postes sur la liste mais pourraient reporter leur arrivée d’un an et demi.
Caroline Cartier, directrice des ressources et de l’attractivité médicales au CHC.
L'agence régionale de Santé explique
Sollicitée, l’ARS indique que les « Padhue », les Praticiens A Diplôme Hors Union Européenne savaient, en passant ce concours national leur permettant d’obtenir le plein exercice, qu’ils auraient forcément été obligé de changer de région « ils le savaient avant de postuler. Ce concours n’est pas fait pour une affectation sur place et n’est pas adapté à la Guyane ».
Toutefois, un arrêté va sortir pour repousser la date limite d’affectation. Et dans tous les cas, s’ils acceptent quand même l’affectation, ils auront 18 mois pour prendre le poste en question. L’ARS précise par ailleurs qu’elle les a « encouragé à s’inscrire à une autre procédure, plus adaptée à la Guyane, c’est la procédure Padhue stock » (sur cette procédure les résultats ne sont pas encore tombés). Elle donne la même autorisation, il n’y a pas de quota et ils peuvent rester en Guyane via cette procédure. L’ARS, « plus de 140 Padhue sont ou arrivent en Guyane et ont été sélectionnés grâce aux recrutements précédents de l’année dernière ».
Aujourd’hui, malgré les différentes tentatives du Groupement Hospitalier de Territoire de faire remonter l’urgence de la situation au plus haut niveau, les chances de stopper l’hémorragie sont minces. Elles sont entre les mains du Centre National de Gestion, en charge de la procédure.
Un nouvel imbroglio administratif, loin de répondre à la demande criante sur le territoire guyanais, de praticiens censés offrir des soins de qualité.